Plus vert que vert, c’est noir ! En cette période où les négociations de la PAC s’accélèrent, les instances européennes entendent inscrire, dans la conditionnalité, l’obligation de rotation à la parcelle. Cette nouvelle incursion administrative dans les pratiques agronomiques risque de déstabiliser des filières historiques, locales, parfois renommées, à commencer par celles à base de maïs. Mais pire, il s’ensuivrait une dégradation des paramètres environnementaux pourtant érigés en objectif absolu, justifiant la mesure imposée. Un scénario noir pour le développement durable mais on n’est plus à un paradoxe près….
Le chiffre du mois : 735 millions d’euros. C’est le montant des pertes subies par les producteurs de maïs français si la rotation à la parcelle devenait obligatoire dans la prochaine PAC*. *Sur la base de l’analyse Arvalis des données des RPG de 2015 à 2018 (hypothèse de 475 Kha de maïs perdus).
Marché
POURSUITE DE LA HAUSSE
La hausse des cours du maïs, débutée à l’automne dernier, s’est poursuivie en ce début d’année. Les cours du maïs à Chicago ont ainsi gagné près de 35 $/t entre la mi-décembre 2020 et la mi-janvier 2021. A plus de 200 $/t sur l’échéance mars, ils retrouvent un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2013. Cette poursuite de la dynamique de hausse s’explique notamment par le bilan de l’USDA de janvier. Celui-ci a une nouvelle fois revue en baisse la production américaine de maïs, désormais estimée à 360 Mt (contre 368 Mt en décembre 2020 et 406 Mt en mai !). Cette évaluation, bien supérieure aux attentes du marché, a conduit à une révision à la baisse des stocks de report qui sont désormais projetés au plus bas depuis 7 ans avec 39 Mt. La demande chinoise de maïs participe à cette tension sur les stocks des États-Unis. La Chine a importé en 2020 plus de 11 Mt de maïs, près du triple de ses importations lors des années précédentes ! Ce pays cherche à reconstituer ses stocks et à répondre à une très forte demande en alimentation animale du fait de la reconstitution du cheptel porcin, décimé par la peste porcine africaine (PPA). La Chine deviendrait alors le premier importateur mondial de maïs sur la campagne 2020/21, devant l’UE.
VOLATILITÉ DES COURS
La dynamique de hausse des cours s’accompagne d’une forte volatilité. En effet, les fonds non-commerciaux (spéculatifs) détiennent une position nette acheteuse record, dépassant même le niveau atteint en 2012 alors que les inquiétudes sur le bilan mondial sont moins fortes. Cette situation explique une partie de la hausse des prix des derniers mois mais cause également des turbulences. Les fonds procèdent en effet à des prises de profit (ventes) qui entraînent des baisses subites des cours. C’est notamment le cas lorsque l’inquiétude ressurgit sur le développement de l’épidémie de Covid-19 ou que la situation météo s’améliore en Amérique du Sud comme ces dernières semaines. Les opérateurs sont très attentifs à l’évolution de la situation en Argentine et au Brésil, dont les récoltes doivent alimenter le marché mondial en seconde partie de campagne. Le gouvernement argentin cherche à limiter les exportations afin de contenir le prix domestique des produits animaux (viande…). Le début du cycle de culture a été marqué par une importante sécheresse mais la situation s’améliore depuis la mi-janvier pour les cultures entrant en floraison et pour les derniers semis. Au Brésil, les maïs de pleine saison ont eux aussi souffert du sec mais les récentes pluies allègent le déficit hydrique pour les maïs safrinhas, semés après soja en février. Dans un contexte de tension sur le bilan américain, une attention particulière sera donc portée à l’évolution des maïs sud-américain jusqu’au printemps.
PAC : LES NÉGOCIATIONS S’ACCÉLÈRENT
À Bruxelles comme à Paris, les discussions se poursuivent pour finaliser la réforme de la PAC devant entrer en vigueur en 2023. Le Portugal, qui a pris la Présidence de l’Union européenne au 1er janvier 2021, a annoncé son ambition de conclure un accord politique sur les trois textes de la réforme au plus tard en mai 2021. Les prochaines semaines s’annoncent donc intenses !
Démarrées le 10 novembre 2020 sous présidence allemande, les négociations entre institutions européennes, « trilogues », se sont principalement concentrées sur l’architecture verte, un sujet stratégique pour la filière maïs. Cinq réunions politiques sont à nouveau prévues jusqu’à fin mars pour avancer notamment sur ce volet. Dans le même temps, les États membres travaillent sur leur plan stratégique national (PSN) qui détaillera les modalités d’application de la future PAC. La Commission européenne a publié ses recommandations en décembre dernier en insistant sur l’importance d’atteindre les objectifs liés à l’environnement et au climat fixés dans son « Green Deal ». En France, les concertations avec l’ensemble des parties prenantes ont été lancées lors du CSO (Conseil Supérieur d’Orientation) du 15 janvier dernier et le Ministre de l’Agriculture entend remettre sa copie à la Commission Européenne d’ici juin 2021. Alors que les débats sur l’architecture verte laissent entrevoir la possibilité d’une obligation de rotation à la parcelle, l’AGPM se mobilise sans relâche au côté du gouvernement pour la pérennité de la filière maïs française et la compétitivité de ses producteurs.
HVE : DES AVANCÉES POUR LES MAÏSICULTEURS
L’AGPM, dans le cadre de son plan stratégique, vise l’engagement de 10 000 maïsiculteurs dans la certification HVE en 2025. Mais cet engagement du Congrès maïs fin 2019 était conditionné à une évolution du référentiel de la certification.
LES ATOUTS DU MAÏS RECONNUS
Malgré un Indice de Fréquence de Traitements (IFT) très bas il était difficile pour les maïsiculteurs, de valider le module phytosanitaire. C’est pourquoi l’AGPM avait demandé une modification du référentiel de la certification HVE sur le module « phytosanitaire » pour que les atouts du maïs en la matière puissent être reconnus. C’est désormais chose faite : la commission nationale de la certification environnementale (CNCE), instance chargée de l’évolution du référentiel de la HVE, a validé deux évolutions majeures :
• D’une part, la suppression du malus (1 à 2 points) affectant les cultures de maïs, tournesol et prairies temporaires selon la part qu’elles occupent dans la SAU de l’exploitation.
• Et d’autre part, la réintégration des surfaces de maïs dans le calcul de l’IFT hors herbicide, le maïs étant une culture peu consommatrice d’insecticides et de fongicides. Ces modifications, ainsi que d’autres (référence régionale construite sur des enquêtes de pratique plus récentes, maximum de points sous le 20ème percentile de la référence…) devraient faire valoir les atouts et bonnes pratiques des maïsiculteurs et leur permettre de valider plus facilement le module « phytosanitaire », jusqu’ici très pénalisé.
D’AUTRES CHANTIERS À MENER
D’autres chantiers restent à mener afin de mieux prendre en compte les bonnes pratiques des maïsiculteurs français. C’est le cas sur le reste du module « phytosanitaire » (hors IFT) où l’équité entre filières dans le gain de points reste à atteindre. C’est également le cas sur le module « fertilisation azotée » où des évolutions sont nécessaires, notamment en polyculture-élevage. L’AGPM reste également attentive et force de proposition pour une meilleure prise en compte des cultures spécialisées, maïs semence et maïs doux. À ce titre, elle continuera de porter des propositions d’amélioration sur ces sujets et restera vigilante à ce que des évolutions aient lieu sur le référentiel actuel avant tout renforcement des exigences et extension des thématiques traitées par la certification HVE.
SÉCURISER L’IRRIGATION ET LA GESTION DE L’EAU
Face à la tension grandissante autour de la gestion quantitative de l’eau, il est urgent de trouver des solutions pour assurer les besoins en irrigation. Les Organismes Uniques de Gestion Collective (OUGC) sont de plus en plus confrontés à des attaques en justice concernant les autorisations pluriannuelles de prélèvement (AUP), des recours sont également déposés contre les arrêtés d’autorisation des réserves d’eau et enfin, le renouvellement des 8 AUP en Adour Garonne s’avère extrêmement complexe. Ce contexte a des répercussions considérables à la fois sur la pérennité des exploitations directement concernées par ces contentieux, mais également sur l’engagement des agriculteurs dans les démarches collectives autour de la gestion de l’irrigation. Ce constat a conduit à mettre en place un Groupe de Travail dédié à « la gestion quantitative de l’eau à travers les projets de territoire et le développement du stockage de l’eau ». Ce groupe piloté conjointement par le ministère de la transition écologique (Direction de l’eau et de la biodiversité), le ministère de l’Agriculture (direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises) et par l’APCA, et dans lequel Éric Frétillère porte la voix des irrigants, a analysé les difficultés conduisant les ministères de la Transition Écologique et de l’Agriculture à proposer un projet de décret sur la gestion quantitative de l’eau. Ce dernier reprend nos principales propositions :
• prise en compte des besoins des irrigants dans l’autorisation des prélèvements, et pas seulement le bon fonctionnement des milieux comme proposé initialement,
• réaffirmation du rôle de l’État à travers les missions confiées au Préfet Coordonnateur de Bassin,
• prise en compte des volumes stockés et transférés dans le calcul de la ressource en eau,
• écriture explicite de la période transitoire avant la mise en œuvre des ouvrages de stockage : il est possible « d’autoriser temporairement en période de basses eaux des prélèvements supérieurs au volume prélevable approuvé ».
Ce projet est désormais en consultation publique jusqu’au 11 février. IRRIGANTS de France, l’APCA, la FNSEA, les JA et la Coopération Agricole restent totalement mobilisés à tous les niveaux pour que ce décret puisse sécuriser les volumes dont l’agriculture a besoin pour assurer la production en France, aujourd’hui et à l’avenir, et contribuer ainsi à la souveraineté alimentaire de notre pays.