AGPM Info technique 515

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Azote : anticiper tous les leviers techniques. En ce début d’année, il y a de vraies raisons de s’intéresser de près au poste Fertilisation. Outre la flambée des prix, les fabricants d’engrais rencontrent des problèmes logistiques importants. Si l’AGPM compte sur la filière engrais pour approvisionner les exploitations maïsicoles, il importe que toutes les sources d’azote soient identifiées et que chaque unité d’azote soit valorisée par les plantes. Plus que jamais, raisonner la fertilisation azotée représente un enjeu majeur techniquement et économiquement.

Le chiffre du mois : 108 c’est le nombre d’essais historiques sur lesquels Arvalis se base pour raisonner la dose d’azote à apporter sur la base d’un optimum technico-économique

FLAMBÉE DES COURS DE L’AZOTE : QUELLE CONDUITE ADOPTER POUR MON MAÏS ?

Au terme d’une envolée inédite de près de 6 mois qui semble enfin marquer le pas, le prix des engrais azotés atteint des valeurs record. Dans ce contexte, quels sont les critères à prendre en compte pour raisonner la fertilisation des cultures ?

L’ammonitrate, dont le prix moyen ramené au kg d’azote s’établissait à 0.95 e sur les 5 dernières années, a vu son prix plus que doubler. L’urée et la solution azotée ont subi une hausse des prix similaire voire encore plus importante. Outre l’impact direct sur les coûts de production, cette tension sur le marché des engrais occasionne de fortes difficultés d’approvisionnement, qui se traduisent par un retard important des livraisons, en comparaison aux campagnes précédentes. La situation actuelle laisse présager que de nombreuses commandes d’engrais ne pourront pas être honorées à temps pour les apports d’azote au printemps prochain.
Dans ce contexte inédit, deux principales questions se posent :
• Comment raisonner le calcul de la dose d’azote pour approcher l’optimum technico-économique ?
• Dans les situations où les besoins en approvisionnement n’auront pas été entièrement satisfaits, quelle stratégie de fertilisation faudra-t-il adopter ?
Raisonner la dose d’azote sur la base d’un optimum technico-économique
En règle générale, la dose d’azote à l’optimum technique et la dose d’azote à l’optimum économique sont quasiment équivalentes. C’était le cas pendant la période septembre 2016 – septembre 2021, avec un coût moyen de l’urée sur cette période de 345 e/t soit 0.75 e/kg N et un prix de vente moyen du maïs de 160 e/t. Cependant, compte-tenu du économique du cours actuel des engrais azotés, la question de revoir à la baisse les doses d’azote est tout à fait légitime. Arvalis a constitué une matrice illustrant les variations d’écart de dose d’azote à apporter entre une parcelle conduite à l’optimum technique (où l’on vise à maximiser le rendement) et une parcelle conduite à l’optimum technico-économique (où l’on vise à maximiser la marge brute) en fonction de 2 critères économiques : le prix de l’azote ainsi que celui du maïs. Les prix de l’azote et du maïs sont souvent liés (notamment pour des raisons de fret et de coût de production). Malgré une certaine volatilité des prix, les optima techniques et technico-économiques sont souvent confondus (zone blanche du tableau). Toutefois, ces derniers mois, le prix de l’azote a augmenté beaucoup plus vite que celui du maïs. Il peut alors s’avérer judicieux de prendre en compte la dimension économique dans le raisonnement des doses d’azote à apporter. Ainsi, pour un prix d’achat des engrais au cours actuel du marché (de l’ordre de 1.75 e/ kg d’azote pour de l’urée) et pour un prix du maïs négocié pour la prochaine campagne autour de 185 e/t, il faudrait réduire la fertilisation azotée d’environ 25 kg N/ha par rapport à l’optimum technique (cas 1 : cercle rouge sur la figure).
En revanche, dans des situations où l’approvisionnement en engrais azotés a pu être réalisé suffisamment tôt, lorsque leur prix n’excédait pas encore 1 e/kg d’azote, les doses d’azote à l’optimum technique et à l’optimum technico-économique sont équivalentes (cas 2 : cercle bleu sur la figure). Les cours du maïs sont également amenés à varier. Il peut s’avérer judicieux de commencer
à contractualiser afin de sécuriser le prix de vente, ce qui permettra, en outre, de faire le bon calcul de dose. Ainsi, en faisant l’hypothèse que le prix du maïs négocié pour la prochaine campagne
atteigne 230 e/t, et sur la base d’engrais azotés achetés actuellement, la réduction de la dose d’azote ne serait plus que de 15 kg N/ha pour viser l’optimum technico-économique
(cas 3 : cercle vert sur la figure).

Compte tenu de l’évolution très rapide des prix, ces indications n’ont valeurs que d’exemple et il convient de se reporter à la matrice de la figure 1 pour adapter le raisonnement à chaque situation.
En cas de défaut d’approvisionnement, quelle conduite adopter ? Si la disponibilité en engrais azoté est insuffisante pour atteindre l’optimum technico-économique, plus la dose d’azote totale sera
réduite et plus le manque à gagner pourrait être important.
• Estimer la fourniture du sol pour adapter la conduite
Il est bon de rappeler que la fertilisation azotée doit venir uniquement en complément de l’azote du sol disponible sous forme minérale, pour soutenir les besoins tout au long du cycle de développement.
Début de cycle (levée à 6-8F) : la croissance végétative et les besoins en azote sont d’abord modérés puis augmentent progressivement. Si les reliquats au semis sont élevés (> 60 kg N/ha), il n’est pas utile d’apporter l’azote avant 6F (ou ne pas dépasser une vingtaine de kg N/ha si une fertilisation starter est prévue) : l’azote ne serait pas très bien valorisé et tout excès risque d’être perdu par volatilisation ou par organisation microbienne.

De 8-10F – fin floraison : c’est la pleine croissance végétative et période d’absorption maximale d’azote ; période à laquelle l’azote est le mieux valorisé, a fortiori en maïs irrigué lorsque les tours démarrent (et limitent les pertes par volatilisation).

Fin floraison – maturité : ralentissement progressif de la croissance végétative et de l’absorption de N. Au cours de cette période, la minéralisation du sol suffit généralement à couvrir les besoins du maïs, en particulier en système irrigué.

• Bien valoriser tous les apports
Toute unité d’azote épandue doit être absorbée : les conditions de réalisation des apports sont déterminantes. Il faudra privilégier les apports localisés et enfouis. Veillez également à ne pas positionner d’apport pendant une journée avec des températures élevées et avec du vent, ou avant une période sèche, qui conduirait à des pertes par volatilisation.

• Envisager des sources alternatives d’azote
Les agriculteurs qui peuvent avoir accès à des produits organiques, tels des fumiers, des lisiers ou des digestats, pourront compenser une partie de l’azote provenant des engrais minéraux faisant défaut, à condition d’utiliser ces produits à bon escient (voir la calculette gratuite « Fertiliser avec des produits organiques » sur https://fertiorga. arvalis-infos.fr/FR) Comme pour les engrais minéraux, il est impératif de réaliser les apports dans de bonnes conditions, afin de valoriser au mieux les éléments fertilisants. Les couverts végétaux à base de légumineuses avant maïs peuvent jouer un rôle intéressant pour fournir de l’azote. Une destruction tardive, juste avant le semis de maïs permettra de maximiser la production de biomasse et la fixation symbiotique d’azote. Attention toutefois aux couverts très développés, voire lignifiés : mieux vaut alors les détruire quelques semaines avant le semis pour préserver la réserve en eau du sol et éviter que la phase  d’organisation nette d’azote qui suit immédiatement l’incorporation de ses résidus ne pénalise le maïs. Enfin, ne pas oublier que la date de destruction devra aussi être raisonnée selon le type de
sol, le travail du sol et le mode d’implantation envisagé pour le maïs (labour, TCS, strip-till ou semis direct) afin de positionner la semence dans les meilleures conditions.