L’union fait la force ! Il y a quelques mois, de gros nuages noirs passaient au-dessus de nos champs de maïs.
Loin d’être porteurs de pluie, ils annonçaient la fin d’une production d’excellence, indispensable à nos filières viande, oeuf, lait, fromage… Si l’AGPM a tiré la sonnette d’alarme, c’est bien l’union des grandes cultures et de la FNSEA qui a permis d’aboutir à une réforme de la PAC qui permettra de pérenniser nos productions. Et c’est cette même union qui a permis d’aboutir sur la réforme de la gestion des risques.
La mobilisation de près de 700 congressistes au Congrès du maïs, en dépit d’une campagne de production éprouvante, est un symbole fort. Unissons-nous pour l’accès à l’eau, à l’énergie, à l’innovation. C’est ainsi que nous y arriverons. Et n’oublions pas l’importance de la communication. Avec humanité, sincérité, démonstration et preuves, nous y parviendrons si nous unissons aussi nos forces dans ce domaine.
Le chiffre du mois : 669. C’est le nombre de participants au Congrès maïs 2022 à Pau. Un record de participation qui montre l’union et la mobilisation d’une filière déterminée à trouver des solutions d’avenir.
Les acteurs de la filière maïs se sont retrouvés les 23 et 24 novembre, au pays du maïs, à Pau, pour le Congrès annuel qui a réuni près de 700 personnes : agriculteurs, semenciers, collecteurs, acteurs de la protection des plantes et de la recherche, institutionnels et journalistes. Cette très belle mobilisation, suite à une campagne de production éprouvante et malgré de vives inquiétudes pour l’avenir, témoigne de la volonté pleine et entière de toute la filière de continuer à produire du maïs au service de la souveraineté alimentaire et énergétique de l’Union Européenne. Ce Congrès regroupe les différentes assemblées du groupe Maiz’Europ’ : AGPM, AGPM maïs semence, IRRIGANTS de France, l’interprofession des semences de maïs et de sorgho (FNPSMS) et la section maïs et sorgho de l’UFS. Ce numéro d’AGPM INFO vous propose de revenir sur les temps forts de cette édition.
POUVOIR COMPTER DURABLEMENT SUR LE MAÏS FRANÇAIS
Assemblée générale de l’AGPM
L’Assemblée générale de l’AGPM, en clôture du Congrès, a affirmé l’ambition de la filière maïs, absolument indispensable à l’alimentation humaine, animale et à de nombreux produits du quotidien : matériaux, énergie, captation et stockage du carbone…
Le Président de l’AGPM Daniel Peyraube a souligné les nombreux aléas de cette campagne de production marquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il a exprimé tout son soutien au peuple ukrainien, saluant sa résilience et la détermination des agriculteurs, mobilisés pour produire, pour nourrir une population, devant se battre pour leur liberté et leur survie. En matière de changement climatique, le Président a affirmé sa détermination à avancer sur l’irrigation et le stockage de l’eau : un dossier qui doit trouver rapidement des réponses. Il a exprimé ses pensées pour les agriculteurs victimes de dégradations.
Dans son rapport d’activité, l’AGPM a souligné les grandes avancées des derniers mois. Tout d’abord, la réforme de la PAC, désormais traduite dans le Plan Stratégique National, qui assure la pérennité de la maïsiculture française et des exploitations spécialisées maïs, menacées par les orientations initiales de la Commission européenne. Ensuite, la réforme de l’assurance récolte, attendue par l’AGPM depuis de nombreuses années et qui a abouti à la mise en oeuvre d’un dispositif plus incitatif, auquel s’ajoute l’ouverture d’un fonds de solidarité nationale. Ces réussites sont le fruit d’un travail de longue haleine mené avec les Associations spécialisées grandes cultures l’AGPB, la CGB et la FOP et avec la FNSEA, dont les présidents Éric Thirouin, Franck Sander, Arnaud Rousseau et Christiane Lambert ont pu témoigner de l’efficacité du travail en commun.
Le Maire de Pau, François Bayrou, rappelant le rôle de la culture dans la région, s’est engagé dans une défense du maïs en insistant sur deux aspects. D’une part ; l’utilisation de l’eau qui n’est pas privée du milieu lorsqu’elle passe dans la végétation et qui, depuis bien longtemps dans l’histoire de l’humanité, est captée lorsqu’elle est en excès. Le maire de Pau en appelle à d’avantage de pédagogie sur le sujet. D’autre part ; la captation du carbone – grande question écologique d’aujourd’hui –pour laquelle le maïs est d’une performance inégalée et d’autant plus avec la couverture hivernale des sols.
La table ronde sur la souveraineté alimentaire et énergétique a souligné le poids de la céréale, première produite au monde sur les 5 continents, et ses divers atouts :
• son rôle historique et économique au niveau local, créateur de valeur dans les territoires, au niveau européen et au-delà,
• ses innombrables débouchés illustrés par l’amidonnerie, en particulier au service de la santé
• ses atouts agronomiques au profit des sols et du climat.
Pour autant, la géographe et professeur à la Sorbonne, Sylvie Brunel, a poussé un cri d’alarme devant le ministre en appelant à un soutien plein et entier des agriculteurs injustement critiqués et dont la valeur de l’activité n’est pas assez reconnue. Le Président Daniel Peyraube a en particulier demandé soutien et persévérance au sujet de l’accès à l’eau et sur le coût de l’énergie qui doit impérativement être plafonné pour préserver la force de production.
Des problématiques largement partagées par la Présidente de la FNSEA, Christiane
Lambert qui a également insisté sur la nécessité de poursuivre la mobilisation, au niveau de chaque agriculteur pour faire reconnaître le rôle de l’activité agricole à un moment où il semble qu’enfin une prise de conscience s’opère, suite à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine. Le ministre de l’Agriculture a témoigné d’une écoute attentive aux attentes de la filière. En revenant sur sa volonté de respecter les engagements du Varenne, en levant les obstacles projet par projet et territoire par territoire. En relevant la nécessité de trouver une solution sur le coût de l’énergie. En soutenant l’engagement constructif des filières sur la PAC, pour laquelle il a d’ailleurs annoncé la validation du cahier des charges de la Certification environnementale de niveau 2 en séance. En accélérant les réponses attendues en matière d’organisation de producteurs dans le secteur des semences et en matière d’utilisation de produits phytosanitaires. Et en partageant le volontarisme en matière d’accès aux innovations, en particulier sur les NBT.
RELANCER LA PRODUCTION DE SEMENCES DE MAÏS
Assemblée générale de la FNPSMS
L’Assemblée générale de la FNPSMS a confirmé le caractère extrêmement pénalisant des conditions climatiques de l’été 2022 pour la production de semences de maïs et de sorgho en France comme au sein de l’Union européenne. Également confrontée à une augmentation sans précédent des coûts liés à la production et à la main d’oeuvre saisonnière, la filière de semences de maïs française confirme la moindre disponibilité des semences et les tensions d’approvisionnement sur certaines variétés, mais reste plus que jamais mobilisée et engagée pour sauvegarder des volumes et garantir la qualité de la production. Le président Pierre Pagès affirme que « la juste valorisation des semences sera déterminante pour conserver notre souveraineté et assurer la pérennité de la filière ». C’est tout l’objectif du plan triennal de la FNPSMS, présenté par le Président et reposant en particulier sur le renforcement des marchés historiques (France, Allemagne, Pologne), la gestion des risques climatiques (assurance, accès à l’eau), la préservation de la segmentation, la poursuite des actions techniques, en approfondissant la veille réglementaire et la communication sur la valeur de la semence française et la nécessité d’un juste partage
du producteur à l’utilisateur.
Assemblée AGPM maïs semence
L’assemblée AGPM Maïs semence a dressé le bilan de l’année la plus éprouvante jamais vécue par les multiplicateurs de semences de maïs, se soldant par un rendement moyen inférieur à 70 % des objectifs. Cette campagne a durement affecté la confiance des producteurs qui s’interrogent sur le devenir de la production de semences de maïs, alors que les charges explosent. Pourtant les besoins sont là ; le stock de semences doit être reconstitué pour 2023 après une campagne de production déficitaire à l’échelle de toute l’Union européenne.
Rappelant que le réseau français approvisionne plus de 50 % du marché européen, le Président d’AGPM Maïs Semence, Benoit Laborde a souligné « l’urgence de sécuriser le règlement de la campagne 2022 à la hauteur des engagements contractuels initiaux, ce qui ne pourra pas se faire sans une intervention exceptionnelle des semenciers car nos outils de sécurisation ne seront pas suffisants. Il faudra également fournir les garanties nécessaires sur les niveaux de rémunération pour 2023 ». La reprise de la production passera aussi par l’accès à la ressource en eau et à l’énergie à un tarif accessible, le renfort de nos outils de gestion des risques et l’accès à la main d’oeuvre saisonnière. Autant de défis à relever avec les semenciers. Le Vice-Président Jérome Dall, a fait le point sur les organisations de producteurs qui permettront de regrouper les producteurs de maïs semence pour optimiser les négociations collectives à venir avec les donneurs d’ordre privés (soit 40 % de la production). Suite au travail mené, nous restons en attente du décret du ministère approuvant l’Organisation de Producteurs.
Assemblée de la section maïs et sorgho de l’UFS
La Section maïs et sorgho de l’UFS est également revenue sur les crises importantes qui ont impacté leur activité en 2022 et les objectifs collectifs qui en résultent. Tout d’abord, les fortes difficultés climatiques ont dégradé la production de semences, ce qui ne permet pas de reconstituer les stocks envisagés. Alors que seulement 60 à 70 % de l’objectif a été réalisé, il n’y aura pas de rupture généralisée mais on peut s’attendre à des difficultés d’approvisionnement pour certaines variétés. Ensuite, la crise énergétique liée au conflit russo-ukrainien inquiète les semenciers, non seulement concernant la répercussion des hausses, menant à une inflation inéluctable des productions agricoles, mais aussi concernant la priorisation de l’accès aux ressources énergétiques. En effet, la consommation énergétique des entreprises semencières est majoritairement saisonnière (en lien avec le séchage des épis), la perspective d’une situation de tension
durable, voire de délestage, sans prendre en compte les spécificités de nos activités, pourrait être très dommageable pour la filière. Dans un tel contexte, accentué par de nombreuses incertitudes, tous les acteurs doivent se mobiliser et participer à l’effort collectif pour assurer la pérennité de la filière française de semences de maïs et pour maintenir le réseau de producteurs afin d’assurer la campagne 2023.
L’attractivité de la production de semences est un enjeu majeur. Il est également indispensable que les semenciers soient identifiés comme des acteurs économiques stratégiques dans les territoires. Cela permettrait de faciliter l’accès à l’énergie, mais aussi à l’eau pour permettre à la France de rester le 1er producteur européen de semences de maïs (45 % des semences commercialisées dans l’UE sont françaises).
DÉFENDRE L’AGRICULTURE IRRIGUÉE
L’Assemblée Irrigants de France l’a fermement affirmé : l’accès à l’eau est prioritaire pour assurer la sécurité alimentaire de notre pays. L’eau est au coeur de notre activité, elle protège du gel comme des sécheresses. Le Président Éric Frétillère a rappelé le rôle central de l’irrigation et du stockage pour répondre aux enjeux des prochaines années et reste déterminé pour que les travaux du Varenne agricole de l’eau, dans lesquels Irrigants de France s’est fortement impliquée, aboutissent. Car, comme l’a montré l’agro-climatologue Serge Zaka, les étés du futur seront plus chauds et plus secs et les hivers, plus pluvieux. Pourtant, le Président d’Irrigants de France a fait part de son désarroi : « depuis le changement de gouvernement, dans le cadre de la planification écologique, le ministère de la Transition écologique tient la plume pour la rédaction des décrets d’application. Les discussions se réfèrent aux assises de l’eau – avec l’injonction de baisser les prélèvements de 20 % – et non au Varenne. Je ne cesse de rappeler les engagements du Varenne et demande leur application. Je ne lâcherai rien ». Car comme l’a montré la table ronde réunissant Éric Frétillère, Marc Schmitt de l’institut français de la malterie et Yann Oudart du Syndicat de l’eau potable de Haute-Garonne, l’accès à l’eau, vitale aux activités humaines, ne freine ni la sobriété (manifeste chez les consommateurs d’eau potable depuis 2003), ni l’innovation (manifeste en agriculture et en dans les industries brassicoles). Les irrigants ont également partagé leur préoccupation au sujet de la flambée du coût de l’énergie : les tarifs d’électricité, multipliés par 3 ou 4 pour 2023, vont se traduire pour l’irrigation, par des coûts d’énergie à l’hectare multipliés par 6 ou 10 par rapport à 2021. La situation deviendrait intenable en cas de baisse des prix des matières premières agricoles ; un scénario probable en raison du ralentissement de la croissance mondiale. Ces sujets majeurs ont motivé le vote en Assemblée Générale d’une motion qui a été présentée au Ministre de l’Agriculture le lendemain par Daniel Peyraube, président de l’AGPM.
Une motion Irrigants de France
pour pérenniser l’agriculture irriguée en France
• Considérant que la pandémie du COVID puis la guerre en Ukraine rappellent la fragilité de la sécurité alimentaire mondiale ;
• Considérant que l’accès à l’eau est la garantie d’une production en quantité et de qualité, apportant une sécurisation des débouchés, et assurant la durabilité économique des filières ;
• Considérant que la France ne manque pas d’eau douce, mais que sa ressource sera de plus en plus mal répartie dans le temps et dans l’espace ;
• Considérant que les travaux du Varenne agricole de l’eau ont identifié les actions qu’il faut désormais mettre en oeuvre ;
• Considérant que l’augmentation des coûts de l’énergie menace la viabilité économique des exploitations agricoles ;
• Considérant que les destructions des biens et matériels, ainsi que les violences à l’encontre des irrigants sont intolérables.
IRRIGANTS de France demande :
• La garantie de l’accès à l’eau à travers l’aboutissement et la sécurisation de tous les projets de stockage.
• Des mesures de soutien pour que les agriculteurs puissent faire face à l’augmentation du coût de l’énergie et maintenir l’irrigation.
• La reconnaissance de l’intérêt général majeur de l’agriculture, et de sa protection, y compris lorsqu’elle est irriguée.
Serge Zaka est intervenu à l’assemblée Irrigants de France pour présenter l’évolution du climat à horizon 2070. L’expert est revenu sur l’année 2022 : année la plus chaude et la plus sèche jamais observée en France et qui sera une année normale en 2070. Étés plus chauds et plus secs, hivers plus pluvieux ; ces évolutions affectent les cultures en raison de sols plus secs – l’excès de pluie, n’arrivant pas à imbiber les sols – et d’une évapotranspiration accélérée. Dans ce contexte les retenues d’eau sont nécessaires mais ne sont pas l’unique solution : innovations génomiques et agriculture numérique, doivent être activement déployées.
VIVE LES MAÏSICULTEURS, PAR SYLVIE BRUNEL
(extraits)
« Monsieur le ministre, merci d’être venu à ce congrès. Mais les maïsiculteurs ont besoin que votre voix se fasse entendre, qu’elle porte plus haut et plus fort que les contempteurs du maïs. Dites-leur que stocker l’eau, c’est une nécessité pour anticiper le changement climatique, pour faire face à des étés de plus en plus secs et chauds, que le maïs est la plante qui valorise le mieux l’eau reçue : par une productivité sans égal, par des services environnementaux innombrables, par une capacité de stockage du carbone qui permet aux maïsiculteurs de compenser les émissions du transport routier. En France, les urbains roulent, les paysans réparent ! Que le maïs est la plante de la sécurité alimentaire. Sécurité alimentaire des pauvres, par des rendements exceptionnels, au point que sa culture progresse partout dans le monde, et qu’elle est devenue la céréale la plus échangée sur les marchés mondiaux, avec le blé, bien sûr. Faisons du maïs un des piliers de notre souveraineté. Redonnons espoir et confiance à ces 700 producteurs et acteurs de la filière maïs qui ont fait le voyage pour se retrouver ensemble dans ce nouveau palais du maïs qu’est le palais Beaumont. Sans eau, sans OGM, sans gaz, sans phyto, sans azote, l’Agriculture n’est pas possible. Or elle est plus que jamais nécessaire pour permettre à la France de rester une grande puissance forte et nourricière. Il nous faut préserver la céréale la plus prolifique, le grain des dieux. Ne laissons pas dans nos campagnes la déprise et l’incendie gagner face à ces territoires soignés, construits, ordonnés, que le monde agricole met en oeuvre. Ne laissons pas le ciel nous tomber sur la tête ! Nous pouvons agir au lieu de subir. Ne laissons pas le découragement nous engluer, alors que nous avons tous les moyens, et nous l’avons vu au cours de ces deux jours, d’apporter toutes les réponses dans tous les domaines, dans tous les secteurs, du développement durable, aux peurs de la société. Vive le maïs ! Vive ceux qui le cultivent ! Il faut le clamer haut et fort tous ensemble : vive les maïsiculteurs ! »