CEPM Newsletter 33

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Editorial: Les nouveaux Groupes de Dialogue Civil

Depuis la PAC des origines, la Direction générale de l’agriculture organise des rencontres régulières avec tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Les « Comités consultatifs agricoles » sont devenus en 2014 « Groupes de dialogue civils ». Le concept est séduisant : réunir autour d’une même table les acteurs, des producteurs aux consommateurs. En 2013, la CEPM s’est mobilisée pour faire reconnaitre sa légitimité et participe ainsi à 5 groupes de dialogues civils (PAC, Environnement et Changement Climatique, Grandes Cultures, Aspects Internationaux de l’agriculture, Paiements directs et verdissement). A chaque réunion nos représentants sont présents car ces groupes permettent de se mettre en réseau – et donc de mieux connaître – toutes les parties prenantes de notre environnement institutionnel, notamment les ONG. Ces groupes sont aussi l’occasion de faire porter la voix des maïsiculteurs européens sur des sujets majeurs pour eux.
Pour être en résonnance avec la structure du Green Deal, la Commission européenne a programmé une nouvelle réforme : nouveau découpage pour s’adapter aux nouvelles thématiques et nouveaux appels à candidature. Bien sûr, la CEPM sera candidate et fera campagne pour maintenir au plus haut niveau possible sa représentation. Mais il nous semble nécessaire que la Commission tire avantage de cette réforme pour renforcer ces instances consultatives. La Direction générale de l’agriculture les voit trop souvent comme des cénacles d’information où elle
présente ses projets sans espoir pour les participants de pouvoir les amender. Anticiper les discussions avant même le début des études d’impact nous semble essentiel. Les « nouveaux Groupes de dialogue civil » doivent aussi, selon nous, avoir la possibilité de commanditer des études ponctuelles ou de formuler des questions à la Commission qui serait tenue d’y répondre.
Tout aussi essentiel nous semble être la répartition des sièges entre les différentes catégories de membres. A chaque réforme la représentation agricole a été réduite jusqu’à son minimum et ce mouvement doit s’inverser. Le rapport de force entre producteurs et ONG doit clairement être réévalué et les capacités de dialogue promues pour faire de ces instances une réelle force de proposition et non une stricte chambre d’enregistrement des avancées de la Commission.

SUR : LES OBJECTIFS DE RÉDUCTION INDIVIDUELS COMMENCENT À ÊTRE ASSIGNÉS, MAIS LA COMMISSION SE HEURTE À DES RÉSISTANCES

En août 2022, les États membres ont commencé à être informés des objectifs personnalisés de réduction des pesticides. D’après l’évaluation de la Commission, c’est l’Italie qui devrait faire le plus gros effort, puisqu’elle devrait réduire d’au moins 62 % l’utilisation des pesticides et les risques associés. Malte et la Slovénie se placeraient en deuxième et troisième position avec 61 % et 59 % respectivement. Le Portugal devrait faire les plus gros efforts en matière de réduction des pesticides les plus dangereux, avec une réduction minimale de 68 %. Malte, Chypre et l’Espagne
arrivent en deuxième, troisième et quatrième position avec 64 %, 64 % et 60 % respectivement. Le détail de ces méthodes de calcul ne sont pas encore publiques, mais certains fonctionnaires européens ont fait remarquer que la Hongrie a proposé une autre méthodologie de calcul de l’objectif de réduction de 50 % afin de faire peser la charge sur les grands pays de l’UE qui pulvérisent plus que la quantité moyenne de pesticides sur leurs terres agricoles. Selon la proposition hongroise, l’UE devrait s’efforcer d’atteindre un chiffre global de réduction de 50 %, plutôt que de demander à chaque pays d’atteindre un objectif spécifique. La présidence tchèque travaille déjà sur cette approche et des discussions sur la question auront lieu prochainement. Au niveau du Conseil, la proposition sera discutée le 11 octobre par le groupe de travail compétent et le 12 décembre par les ministres de l’agriculture. La CEPM continue de s’opposer à l’établissement d’un objectif fixe de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, préférant définir une voie de réduction des impacts fondée sur une base technique et scientifique partagée. Il est essentiel qu’une étude d’impact approfondie soit menée avant la mise en œuvre de ce règlement, en tenant compte des avantages, des coûts et des conséquences. L’étude d’impact devrait également inclure l’effet des restrictions dans les zones sensibles, qui, lorsqu’elles sont additionnées, peuvent représenter une quantité importante de terres dans les États membres.

PAC : PREMIER LOT DE PLANS STRATÉGIQUES NATIONAUX APPROUVÉS

Après des mois de discussions, la DG AGRI a finalement donné son feu vert au premier lot de plans stratégiques de la PAC. Jusqu’à la fin du mois de septembre, 9 pays ont reçu leur approbation finale, ouvrant ainsi la voie à la mise en œuvre des plans dès le 1er janvier 2023. Ces pays sont : Danemark, Irlande, Espagne, France, Luxembourg, Autriche, Pologne, Portugal et Finlande.
Une série de documents résumant chacun des plans stratégiques approuvés a été mise à disposition par la Commission après l’acceptation de la version finale du plan. Ces documents peuvent être consultés via ce lien. Les documents mettent en évidence, sur un maximum de 10 pages, les principales caractéristiques de chaque plan, fournissant également un aperçu des différents montants de subvention attribués à différentes mesures telles que le soutien aux jeunes agriculteurs, les éco-régimes, les objectifs environnementaux et climatiques et l’aide au revenu. Au total, les 9 plans stratégiques approuvés à ce jour représentent quelque 126,2 milliards d’euros, soit près de la moitié du budget total de la PAC pour la période 2023 – 2027. L’horloge tourne, et les États membres qui n’ont pas reçu l’approbation finale de la Commission sont priés de se dépêcher pour finaliser leurs plans avant le 1er janvier 2023. La Commission a déjà annoncé son engagement à approuver
rapidement les 19 plans restants, mais certains pays n’ont pas encore répondu aux lettres d’observation envoyées par la Commission dès la fin du mois de mai. Enfin, il est important de dire que la Commission a également adopté un règlement d’application concernant l’évaluation des plans stratégiques de la PAC et le suivi de leur mise en oeuvre. L’objectif de ce règlement est de fixer des règles sur les informations détaillées que les États membres devront collecter afin qu’ils puissent développer les outils informatiques et les systèmes de collecte appropriés pour évaluer la mise en oeuvre de leurs propres plans stratégiques et communiquer les résultats à Bruxelles.

CRISE ÉNERGÉTIQUE : IMPACTS SUR LES INTRANTS AGRICOLES TIMIDITÉ DU COMMISSAIRE WOJCIECHOWSKI

En août, le prix du gaz naturel par mégawattheure (MWh) en Europe a atteint un nouveau record de 348 €. Cette hausse affecte profondément certains secteurs à forte intensité énergétique en Europe, parmi lesquels l’industrie des engrais, qui dépend fortement de cette source d’énergie pour fabriquer ses intrants agricoles. En raison de la crise, certains plans de production ont déjà réduit ou suspendu la production. Plusieurs appels à s’attaquer au problème ont été lancés, que ce soit par les États membres lors des discussions au sein des conseils ou par les associations professionnelles qui traitent de la question, dont Fertilizers Europe. En conséquence, quelques courants d’action ont émergé. Tout d’abord, l’UE a exclu les engrais du champ d’application
des sanctions contre la Russie. Il convient de noter que l’approvisionnement en engrais était déjà perturbé suite à d’autres sanctions imposées à la Russie dans des domaines tels que les transports, les assurances et les banques. Par ailleurs, la baisse de la production d’engrais et la hausse des prix du gaz sont devenues les priorités des ministres européens de l’agriculture bien que le Conseil n’ait toujours pas approuvé la proposition de la Commission d’une levée temporaire des droits de douane pesant sur l’urée et l’ammoniaque. La création d’une stratégie européenne en matière d’engrais pour aider les agriculteurs à faire face aux pénuries a été débattue lors d’une réunion des ministres de l’Agriculture à Prague le 16 septembre 2022 (voir ci-dessous). Juste avant
cette réunion, le commissaire européen à l’agriculture, Janusz Wojciechowski, a offert un soutien timide à la stratégie en déclarant que la situation est désormais « si complexe » que l’UE devrait réagir de manière plus cohérente face à ce problème. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la Commission a déjà confirmé la publication d’une telle stratégie avant la fin du mois d’octobre 2022.

PRÉSIDENCE TCHÈQUE : FOCUS SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Bien qu’elle n’ait pas été un sujet prédominant dans le discours sur l’état de l’Union de Mme von der Leyen, la sécurité alimentaire a été débattue à deux reprises par les ministres de l’agriculture au cours du mois de septembre. La première réunion a eu lieu à Prague du 14 au 16 septembre  et le principal sujet de discussion était de savoir comment assurer une production et une distribution alimentaires adéquates aux pays les plus vulnérables tout en garantissant la durabilité. La réunion était axée sur la sécurité alimentaire et, au-delà de l’éloge de l’action de l’UE dans l’établissement de voies dites de solidarité, les ministres ont conclu que l’innovation, la recherche et les technologies modernes – telles que l’agriculture de précision – étaient les principaux outils à renforcer pour réduire la consommation de pesticides et d’engrais tout en maintenant la productivité. Dans un cadre plus formel, la deuxième réunion a eu lieu à Bruxelles le 26 septembre 2022. Parmi les sujets abordés, on retrouve surtout les développements rapportés dans cette newsletter tels que la nécessité d’une analyse d’impact plus ciblée sur le règlement relatif à l’utilisation durable des pesticides, la stratégie européenne sur les engrais et la prolongation du cadre temporaire de crise pour les aides d’État dans le contexte de la guerre russe contre l’Ukraine. Les deux discussions soulignent l’importance de la sécurité alimentaire dans le contexte actuel. Tandis que les ministres se concentrent sur l’autonomie stratégique de l’UE et sur la garantie d’une alimentation suffisante pour les
consommateurs européens, la Commission européenne réfléchit encore en interne à la manière de traiter cette question tout en mettant en oeuvre ses ambitions en matière de F2F et de Green Deal. La CEPM estime à l’inverse nécessaire d’adapter la Farm to Fork à la nouvelle conjoncture et d’abandonner les mesures punitives contre l’agriculture européenne.