AGPM Info technique 512

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Préservez la qualité sanitaire du maïs en récoltant tôt

La qualité sanitaire est un enjeu majeur pour la filière maïs et souvent une condition essentielle d’accès au marché. Les dernières semaines de l’été 2021 ont globalement été plus froides que la moyenne habituelle et il pourrait être tentant d’attendre une maturation maximale avant de récolter. Or comme l’ont montré les travaux d’Arvalis sur le sujet, le risque mycotoxines augmente sensiblement avec des récoltes tardives. On ne saurait trop le rappeler : maîtriser le risque sanitaire passe par une récolte précoce pour esquiver les risques des automnes doux et humides.

Le chiffre du mois : 5%. c’est la teneur maximale en grains cassés autorisée par le Syndicat de Paris du Commerce et des Industries des graines.

PRINTEMPS FRAIS, ÉTÉ PLUVIEUX, FAIBLE RAYONNEMENT, DOUBLES ÉPIS, QUELLES CONSÉQUENCES SUR LES POTENTIELS DES MAÏS ?

PREMIER BILAN À L’AUBE DES RÉCOLTES

Le début de la campagne 2021 aura été marqué par un printemps froid. Les températures du début avril avaient même contraint à l’arrêt des semis pendant une quinzaine de jours. Après une levée plutôt lente, nous avons pu recenser quelques attaques de ravageurs (corvidés, sangliers, géomyze, taupins…) qui ont localement dégradé les peuplements. Néanmoins l’été 2021, régulièrement arrosé sur l’ensemble de l’hexagone, a permis d’accompagner la floraison des maïs et les fécondations se sont bien déroulées dans l’ensemble. Avec cette pluviométrie, les maïs n’ont pas connu de stress majeur cette année. Dans ces conditions, l’élaboration du nombre de grains/m² est essentiellement limitée par la structure du peuplement. Les maïs pluviaux sont homogènes et affichent des potentiels élevés. Quant aux maïs irrigués, ils ont pu faire l’économie des apports de début de cycles, mais on nécessités quelques tours d’eau tardifs pour accompagner la fin du remplissage des grains. Dans les zones de production de maïs fourrage, les gabarits sont hauts et la biomasse importante, il faudra compter sur du transfert du fourrage vers le grain. Malgré ces éléments positifs, il faut rester attentif sur le retard accumulé depuis le début de la campagne. Les récoltes seront décalées, les volumes importants et les humidités élevées, ce qui peut localement entraîner les problèmes logistiques à la collecte et au séchage. La vigilance est donc de mise pour assurer une bonne qualité technologique et sanitaire à la récolte.

Les séquences climatiques rencontrées cette année sont davantage favorables à Fusarium graminearum (DON) que les 5 dernières années : printemps moins chaud, pluies estivales. Pour Fusarium verticilioïdes (FUMO) l’été frais et humide a limité son développement et la population de foreurs, bien que toujours présente, est revenue à un niveau plus modéré. Si les températures de fin de cycle restent fraîches, les contaminations en fumonisines devraient être limitées. Pour Aspergillus (AFLA) enfin, l’été frais et humide n’a pas été favorable à son développement. D’une manière générale, il est conseillé de visiter régulièrement les parcelles à la recherche de symptômes visuels et de planifier la récolte en priorisant les parcelles les plus fragiles.

BEAUCOUP DE DOUBLES ÉPIS

En 2021, de nombreuses situations ont mis en évidence la présence de plantes avec deux épis dans des conditions de culture et de densité tout à fait normales. Comment expliquer ce phénomène ?
Sur une plante de maïs, les ébauches d’épis sont présentes à l’aisselle des feuilles, sur la partie inférieure de la plante. Classiquement, le dernier épi est le seul à se développer et à atteindre la floraison. Toutefois, plusieurs cas de figure peuvent entraîner le développement d’épis supplémentaires.

La protogynie
Chez le maïs, nous observons en général une situation de protandrie. C’est-à-dire que la floraison mâle (ouverture de la panicule) intervient avant la floraison femelle (apparition des soies). Dans le cas de conditions météo fraîches, il est possible d’observer des situations de protogynie, où la floraison femelle débute avant la floraison mâle. Ce cas de figure est généralement associé à une prolificité en épi. En effet, en l’absence de grain de pollen, l’épi supérieur n’est pas fécondé, l’élongation des soies se poursuit. Au niveau de la plante, tout semble se passer comme si la dominance
de l’épi supérieur était plus faible, laissant à l’épi inférieur la possibilité de se développer. Il est également possible qu’intervienne la dominance de la panicule. Les maïs prolifiques auraient souvent des panicules de masse plus faible.

L’effet de la lumière
Plusieurs conditions culturales sont connues pour favoriser la prolificité telles que les faibles densités en raison d’un effet lumière qui est régulièrement observable en bordure de parcelle.
Si la campagne 2021 a été marquée par des rayonnements plus faibles que la normale, elle est aussi marquée par des températures fraîches qui ont ralenti la croissance des maïs. Les quotients photo-thermiques, c’est-à-dire les rayonnements accumulés pour une somme de température donnée, sont globalement au-dessus des normales. Ainsi, ces derniers  ont mis plus de temps à atteindre le stade floraison et ont par conséquent cumulé plus de rayonnement.

Des conditions froides
Le froid ralenti la croissance des plantes et la présence d’entre nœuds courts pourrait être associé à de la prolificité. L’application d’un inhibiteur de la synthèse des gibbérellines (hormones jouant sur l’élongation) à des stades précoces, 7 – 9 feuilles, réduit la longueur des entre-noeuds et favorise le développement de deux épis (XU et coll., 2004).

EST-CE FAVORABLE AU RENDEMENT ?

L’année 2007 avait permis de mieux quantifier le gain de rendement lié aux épis secondaires. Par exemple, pour un niveau de prolificité oscillant entre 15 et 30 %, le rendement apporté par les épis secondaires est de l’ordre de 8 à 13 %. Le prélèvement des différents épis présents sur les plantes prolifiques ou non au sein de micro-parcelles conduites à densité normale (essais variétés) a permis de préciser la part de chaque type d épi :

  • une plante prolifique a un rendement supérieur de 30 à 50 %,
  • l’épi supérieur de la plante prolifique tend à être légèrement moins productif que celui d’une non prolifique (poids de grains inférieur de 10 %),
  • la productivité de l’épi primaire est supérieure à celle du secondaire (rapport de l’ordre de 2),
  • à la récolte, l’humidité des épis inférieurs est plus élevée en moyenne de 1 %,
  • le PMG des épis supérieurs des plantes prolifiques est toujours légèrement plus faible (5 %) que celui des plantes normales.

QU’EST-CE QUE LA DIGITATION ?

Il ne faut pas confondre un épi digité et le développement d’un épi inférieur. Pour bien comprendre la formation des digitations, il faut reprendre la chronologie de la croissance de la plante. Lors de la transition florale, le méristème situé au sommet de la tige (apex) s’allonge et arrête de fabriquer des feuilles, c’est à ce moment que la panicule apparaît. A ce stade, la moitié du nombre final de feuilles est visible mais toutes sont déjà initiées. Le dernier bourgeon axillaire formé (futur épi) engage alors son développement. Il initie à son tour des feuilles (spathes) et parfois des bourgeons à l’aisselle de ces spathes. Si ce bourgeon se développe, on parlera d’épi digité.

La multiplicité des épis insérés au mêmeétage foliaire n’est pas un signe de  productivité élevé. La digitation des épis n’est pas la cause d’une mauvaise fécondation mais la conséquence : la non-fécondation des ovules ou la perte de réceptivité des soies peuvent être des éléments déclencheurs de ce phénomène. Elle intervient dans les cas de protogynie, mais également dans le cas de protandrie. Par exemple, sous l’influence de stress climatiques (froid, pluie, écart de température) ou culturaux au moment de la transition florale, les bourgeons supérieurs avortent et ce sont les épis situés plus bas sur la tige qui prennent le relais. Ils ont la particularité de fleurir 3 à 6 jours plus tard, ce qui peut créer un décalage avec la floraison mâle. Les épis digités peuvent toutefois être fécondés si sa floraison n’est pas trop retardée. Mais on observe toujours une absence de fécondation sur le tiers inférieur de l’épi principal (perte de réceptivité) On observe un fort effet génétique sur certains hybrides. Le fait qu’une variété digite n’est pas une tare en soi, mais sa sensibilité au stress peut en être une.