L’impasse – Entre le fantasme et la réalité agronomique il y a parfois la recherche, à condition d’avoir des moyens et du temps. Quand en 2016 le Parlement votait l’interdiction des néonicotinoïdes, sans alternative, on pouvait espérer en trouver… Mais la réalité est douloureuse pour de nombreuses filières : de solution à ce jour, il n’y en a point. Et pour sortir de l’impasse, ne reste que le demi-tour, fort difficile à négocier politiquement …
Le chiffre du mois : 11,8 Millions de tonnes, C’est la prévision de récolte de maïs grain du 16 septembre selon FranceAgriMer soit une augmentation de 16% par rapport à 2019/20. Un résultat incertain à l’heure où 10 % seulement des maïs étaient récoltés.
MARCHÉ
Les cours du maïs en hausse
Accidents de production et demande chinoise
Depuis le mois d’août, les cours du maïs connaissent une hausse due à des accidents de productions et une demande internationale dynamique. L’échéance décembre à Chicago a gagné 15 $/t pour se situer à 150 $/t et les cours de l’échéance novembre, sur Euronext, ont gagné 7€/t pour se situer à 170 €/t. En France, la hausse est plus modeste, de l’ordre de 5 €/t. Ces hausses s’expliquent d’abord par les sécheresses, qui ont réduit le potentiel de production dans de nombreuses zones. Aux États-Unis, la sécheresse et la tempête Derecho ont réduit le potentiel de production de 10 Mt à 378 Mt (USDA, septembre). De nouvelles réductions pourraient être annoncées en octobre du fait du gel dans le Dakota du Nord. En Ukraine, la sécheresse estivale a affecté la production désormais attendue à 32-35 Mt au lieu des 40 MT prévus. Il en va de même dans l’UE, en France ou en Roumanie. Ainsi l’UE pourrait connaître une récolte d’environ 65 Mt, proche des niveaux de la campagne précédente malgré les hausses de surfaces. Les cours américains ont également été tirés par une forte demande chinoise qui s’est engagée sur quelques 12 Mt d’importations (dont 9 Mt en provenance des États-Unis), contre des importations de 4 Mt en moyenne. Le gouvernement chinois n’a pour le moment pas augmenté son quota d’importations à droits de douane réduits (7,2 Mt) alors que des analystes avancent un besoin de 15 à 20 Mt d’importations du fait des dégâts causés par les typhons et de la reconstitution du cheptel porcin.
Des bilans confortables
Malgré ces éléments en hausse, les bilans restent lourds, tant au niveau mondial que français. Les États-Unis, avec 63 Mt, connaîtraient leurs plus hauts stocks de fin de campagne depuis 1987/1988. Au niveau mondial, les stocks des principaux pays exportateurs (États-Unis, Brésil, Argentine, Ukraine) sont en hausse par rapport à la campagne précédente, avec 78 Mt (68 Mt en 2019/20). De même, au niveau français, la collecte devrait être en augmentation malgré la sécheresse, avec 11,8 Mt attendues par FranceAgriMer soit 16% de plus qu’en 2019/20. La hausse de consommation attendue en FAB (+ 400 Kt par rapport à 2019/20) ne suffira pas à compenser l’impact de cette hausse alors que l’export devrait connaître une diminution du fait du manque de compétitivité du maïs français sur la scène européenne et d’une bonne récolte de céréales à paille en Espagne réduisant ses besoins en céréales. Ainsi les stocks de report pourraient atteindre 3,1 Mt contre 2 Mt lors de la campagne précédente, une perspective négative pour les prix.
UN PLAN D’URGENCE BIEN A PROPOS
Le 3 septembre dernier le Ministère de l’Agriculture annonçait son plan de relance dédié au secteur agricole et agroalimentaire affichant notamment la volonté de renforcer la souveraineté alimentaire de la France et d’accélérer la transition agroécologique.
Un bon signal
Cette initiative arrive à un moment où la situation les exploitations maïsicoles est extrêmement délicate. A l’heure des premières récoltes, les perspectives de rendements sont médiocres, en particulier pour les maïs non irrigués, et nous l’avons vu, les perspectives de prix ne sont pas bonnes. C’est dans ce contexte que l’AGPM s’est associée à l’AGPB, la CGB et la FOP pour demander au gouvernement un plan d’urgence exceptionnel en faveur des grandes cultures.
De fortes attentes
Nos principales attentes concernent la fin des distorsions de concurrence en matière de facteurs de production, l’accès à l’eau et la PAC.
• Les interdictions sans alternatives mettent les productions en danger et vont à l’encontre de la souveraineté recherchée. De plus, la transition agroécologique appelée de ses voeux par le gouvernement ne se fera pas sans toutes les innovations disponibles y compris biotechnologiques. La France doit en prendre conscience et peser dans les discussions européennes.
• L’accès à l’irrigation montre une fois de plus tout son sens. Les maïs irrigués représenteront environ 35 % des surfaces mais 45 % de la production. Il est donc impératif de protéger les ouvrages de stockage face aux recours abusifs et de faire aboutir les projets de territoires en cours.
• Dans le cadre de la PAC, nos demandes concernent l’adoption de règles réellement communes au niveau de l’UE et des importations respectant les exigences de la production européenne. En matière de gestion des risques, l’AGPM en appelle à un dispositif assurantiel incitatif et à un deuxième pilier autorisant les investissements liés au stockage de l’eau. Il est de plus impératif que les exploitations ayant une certification environnementale de niveau 2 puissent accéder aux aides de l’Ecoscheme.
NÉONICOTINOÏDES
Sortir de l’impasse
Depuis l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018, les maïsiculteurs sont dans une impasse totale vis-à-vis des mouches, Oscinies et Géomyzes, et en grande fragilité technique vis-à-vis des autres ravageurs, notamment le taupin.
Des enjeux économiques considérables
Les dégâts de mouches (Géomyzes et Oscinies) peuvent atteindre 1,6% de pertes au niveau national sachant qu’ils sont concentrés sur 10% des surfaces (en Bretagne). La campagne 2016 a confirmé ce niveau de nuisibilité élevé, générant des pertes de production très importantes, estimées à 76 millions d’euros. Concernant la lutte contre le taupin, il existe encore quelques solutions, mais la diminution de leur efficacité, comparée à celles des néonicotinoïdes est estimée à 85 millions d’euros. En résumé, sans les néonicotinoïdes, la perte annuelle au niveau des exploitations maïsicoles est estimée à plus 160 millions d’euros, les années de fortes pressions.
Une situation fragile vis-à-vis des taupins
La lutte contre les larves de taupins repose intégralement sur les pyréthrinoïdes et principalement la cyperméthrine, seule à présenter des niveaux d’efficacité satisfaisants. Celle-ci couvre aujourd’hui 70% des surfaces de maïs qui sont protégées contre ces ravageurs, et pourrait ne pas être renouvelée au niveau européen à compter de 2023. Nous sommes donc dans une situation très précaire, car la perte de cette molécule, nous conduirait dans une situation d’impasse pour le taupin et une perte de 138.35 millions d’€ par an en moyenne pour la maïsiculture française. Un soutien de la France en faveur de la substance active s’impose pour ne pas laisser la maïsiculture dans l’impasse pour lutter contre son principal ravageur.
Une filière mobilisée
Des travaux d’expérimentations réalisés par Arvalis en 2019 et 2020 ont permis de mettre en évidence l’intérêt technique d’une substance active autorisée en Europe. Notre objectif est de pouvoir protéger les maïs dès la prochaine campagne. Vis-à-vis des taupins, et malgré une recherche active, aucune solution concrète à court-terme n’est disponible. C’est ce que nous avons rappelé lors de l’audition par la Commission des Affaires Économiques de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi Néonicotinoïdes et que nous ne manquerons pas de mentionner lors de l’audition au Sénat.
BIOMÉTHANE AGRICOLE : FILIÈRE SOUS TUTELLE ?
Baisse brutale des tarifs à venir
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) publiée début 2020 pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 avait recadré le développement de la filière biométhane avec une enveloppe budgétaire maximale de soutien au tarif d’achat, la réduction à 7% de gaz vert en 2028 au lieu de 10% en 2020 prévu dans la loi de transition énergétique, et une forte pression sur les coûts de production avec l’objectif de -22% pour les projets en 2023. Cette situation contrarie le dynamisme de la filière méthanisation, riche de plus de 1100 projets en attente représentant près de 25 TWh soit l’objectif 2028 de la PPE. Mais les baisses de coûts envisagées dans la PPE ne sont pas tenables d’ici 2023 et font courir le risque de stopper cette dynamique. Cette pression est déclinée dans un projet de révision du tarif d’injection datant de 2011 mis en délibéré au Conseil Supérieur de l’Exergie en septembre, avec l’objectif de se mettre aussi en conformité avec les règles européennes de soutien aux EnR. Les installations de plus de 300 Nm3/h devraient répondre à des appels d’offres, les autres continuant à bénéficier d’un tarif d’achat mais dont le niveau serait abaissé de 10%, combiné à une baisse programmée complémentaire de 2% par an. De plus, le contingentement de l’augmentation des capacités de production des projets à 30%, remet en cause l’équilibre économique des unités.
Les CIVE, victimes collatérales ?
Ce nouveau tarif supprime le soutien aux CIVE à travers leur accès à la prime biomasse inscrite dans le tarif 2011 pour un niveau entre 2 et 3 c€/kWh PCS en fonction de la taille des projets. Cette prime est remplacée par un soutien aux effluents, sur le modèle du tarif de cogénération biogaz, qui serait maximale pour 60% d’effluents. La baisse initiale de tarif pourrait aller jusqu’à 15% pour les projets incorporant des CIVE. L’AGPM regrette ces orientations qui pénalisent les projets utilisant des CIVE, dont le maïs en inter-culture et poursuit son action pour obtenir une révision tarifaire. Leur contribution est en effet indispensable pour atteindre les objectifs énergies renouvelables de la France et stocker plus de carbone dans les sols.