Les organisations professionnelles agricoles prennent acte de l’ambition de l’Etat de mieux planifier la gestion de la ressource en eau. Partageant l’importance du dialogue et de la concertation et l’impérieuse nécessité de nous adapter face à l’urgence climatique, nos organisations s’inscrivent dans les objectifs de sobriété et de stockage et appellent à accélérer les chantiers, à simplifier les réglementations et à se dresser devant les blocages idéologiques.
Inquiets de voir nos outils de production malmenés, nos usages délaissés, stigmatisés et notre souveraineté alimentaire s’éroder, nous avons écouté avec attention les propos du président de la République à Savines-le-Lac et ceux du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire au Congrès de la FNSEA à Angers le 30 mars 2023.
Nous saluons l’annonce du ministre de l’Agriculture qui assure la stabilisation des prélèvements au global pour l’agriculture car il n’y a pas d’agriculture sans eau, et il n’y aura pas de souveraineté alimentaire sans eau.
Cette stabilisation des volumes prélevés par l’agriculture est indispensable pour protéger la capacité de production de la « Ferme France » face au changement climatique. Elle doit s’accompagner, au regard de l’ampleur des changements à venir, d’une politique volontariste pour améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau en agriculture et dans les industries agroalimentaires.
Plusieurs mesures du Plan Eau vont dans ce sens : appui financier à la recherche et l’innovation, remobilisation et modernisation des ouvrages existants, développement de nouveaux projets de stockage, valorisation des eaux non conventionnelles en agriculture et dans l’industrie agroalimentaire et accompagnement des agriculteurs pour une adaptation face aux évolutions du climat. A ce titre, nous saluons également l’intégration d’un diagnostic de l’exploitation en lien avec l’eau, le sol et l’adaptation, dès l’installation des agriculteurs, signe que la formation sera un des leviers déterminants.
Néanmoins, le mur administratif et la volonté réduire unilatéralement, à brèves échéances, aux autorisations de prélèvement dans les secteurs en tension, quand les retards pour retrouver les équilibres ne sont, en rien, imputables aux agriculteurs, nous alertent. Les conséquences de telles décisions seraient dramatiques sur nos productions alimentaires, la diversité des cultures et les filières inscrites dans les territoires.
Nous demandons de rapidement simplifier et sécuriser les cadres législatifs et réglementaires tant pour favoriser la réutilisation des eaux usées traitées en agriculture et en agroalimentaire, que pour remobiliser des ouvrages de stockage existants et développer de nouveaux projets d’hydraulique, notamment en multi-usages comme acté au Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.
Nous rappelons en outre que, dans tous les territoires, y compris les aires d’alimentation de captage, les mesures à respecter, nécessairement définies en concertation, doivent permettre de concilier production et préservation des ressources en eau tout en répondant à la nécessité de maintenir des filières économiquement viables.
Sur les aspects financiers, nous saluons les engagements pris, dont la création d’un fonds d’investissement hydraulique agricole et la suppression du plafond des dépenses des agences de l’eau. Au regard des besoins en termes de recherche et d’innovation en agriculture et agroalimentaire, d’accompagnement à la sobriété, d’augmentation des disponibilités en ressources en eau et de préservation de la qualité de l’eau et des écosystèmes, nous estimons cependant que les enveloppes annoncées restent insuffisantes. Nous serons parallèlement très vigilants à toute velléité d’augmentation des redevances aux agences de l’eau tant pour les agriculteurs que pour les industriels de l’agroalimentaire, déjà fortement contributeurs au Plan Eau.
Acteurs de premier plan et forces de propositions, nos organisations demandent d’être pleinement associées à la déclinaison concrète du Plan Eau, aux différentes échelles : national, bassin, sous-bassin et aires d’alimentation de captage.
Nous réitérons notre volonté de dialoguer et notre engagement de contribuer à la gestion durable de la ressource, essentiels pour la résilience de notre agriculture, de nos filières agroalimentaires et la préservation de notre souveraineté alimentaire.
Réactions :
« Pour produire notre alimentation, l’accès à la ressource en eau par les acteurs de la chaîne est indispensable. La reconquête de notre souveraineté alimentaire en dépend. A défaut, la baisse des volumes de production mettrait nos outils de collecte et de transformation en grande difficulté. La perspective d’une levée des freins règlementaires à la réutilisation des eaux non conventionnelles répond à l’une de nos attentes. Les coopératives entendent ainsi prendre toute leur part des nécessaires efforts de sobriété. Mais, c’est bien l’ensemble du panier de solutions qui doit être déployé en même temps, y compris le stockage. » explique Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole.
« Pour la FNSEA, la gestion durable de la ressource en eau passe par une planification et un renforcement de la concertation dans les territoires, avec en particulier les agriculteurs. Nous serons attentifs à ce que la concrétisation des mesures annoncées par le Président de la République à Savines-le-Lac et par le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire à Angers à notre Congrès préserve la capacité de production des agriculteurs et contribuent à notre souveraineté alimentaire. Stockage et sobriété restent notre leitmotiv. L’accompagnement des agriculteurs pour une agriculture compétitive, résiliente et durable est une condition de réussite pour les porteurs de projets économiques, au cœur de notre rapport d’orientation, adopté à l’unanimité à l’occasion de notre Congrès 2023. », complète Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.
Pour Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France : « La stabilisation des prélèvements annoncée par le Plan Eau est une reconnaissance du travail déjà effectué par les agriculteurs en termes d’économie d’eau et d’adaptation des pratiques. Les chambres d’agriculture accompagnent les agriculteurs dans la transformation de leurs systèmes d’exploitation pour s’adapter au changement climatique avec notamment une optimisation des volumes utilisés. Cependant il restera des territoires où l’absence de volumes supplémentaires sera un vrai problème.»
« Le président de la République a fait du diagnostic eau, sol et adaptation dès l’installation le premier pilier du volet agricole de son Plan Eau, en rappelant qu’il nous l’avait promis aux Terres de Jim. C’est le signe que l’Etat a compris que l’un des leviers est de former les jeunes face au changement climatique. L’auto-évaluation sera une compétence du XXIe siècle. C’est aussi une consécration pour le travail de notre réseau. » commente Arnaud Gaillot, président de Jeunes Agriculteurs.
« Nous saluons la prise en compte spécifique du secteur agricole dans les annonces du président de la République car, si nous partageons le constat du besoin d’économie de la ressource, on ne peut envisager de réduire les prélèvements pour la production agricole : sans eau, pas d’alimentation. Les agriculteurs sont bel et bien engagés dans la sobriété depuis plusieurs années, en travaillant à améliorer l’efficience de leur usage de l’eau. Nous avons également entendu, avec une grande satisfaction, la volonté du président de la République de développer des solutions de stockage adaptées à chaque territoire. Nous attendons maintenant des règles claires, adaptées et transparentes ainsi que des précisions chiffrées sur cet engagement. », déclare Eric Frétillère, président d’Irrigants de France.