Ne cassons pas ce qui fonctionne !
Au moyen-âge la peste noire a tué 40 % de la population européenne en 5 ans. Ça n’empêche pas certains d’estimer que la pandémie du Coronavirus est liée à l’action néfaste de l’homme sur mère Nature qui se vengerait du réchauffement climatique et autre déforestation… Les auteurs de ces déclarations y croient-ils eux-mêmes ou s’inquiètent-ils en réalité des choix de société : souveraineté ou lutte contre le changement climatique ? Pour l’agriculture la réponse est simple : les deux bien-sûr ! Alors quand le CESE préconise développement des protéagineux et abandon des biocarburants de première génération, on peut légitimement s’interroger sur cette ineptie, le bioéthanol fournissant in fine des protéines végétales pour l’alimentation des élevages ! Il est temps de sortir des idéologies pour identifier les vraies solutions, et cesser de casser ce qui fonctionne.
Le chiffre du mois : +11%, c’est l’augmentation de la sole française de maïs grain qui atteindra 1,6 millions d’hectares cette campagne. Avec 1,46 millions d’hectares les surfaces de maïs fourrage augmentent aussi de 2,2 %.
MARCHÉ
DIFFICULTÉS EN PERSPECTIVE
Alors que l’activité de l’économie mondiale se relève à peine des effets de la pandémie de Covid-19, les projections pour la campagne 2020/2021 laissent présager d’un contexte difficile pour les prix du maïs.
Reprise de l’activité économique
La reprise de l’activité économique en Europe et aux États-Unis, après la Chine, apporte un peu de soutien aux cours des matières premières. Du fait d’une reprise de la consommation et de baisses de production aux États-Unis et en Arabie Saoudite, les cours du pétrole repartent à la hausse dépassant le seuil des 30 $/baril. Cela a permis une reprise de la production d’éthanol
et une baisse des stocks aux États-Unis. Les cours du maïs américain, après avoir connu une baisse continue (près de 30 $/t depuis fin janvier !) semblent s’être, pour le moment, stabilisés à 125 $/t. Toutefois, pour les opérateurs, le bilan de l’USDA de mai semble un peu trop optimiste, tant dans son évaluation de la baisse de la consommation d’éthanol, jugée trop limitée, que dans la
hausse de consommation envisagée en FAB alors que les éleveurs de porcs abattent eux-mêmes leurs animaux faute de capacité d’abattage, la main d’oeuvre étant largement touchée par l’épidémie. Dans l’UE et en France, les cours du maïs aussi ont accusé une baisse mais plus limitée qu’aux États-Unis. L’éthanol est en effet un débouché moins important (environ 10% de la production européenne contre 40% en moyenne aux États-Unis) et l’écart de prix blé-maïs a fait gagner à ce dernier en compétitivité pour les FAB, ce qui a contribué à soutenir la demande et les cours. Enfin, la forte baisse des cours américains a conduit à un déclenchement des droits européens à l’importation fin avril. De 5,3 €/t, ceux-ci sont depuis le 5 mai de 10,4 €/t. Mais ce filet de sécurité est largement amoindri par le recours aux contingents à droit d’importations nuls qui devraient permettre de couvrir en partie les besoins de la fin de campagne. Ainsi, tous les contingents 2020 de maïs ukrainiens (1,225 Mt) ont été mobilisés par les importateurs.
Vers un alourdissement des stocks des principaux exportateurs en 2020/2021
Si la situation pour la fin de campagne 2019/2020 semble se stabiliser, les projections pour la campagne 2020/2021 laissent présager d’une pression baissière pour les cours du maïs. En effet, les surfaces sont attendues en hausse dans les principaux bassins de production, par rapport à 2019 : +8 % en Ukraine, +10 % aux États-Unis, +11 % en France… ce qui présage des records de production, en particulier chez les principaux exportateurs : 39 Mt en Ukraine et 406 Mt aux États-Unis contre 362 Mt en moyenne ces 5 dernières campagnes ! Pour la première fois depuis 3 campagnes, la production mondiale devrait dépasser la consommation. Les stocks mondiaux devraient également augmenter mais le ratio stock/utilisation pourrait rester stable (29% en 2020/21
contre 28% en 2019/20). La pression sur les cours vient de l’augmentation massive des stocks des principaux exportateurs (États-Unis, Brésil, Argentine, Ukraine) qui devraient s’alourdir malgré
une consommation dynamique. Ils sont attendus en hausse de 54 % par rapport à 2019/20 (96,6 Mt contre 62,8 Mt). Cela est essentiellement le fait des stocks américains qui augmenteraient de 57 % pour se situer à 84,2 Mt (contre 53 Mt en 2019/20). Mais ces projections reposent sur des conditions météo normales et sur les intentions de semis de début mars aux États-Unis. Or, la déroute des cours américains rend les semis de soja plus intéressants. Le rapport de l’USDA de la fin du mois de juin sur les surfaces indiquera si les producteurs américains ont modifié leurs
intentions. À suivre donc.
DEUX STRATÉGIES POUR VERDIR ENCORE PLUS L’AGRICULTURE
Dans la continuité des annonces du Pacte Vert de décembre 2019 qui visent une neutralité carbone à horizon 2050, la Commission Européenne a présenté le 20 mai deux textes centraux : la stratégie dite « de la ferme à la table », et ses ambitions en matière de « biodiversité » avec une communication sur le thème « ramener la nature dans nos vies ». Deux stratégies influençant la
réforme de la PAC qui sera traduite dans le Plan Stratégique National (PSN), en orientant les budgets vers des mesures environnementales et pour le climat (30 % du budget du second pilier) ou en dédiant un fonds minimum aux Eco-Scheme.
Réduction des fertilisants et des phytos
De manière cohérente, les deux stratégies intègrent des objectifs de réduction des fertilisants et des produits phytosanitaires. La Commission veut déployer des actions pour diminuer de 50 % la perte des éléments nutritifs et réduire de 20 % le recours aux engrais. Concernant l’utilisation des produits phytosanitaires, elle reconnaît la diminution de 20 % du risque lié à l’utilisation de ces
produits depuis 5 ans mais souhaite aller plus loin en réduisant l’utilisation des produits les plus dangereux de 50 % d’ici 2030. Une délicate articulation pour la France avec son plan Ecophyto II+ et ses réductions d’usage de 25% d’ici 2020 et de 50% d’ici 2025. Tout sera encore une question d’indicateurs de suivi et de date de référence de départ… Qu’ils s’agissent de fertilisants ou de produits phytosanitaires, la Commission souhaite mobiliser la PAC au travers des PSN pour encourager l’évolution des pratiques agricoles. Elle a également fixé un objectif ambitieux de 25 % de surface d’ici 030 dédiée à l’agriculture biologique alors que l’UE peine actuellement à atteindre 7.5% de la SAU.
La génétique, un levier à activer
Si la stratégie sur la biodiversité se focalise sur la manière d’enrayer le déclin de la diversité biologique, notamment en utilisant des races et des variétés de cultures traditionnelles, la stratégie de « la ferme à la table » ouvre la porte aux nouvelles techniques innovantes notamment les biotechnologies pour peu qu’elles ne présentent pas de dangers pour les consommateurs et l’environnement. Une ouverture intéressante alors que la Commission travaille actuellement sur le dossier des NBT et analyse le potentiel de ces techniques pour la durabilité de l’ensemble de la chaîne alimentaire.
Biocarburants, bioénergies : warning
Alors que la Commission Européenne se fixe de fortes ambitions en matière de transition énergétique, l’AGPM regrette le dénigrement fait à la production de bioénergies à base de cultures produites dans l’Union Européenne, que ce soit pour les biocarburants ou la production de biogaz. Le maïs a fait ses preuves en matière de durabilité et sa part dédiée à l’énergie n’impacte pas sa principale destination qu’est l’alimentation. L’AGPM reste donc vigilante sur les discussions à venir sur la directive Énergies renouvelables et continue à promouvoir la contribution du maïs à la fourniture de protéines végétales durables et à la décarbonisation des énergies.
Le Carbone, l’atout du maïs
Dans sa communication sur la stratégie « de la ferme à la table », la Commission souhaite encourager les bonnes pratiques en matière de carbone, en les « récompensant » par la PAC ou des initiatives privées. Le document évoque, soit l’utilisation des règles pour concevoir les paiements de la PAC sur le carbone séquestré, soit que des entreprises puissent acheter des certificats Carbone aux agriculteurs. Un système à approfondir, en lien avec les actuelles réflexions menées par l’AGPM sur le label bas carbone.
Un appel au pragmatisme
Au travers d’un communiqué de presse commun avec les autres organisations agricoles grandes cultures, l’AGPM appelle à donner des moyens aux agriculteurs pour construire l’agriculture de demain. À la sortie de la crise liée au CoVid 19, il est urgent que l’Union Européenne préserve sa souveraineté alimentaire tout en alliant : protection de l’environnement, sobriété carbone et compétitivité. Des messages également repris dans le communiqué de la CEPM, l’organisation européenne des producteurs de maïs dont l’AGPM est membre, rédigé à l’issue de son Assemblée Générale du 26 mai.
GESTION DE L’EAU
FAIRE SORTIR LES PTGE DE TERRE
Si les conclusions des assises de l’eau ont traduit une vraie volonté politique de faire émerger les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), avec des objectifs chiffrés à l’horizon 2022, la réalité est bien différente et les projets ont du mal à sortir de terre. Afin d’accompagner la demande du gouvernement, IRRIGANTS de France, APCA, FNSEA, JA, et la coopération agricole ont fourni, dès septembre 2019, une liste de 15 projets sur le point d’aboutir. Depuis, seuls deux projets ont abouti (Grand Chambéry-73 et Puiseaux-Vernisson-45). Les points de blocage sont multiples : difficulté d’acceptation sociale, clarification de la gouvernance, lourdeur de l’instruction administrative et complexité des montages financiers. L’AGPM et Irrigants de France, en lien avec les autres OPA, demandent de vraies avancées et activent tous les leviers, que ce soient les instances de discussion nationales, telles que le Groupe CORENA dédié à la gestion quantitative de l’eau, ou la formalisation écrite de nos propositions auprès des ministres de l’agriculture et de l’écologie. Force est de constater que l’outil « PTGE » n’est pas de nature à « sécuriser » les projets dans le temps car, s’il permet de réunir l’ensemble des acteurs autour du sujet de la gestion de l’eau, il n’a pas de portée juridique. Pour pallier cette situation, il s’agit de travailler sur les dispositifs juridiques existants, afin d’identifier les leviers d’actions permettant de faire sortir les PTGE et surtout de les rendre pérennes afin de limiter les recours abusifs et les contentieux qui en découlent. C’est ce à quoi s’attèlent aujourd’hui IRRIGANTS de France et l’AGPM.