Editorial : Être une force de proposition pour l’avenir agricole
Le lobbying est la science des contraires… Anticiper, proposer, convaincre, être crédible sont les bases du métier. Mais lorsque nécessaire, il faut aussi savoir s’opposer. Pour mieux proposer ensuite. La grande manifestation des tracteurs a résonné comme un coup de tonnerre à Bruxelles. Tout à fait pacifique, sa masse a réveillé les plus hautes instances de la Commission. Plus rien ne sera comme avant. Déjà les premières mesures ont été prises dans l’urgence et les excès les plus flagrants (jachère !) gommés. Ne parlons pas de simplification, mais d’atténuation de la complexité. On peut espérer que l’équilibre des pouvoirs entre Institutions, ONG et Agriculteurs soit un peu rétabli . Et le résultat des élections européennes (un deuxième coup de tonnerre dans le ciel bruxellois !) pourrait renforcer le mouvement engagé. Les enjeux sont cruciaux. La PAC des origines, dit-on, fût inventée dans les champs entre leaders agricoles visionnaires et fonctionnaires européens entreprenants. On se souvient aussi des « paquets prix » annuels. Comment redonner à l’agriculture son juste revenu dans la chaîne alimentaire ? Comment associer durabilité et nouvelles technologies ? Comment gérer les élargissements à venir sans pénaliser le tissu rural existant ? Comment redonner à l’agro-industrie une mission d’exportation et de conquête de marchés extérieurs ? Finalement, comment redonner à l’Europe une ambition agricole et un poids réel dans le concert des nations productives ?
La paralysie constatée depuis de trop nombreuses années entre orientations sociétales mal appréhendées, perturbations politiques internes et externes, crises sanitaires et climatiques actuelles et à venir, doit enfin être dépassée. C’est notre mission, nous devons trouver des solutions et les proposer le plus en amont possible. Consacrer une part importante de nos ressources intellectuelles, de la mobilisation de nos réseaux et de nos relais d’information constituera donc pour la CEPM une absolue priorité pour les 12 mois à venir. A commencer bien sûr par un travail de fond avec les institutions européennes qui seront renouvelées au cours de l’année.
Céline Duroc Déléguée Permanente CEPM, Directrice Générale AGPM
PAC : LA COMMISSION VEUT REDUIRE LE FARDEAU ADMINISTRATIF DES AGRICULTEURS
En réponse aux manifestations des agriculteurs dans toute l’UE, la Commission a présenté le 15 mars sa proposition visant à simplifier et à réduire la charge administrative des agriculteurs de l’UE.
La proposition consiste en une révision ciblée des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) dans le cadre de la PAC :
– BCAE 8 (zones non productives) : Les agriculteurs doivent maintenir les exigences des terres arables, mais ne sont plus tenus de laisser une superficie minimale de terres en jachère. Les agriculteurs peuvent choisir de créer de nouvelles exigences sur leurs terres arables pour lesquels ils recevront un financement par le biais d’éco-schémas dans les plans stratégiques.
– BCAE 7 (rotation des cultures) : Les agriculteurs auront la possibilité de procéder à une rotation ou à une diversification de leurs cultures, lorsque la diversification est autorisée par les plans stratégiques.
– BCAE 6 (couverture des sols) : Les pays de l’UE disposeront d’une certaine souplesse pour définir les
VERS UN NOUVEAU PACTE BLEU EUROPEEN
Depuis quelques mois, l’eau apparaît comme le sujet qu’il faudra approfondir dans l’agenda de la Commission. Outre les travaux en cours sur la Directive Eau et sur la Directive relative au traitement des eaux urbaines usées, l’eau a été incluse dans le champ d’application de la Directive sur les émissions industrielles récemment adoptée qui concerne également le secteur agricole.
Concernant le climat et l’environnement, l’initiative sur la résilience de l’eau, attendue pour décembre 2023, n’a jamais été publiée. En effet, la Commission a décidé de faire une « pause stratégique » et de réévaluer ses priorités en vue de publier un texte plus « global » prenant en compte les impacts de l’eau sur différents domaines, tels l’agriculture et l’énergie, qu’ils appellent le « nexus alimentation-eau-énergie ». C’est du volapuk européen !
Un groupe de 23 députés européens et un membre du Comité économique et social européen ont signé une lettre commune adressée à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et au commissaire
Maros Sefcovic, demandant à la Commission d’intensifier son action et d’adopter une politique globale sur l’eau, qui s’éloignerait de l’approche cloisonnée actuelle négligeant notamment l’agriculture. Ils l’ont baptisé le nouveau « Pacte Bleu européen ».
La réutilisation de l’eau, une meilleure gestion des bassins fluviaux, les niveaux d’humidité des sols, les fuites d’eau dans les canalisations et l’intensité de l’irrigation sont autant d’aspects qui seront pris en compte dans ce contexte.
Tout effort visant à adopter de nouvelles règles pour la résilience de l’eau devra être mesuré à l’aune des éventuelles répercussions négatives sur le secteur agricole. Le changement climatique impose de mieux gérer l’eau, et l’agriculture ne peut s’en passer. Quelles que soient les futures propositions, la reconnaissance de la contribution des agriculteurs à la résolution du problème est primordiale et la CEPM y veillera.
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
« périodes sensibles » pour la définition de la couverture des sols et pour déterminer les mesures à prendre.
– Flexibilité pour la conformité : Les pays de l’UE peuvent dispenser les agriculteurs de se conformer aux règles relatives au travail du sol, à la couverture des sols et à la rotation des cultures dans les BCAE 5, 6 et 7. Les exploitations de moins de 10 hectares seront exemptées des contrôles et des sanctions.
Après leur approbation par le Comité Spécial Agricole du Conseil, et par le Parlement ces nouvelles règles doivent être désormais déclinées au niveau des Etats-Membres. Ces mesures s’appliqueront rétroactivement à partir de janvier 2024 et seront valables jusqu’à la fin de la PAC actuelle en 2027.
La CEPM estime que les changements sont un pas dans la bonne direction, offrant aux agriculteurs la flexibilité nécessaire à la transition vers une agriculture plus durable. La CEPM appelle les Etats-Membres à saisir de ces opportunités et la Commission à conserver cette optique dans le cadre de sa proposition pour la future PAC.
UKRAINE : ADOPTION DES REGLES DE LIBERALISATION COMMERCIALE
Le 8 avril, après un débat intense de trois mois, l’UE est parvenue à un accord sur l’extension des mesures de libéralisation des échanges avec l’Ukraine. En bref :
– Les droits à l’importation et les quotas sur les exportations agricoles ukrainiennes seront suspendus pour une année supplémentaire, jusqu’au 5 juin 2025.
– En cas de perturbation importante du marché de l’UE ou des marchés d’un ou de plusieurs pays de l’UE due aux importations ukrainiennes, la Commission peut agir rapidement et imposer toute mesure qu’elle juge nécessaire.
– Pour les produits agricoles sensibles, y compris le maïs, les droits de douane seront réimposés si les importations dépassent la moyenne des volumes d’importation enregistrés au cours du second semestre de 2021 et de l’ensemble des années 2022 et 2023.
– Après l’adoption du texte, la Commission discutera d’une libéralisation tarifaire permanente avec l’Ukraine dans le cadre du processus de révision de l’accord d’association.
QU’ATTENDRE DU PROCHAIN CYCLE POLITIQUE ?
2024 est une année charnière de transformation politique. Avec 720 membres du Parlement européen à élire, 27 commissaires à (re)nommer et la sélection d’un nouveau président pour le Conseil européen, l’anticipation est en vogue chez les prétendants à ces fonctions. Le paysage ne se dessinera pas complètement avant la fin de l’année, mais une tendance semble claire : la droite en sortira vainqueur.
Tant au Parlement qu’au Collège des commissaires, les socialistes (S&D), les verts (Verts/ALE), le centre (Renew) et la gauche (GUE/NGL) devraient subir des pertes importantes dans leurs rangs. Pour l’agriculture, un paysage politique plus protectionniste aura des implications différentes :
• Commerce : avec seulement deux accords majeurs signés au cours des cinq dernières années, l’appétit pour de nouveaux pactes commerciaux est pratiquement inexistant. La résistance de certains pays de l’UE et le protectionnisme des États-Unis et de la Chine nécessiteront une réflexion approfondie sur l’introduction de clauses miroirs dans les négociations commerciales et de mesures miroirs autonomes s’appliquant aux importations, en dehors de ces accords
• Environnement et climat : Le message est clair, moins de règles environnementales pour le moment. Cependant, les ambitions pour le climat ne peuvent pas faiblir et, bien que l’on puisse s’attendre à une pause stratégique en ce qui concerne la nouvelle législation, l’UE a beaucoup à faire dans ce domaine, en particulier pour l’agriculture, qui reste le plus gros émetteur. L’eau est également à surveiller.
• PAC : la simplification est d’actualité. Comme indiqué dans la dernière newsletter, les dérogations récemment adoptées dans le cadre des manifestations des agriculteurs resteront en place au moins jusqu’en 2027. D’importantes réflexions devront être menées concernant l’inclusion de l’Ukraine dans l’UE (au moins le marché unique) et la manière dont le budget de la PAC sera géré. Les conclusions du dialogue stratégique sur l’agriculture sont également attendues.
Une myriade d’autres considérations concernant l’avenir de l’UE pourraient être présentées dans le cadre du contexte géopolitique actuel. En tout état de cause, la protection de l’agriculture européenne sera un aspect important de notre mode de vie européen.
Le texte a été approuvé par la Commission du commerce (INTA) du Parlement le 9 avril, et le Parlement complet l’a approuvée le 24 avril lors de la plénière.
La réponse est limitée dans sa capacité à offrir une aide supplémentaire aux agriculteurs : le blé et l’orge ne sont pas protégés et les droits de douane qui concernent le maïs sont devenus avec le temps inefficaces, soulevant l’importance de les mettre à jour. L’attention se porte désormais sur la renégociation de l’accord avec l’Ukraine, en vue d’une meilleure protection de nos producteurs et du respect de leurs normes par leurs homologues ukrainiens.
Compte tenu de l’attaque russe, il est compréhensible de soutenir les agriculteurs ukrainiens. Malgré l’importance des exportations vers l’Europe dans le cadre de l’accord actuel, cette solidarité ne doit pas reposer uniquement sur les agriculteurs. Nous devrions collectivement mieux planifier les futures mesures d’intégration de l’Ukraine.
NGT : OU EN EST-ON ?
Contrairement aux attentes initiales, l’approbation d’un cadre réglementaire pour les NGT au niveau de l’UE s’est avérée être tout sauf facile. Très peu de mesures ont été prises :
• Le Parlement européen a adopté son rapport le 7 février. Les députés ont proposé deux catégories de NGT : NGT 1 pour les plantes génétiquement modifiées similaires aux plantes conventionnelles, exemptées de la législation sur les OGM, et NGT 2 pour les plantes ayant subi des modifications complexes, soumises à des règles plus strictes. Ils insistent sur l’étiquetage obligatoire de tous les produits végétaux NGT, contrairement à l’étiquetage limité de la Commission pour les semences NGT 1.
• Au Conseil, la présidence belge a confirmé que le temps manquait pour conclure les négociations avec le Parlement avant les élections. Entre autres, les États membres sont toujours divisés sur la traçabilité, l’étiquetage et la question des brevets. Le vote du Parlement est un pas dans la bonne direction. Il a d’ailleurs de nouveau confirmé son vote le 26 avril dernier en plénière. Toutefois, les évolutions au sein du Conseil doivent être abordées avec prudence, en particulier si les États membres adoptent une vision plus stricte de la brevetabilité, ce qui finirait par poser de réels
problèmes pour les investissements et l’innovation.