Plus de gaz ? C’est la faute au maïs !
Alors que la récolte de maïs bat son plein et que les prix du gaz explosent, certains fournisseurs alertent d’une possible rupture de livraison, demandant même aux agriculteurs de « prendre
les dispositions nécessaires pour anticiper au mieux une rupture éventuelle d’approvisionnement… en reportant si possible le ramassage de votre maïs ». De là à accuser les agriculteurs de la situation, il n’y a qu’un pas franchi sans complexe par un leader français du propane en France. L’absence de gaz n’a pas empêché d’allumer la colère des maïsiculteurs. Non la récolte du maïs ne peut attendre, il en va de la qualité du grain et plus largement des productions qui en dépendent. Les agriculteurs, déjà lourdement pénalisés par les prix du gaz, doivent être considéré avec respect et solidarité.
Le chiffre du mois : x4. Le prix du gaz a été multiplié par 4 en quelques mois et celui des engrais par 3 en une année.
MARCHE
PRIX ÉLEVÉS, CHARGES EN HAUSSE
Les prix payés aux producteurs français se maintiennent du fait du retard de la récolte et la tension persistante sur les bilans céréaliers devrait limiter le potentiel de baisse lié à la progression de la récolte. Mais la hausse des charges est préoccupante, tant pour la récolte 2021 (séchage) que pour la future campagne (engrais).
Un bilan américain un peu moins tendu
Dans son rapport d’octobre, l’USDA a revu en hausse les disponibilités en maïs aux États-Unis pour la campagne 2020/21. Cela s’explique avant tout par une réévaluation attendue des stocks initiaux, mais également par une révision en hausse du rendement moyen (111 q/ha),
au-delà des attentes des opérateurs. Ces éléments ont généré une révision à la hausse des stocks de report américains de 2,3 Mt (38,1 Mt) ce qui détend légèrement ce bilan, comme le bilan mondial dont les stocks sont parallèlement alourdis en raison de la révision à la hausse de 2 Mt pour la Chine (209,2 Mt).Après une correction des cours liée à ces éléments, le marché du maïs a repris sa dynamique de hausse. En effet, le ratio stocks/utilisations aux États-Unis, à 10 %, reste bien inférieur à la moyenne des 5 dernières campagnes. De plus, la production mondiale de blé a été revue à la baisse alors que la demande internationale est forte, ce qui apporte également du soutien aux cours du maïs. De même, en France, la récolte tardive permet le maintien d’un haut niveau de prix.
Les opérateurs restent focalisés sur la météo sud-américaine, dont dépendront les productions qui arriveront sur le marché international en 2022. Si le début de campagne se passe bien au Brésil, avec des pluies régulières et des semis rapides pour le maïs de pleine-saison, les semis argentins prennent du retard du fait d’un déficit hydrique persistant.
Hausse des coûts de production
Même si les prix se maintiennent à un niveau élevé depuis plusieurs mois et que les rendements semblent au rendez-vous, la hausse des coûts de production est préoccupante.
C’est le cas pour la récolte en cours avec une forte hausse des coûts du gaz ces derniers mois, multipliés par 4, qui impactent les fais de séchage pour la récolte en cours. C’est également le cas pour les engrais, en vue de la prochaine campagne, dont les coûts ont explosé et pour lesquels les acteurs alertent sur de possibles difficultés d’approvisionnement. Cette situation s’explique par une forte demande internationale depuis le début 2021, alors que les coûts du fret restent élevés et que la production peine à suivre du fait de la pandémie, et par l’explosion des coûts de l’énergie (80 % du coût de production des engrais azotés).
Ce contexte inflationniste sur les engrais révèle également la forte dépendance de la France et de l’Europe aux importations en provenance de pays-tiers. L’Union Européenne importe 30 % de ses besoins en azote minéral, ce qui la rend vulnérable à la volatilité des prix et aux décisions stratégiques d’autres états : limitation des exportations en Egypte, en Chine…
Dans ce contexte, des mesures d’urgence sont nécessaires pour limiter les surcoûts pour les producteurs. C’est le sens de la demande de l’AGPM d’une levée des droits de douane européens sur les engrais azotés qui renchérissent leurs coûts dans une situation déjà extrêmement tendue !
FARM TO FORK
QUESTION D’IMPACT
Depuis sa présentation en mai 2020, la stratégie « De la ferme à l’assiette » ne cesse de faire parler d’elle. Ce texte qui s’inscrit dans la continuité du Pacte Vert de la Commission visant la neutralité carbone d’ici 2050, prévoit entre autres divers objectifs de réduction des engrais et des produits phytosanitaires. Concernant les pesticides, la Commission souhaite prendre des mesures supplémentaires pour réduire l’utilisation de 50 % des produits de synthèse et supprimer celle des produits les plus dangereux d’ici 2030. Elle entend également réduire de 20 % le recours aux engrais. Si pour certains, les contraintes vis-à-vis de l’agriculture ne vont jamais assez loin, de nombreuses voix dénoncent un sacrifice de l’agriculture européenne, dangereux pour sa souveraineté alimentaire.
Des impacts gênants ?
C’est pourquoi les organisations agricoles réclamaient une étude d’impacts… avant toute publication !
Depuis fin 2020, diverses études ont été réalisées notamment par le Ministère américain de l’Agriculture, par l’Université de Kiel ou par le Centre Commun des Études (JRC) de la Commission Européenne dont la publication estivale, en catimini, fait parler d’elle. Certains parlementaires européens de la Commission Agricole ont été fortement irrités d’apprendre que la Commission avait
entre ses mains, déjà depuis le début d’année, les évaluations du JRC qui n’ont été rendues publiques que tardivement, alors
que les travaux des députés sur la feuille de route étaient déjà bien avancés. La Commission se justifie par l’amélioration de points méthodologiques qui aurait nécessité un peu plus de temps, avant de la publier finalement en l’état. En tout état de cause, la très récente adoption de la résolution du Parlement sur le sujet a pu prendre appui sur cette étude. Ce dernier insiste sur la nécessité pour la Commission de réaliser des études d’impacts détaillées, incluant des évaluations environnementales, couvrant les 3 dimensions de la durabilité et tenant compte des effets cumulatifs. Il prend acte du fait que l’évaluation à mi-parcours, prévue en 2023, devra analyser l’impact cumulé de toutes les actions de manière globale et systémique. Affaire à suivre…
Quoiqu’il en soit, les différents scénarii des études existantes vont tous dans le même sens, à savoir : une baisse de la production agricole de -10 % à -15 %, qu’il s’agisse de filières animales ou végétales, et cette réduction atteindrait même 20 % pour le maïs. Et sans compter les répercussions sur le revenu agricole et la balance commerciale européenne, ou encore l’augmentation des prix pour les consommateurs. Les bénéfices environnementaux sont eux-mêmes discutables car les baisses de production européenne pourraient se répercuter via l’importation par des augmentations dans d’autres parties du monde.
Il faut jouer « la carte maïs »
L’AGPM suit attentivement l’ensemble de ces discussions en lien avec la CEPM et les autres organisations agricoles et continue d’en appeler au pragmatisme. La France dispose d’une production de biens agricoles de qualité ainsi que d’un véritable savoir-faire. La production de maïs s’inscrit dans cette perspective. Bien que certains s’obstinent à rendre le maïs coupable de tous les maux – jusqu’à l’accuser de générer la sécheresse ! – la maïsiculture française a au contraire bien des atouts à faire valoir, notamment au travers de son rôle de captation de carbone, d’efficience de l’eau et de richesse de ses usages ancrés dans les territoires. C’est par l’innovation, en particulier par l’apport de la génétique qu’elle pourra se montrer encore plus résiliente. Il est donc urgent que la Commission fasse preuve de pragmatisme dans la mise en oeuvre de sa stratégie « Farm To Fork » et avance sur le volet de la réglementation des nouvelles biotechnologies végétales. La filière souffre déjà de distorsions de concurrence qui entravent sa compétitivité, il est désormais temps de desserrer l’étau. Le maïs « made in France » doit exprimer son potentiel et rester l’un des piliers de la souveraineté alimentaire européenne.
SORTIR LE MAÏS DES IMPASSES TECHNIQUES
DEUX DÉROGATIONS DÉPOSÉES
La disparition progressive de substances actives pour protéger les cultures vis-à-vis des bioagresseurs conduit à de plus en plus de situations complexes sur le terrain jusqu’à l’apparition d’impasses techniques. C’est dans ce contexte que l’AGPM a formulé deux demandes de dérogation en septembre.
Halte aux mouches
Suite au retrait du Sonido, il n’existe plus de solution efficace pour lutter contre les mouches (géomyze et oscinie). Ces ravageurs du maïs de début de cycle, et notamment la géomyze, peuvent être responsables d’importants dégâts sur les cultures. Dans l’Ouest de la France en 2016, et en particulier en Bretagne, près de la moitié des surfaces de maïs non protégées avaient subi des attaques avec des pertes de rendements parfois supérieures à 50 %. Suite à la demande de dérogation de l’AGPM pour le produit de traitement de semences Lumiposa, l’autorisation de mise en marché n’a été délivrée que le 4 février 2021, par le ministère de l’Agriculture. En raison de cette délivrance tardive, cette dérogation n’a pu être valorisée et de nombreux dégâts ont encore été observés en Bretagne, Normandie et Pays de la Loire. C’est dans ce contexte que l’AGPM a déposé une nouvelle demande, dès le mois de septembre, pour la campagne 2022.
Protection vis-à-vis des fontes de semis pour les maïs spéciaux
Des symptômes de fonte de semis ont été constatés au printemps 2021 dans des parcelles de maïs semences, doux et popcorn. Il n’existe en effet actuellement aucune technique alternative de lutte
directe pour contrôler les champignons impliqués dans les fontes de semis ou le parasitisme tellurique de début de cycle. L’intensité de ces dégâts, peu prévisibles, irréversibles et non contrôlables en végétation, a donc incité l’AGPM à déposer un dossier de demande de dérogation pour le produit de traitement de semences Influx Quattro pour la campagne 2022, en ciblant les maïs spéciaux.