Où va l’Europe ? Les études se suivent et se ressemblent. Si la Commission européenne n’a pas jugé utile d’évaluer a priori l’impact de son « Green Deal », d’autres s’y appliquent… Et les résultats sont accablants ! C’est au tour de la prestigieuse université néerlandaise de Wageningen de publier son analyse : baisse de production, dépendance alimentaire et conséquences désastreuses pour les agriculteurs européens ; le tout pour un impact environnemental et climatique bien réel, même s’il émane de l’extérieur de l’UE. Tel est le résultat de la stratégie Farm To Fork ! Dans ce contexte où l’on peine à voir l’intérêt de cette stratégie, la question qui doit primer est celle de la vision de l’Europe. Et force est de constater que son agriculture reste dans le brouillard.
Le chiffre du mois : +25% C’est la hausse de production de maïs au niveau mondial prévue d’ici 2030, d’après une étude de Rabobank (institution financière internationale).
MARCHÉ
RETOUR DE LA VOLATILITÉ
Pour la campagne 2021/22, les cours du maïs à Chicago ont retrouvé fin janvier leur niveau le plus élevé depuis l’été dernier. Les prix européens et français suivent la dynamique, en raison des très fortes tensions en Mer Noire. Si sur la récolte 2021 la volatilité est de mise malgré un niveau de prix élevé, les cours de la future récolte 2022 restent fermes.
CHALEUR EN AMÉRIQUE DU SUD
Au 25 janvier, les cours de l’échéance mars 2022 à Chicago ont retrouvé leur plus haut niveau depuis l’été, gagnant au cours du mois près de 10 $/t pour se situer à environ 245 $/t.
Cette situation s’explique d’abord par la météo en Amérique du Sud. En effet, l’Argentine et le Brésil, qui mettent en place des surfaces record de maïs, seront les premiers grands exportateurs sur le marché mondial en 2022 alors que le bilan du maïs reste tendu. Or, au cours du mois de janvier, le sud du Brésil et la totalité de la zone de production de maïs en Argentine ont subi un important déficit hydrique. Mi-janvier des pics à plus de 40 °C ont été enregistrés en Argentine, en pleine phase de floraison des maïs précoces. De ce fait, les conditions de cultures se sont largement dégradées en quelques semaines et d’importantes pertes de rendement sont attendues sur les maïs précoces argentins et les maïs de pleine-saison au Brésil, dont la récolte va débuter.
Mais cette hausse des cours est avant tout la conséquence de l’action des fonds spéculatifs. En effet, la pluie est revenue fin janvier en Argentine et au Brésil, et le potentiel de production reste important. En Argentine, les maïs tardifs (dont les semis se terminent) ont été moins impactés et au Brésil, les semis de maïs safrinha (75 % de la production brésilienne et l’essentiel des exportations), seconde culture après le soja, débutent à peine. À ce titre, la météo de février et mars sera déterminante pour évaluer le potentiel de production sud-américain et ajoutera à la volatilité actuelle.
FORTES TENSIONS EN MER NOIRE
Les cours des céréales et du maïs notamment sont également impactés par la situation de fortes tensions en Mer Noire entre l’Ukraine et la Russie. En effet, l’escalade entre la Russie, qui masse des troupes à la frontière, et l’Ukraine, qui reçoit le soutien militaire des États-Unis, s’est renforcée, laissant craindre l’éclatement d’un conflit armé. Or, la Russie est le 1er exportateur mondial de blé et l’Ukraine se situe dans le top 5 des exportateurs mondiaux. Par ailleurs, l’Ukraine est également un acteur clé du marché du maïs en étant 4ème exportateur mondial. Ces deux pays représentent ainsi près de 24 % des échanges mondiaux de blé et 18 % des échanges mondiaux de maïs pour la campagne 2021/22. On mesure donc l’impact considérable d’un conflit entre ces deux pays pour le marché des céréales. Rappelons aussi que ces pays sont cruciaux pour l’équilibre énergétique de l’Europe, la Russie étant l’un de ses principaux fournisseurs de gaz et l’Ukraine un pays de transit important. De ce fait, tout conflit ouvert risquerait, en plein hiver, de faire exploser les coûts de l’énergie et les charges qui leurs sont liées. Les incertitudes géopolitiques seront un facteur majeur de volatilité dans les semaines qui viennent. Mais les cours restent fermes et élevés en nouvelle récolte : la stratégie de couverture sera primordiale pour faire face à la hausse des charges attendue.
VARENNE DE L’EAU ET DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
L’AGPM est pleinement mobilisée depuis le début de ce grand chantier qui concerne deux des préoccupations majeures des maïsiculteurs et plus globalement de l’ensemble de la filière maïs. La première est la réforme de la gestion des risques dans un contexte d’aléas climatiques toujours plus fréquents. La seconde est la mise en place d’une ambitieuse politique de stockage de la ressource en eau. Force est de constater que ces dossiers stratégiques au cœur du Varenne avancent.
DES AVANCÉES SUR LA GESTION DES RISQUES
À la suite de l’épisode du gel du printemps 2021, une réforme structurelle de la gestion des risques a été discutée dans le cadre des travaux du Varenne. Un projet de loi portant sur la réforme de la gestion des risques a été présenté le 1er décembre 2021, avec l’ambition d’entériner cette nouvelle loi d’ici fin février 2022.
Si les grands principes vont dans le bon sens, l’AGPM se mobilise et participe activement aux débats en cours afin d’obtenir de réelles avancées pour les producteurs dans le futur dispositif et de s’assurer que les grands équilibres budgétaires et entre filières soient respectés.
Le projet de loi du 1er décembre 2021, portant sur la réforme de la gestion des risques, et qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2023, fixe les grands principes du futur schéma qui repose sur l’idée d’un partage du risque, répondant à un certain nombre d’attentes de l’AGPM.
Tout d’abord, le principe d’une indemnisation fondée sur un partage de responsabilités et sur la solidarité nationale avec :
• L’incitation au recours à l’assurance récolte avec la possibilité de bénéficier des ouvertures du Règlement européen de 2017 dit « Omnibus » : taux de subvention à 70 % et franchise à 20 %.
• La création d’un fonds pour « pertes exceptionnelles » ouvert à toutes les productions, avec un seuil de déclenchement à hauteur de 30 % minimum de pertes mais avec une différenciation de l’indemnisation entre les agriculteurs assurés et non-assurés.
Ensuite, la structuration de l’offre assurantielle à travers le principe d’un guichet unique et la création d’un groupement d’assureurs et de réassureurs.
Enfin, le principe d’une gouvernance du dispositif, à travers le Comité d’Orientation et de développement de l’Assurance récolte (CODAR). Il conviendra de s’assurer que les filières soient associées dans cette instance pour prendre en compte les diverses préoccupations. Si l’application des seuils permis par le règlement européen « Omnibus » est bien réaffirmée, les modalités précises de mise en œuvre sont renvoyées aux textes réglementaires qui seront adoptés courant 2022.
L’AGPM active dans les débats
L’AGPM souhaite que les discussions en cours aboutissent afin qu’un système assurantiel plus opérationnel soit disponible rapidement. Néanmoins, elle reste extrêmement vigilante aux équilibres des discussions qui auront lieu, dans la continuité du débat législatif. Pour défendre ses priorités, l’AGPM mène de nombreuses actions, que cela soit dans le cadre des auditions parlementaires, de ses rencontres avec le ministre de l’Agriculture et les rapporteurs du projet de loi, ou sur le terrain auprès des parlementaires.
Prochaines étapes
Le débat parlementaire a démarré début janvier à l’Assemblée nationale et se poursuit désormais au Sénat. Même si le projet de loi était adopté rapidement, d’ici fin février 2022, la réforme est cependant loin d’être aboutie ! La rédaction des textes d’application précisera notamment les seuils de déclenchement et la loi de finance 2023 arbitrera le soutien financier de l’État.
Autant d’étapes pendant lesquelles l’AGPM est déterminée à faire entendre sa voix.
DES ATTENTES SUR LA GESTION DE L’EAU
L’ambition du Varenne, qui est d’identifier les leviers de résilience de notre agriculture et d’avoir une vision partagée et raisonnée de l’accès aux ressources en eau mobilisables sur le long terme, a été pleinement partagée par les organisations professionnelles agricoles. L’AGPM et Irrigants de France sont restés vigilants jusqu’aux dernières semaines concernant les débouchés du Varenne, et sceptiques sur la réelle volonté d’avancer du Ministère de l’Écologie, en particulier sur le stockage de l’eau. Les conclusions sur les thèmes 2 et 3 (renforcement de la résilience des filières et sécurisation de la ressource en eau) ont été présentées le 1er février 2022 par le Ministre de l’Agriculture et la Secrétaire d’État à l’Écologie et réaffirmés par le Premier Ministre. Ces conclusions, issues des arbitrages inter-ministériels, ont été favorablement influencées par les recommandations des Présidents des thèmes 2 et 3 : Anne-Claire Vial et Luc Servant. Ces derniers ont ainsi partagé, tout le long du Varenne, les travaux en cours, ce qui a permis de définir les positionnements communs FNSEA, JA, APCA, LCA et Irrigants de France. Ces échanges ont abouti à la rédaction de propositions dans une note cosignée et envoyée aux Présidents, Rapporteurs et parties prenantes du Varenne. L’AGPM s’est mobilisée et engagée au côté d’Irrigants de France pour que les recommandations issues de la profession agricole puissent être reprises dans les conclusions finales. Les attentes sont fortes et une simple communication, sans suite d’actions réelles, serait extrêmement décevante pour les agriculteurs. À l’heure où l’on exige une agriculture de plus en plus résiliente, qui puisse s’adapter au changement climatique, il est nécessaire d’ouvrir l’ensemble des verrous techniques, juridiques et économiques. Ce sont bien ces messages qui ont été rappelés et portés par l’AGPM et Irrigants de France à tous les niveaux politiques.