Vers un pacte vert… de souveraineté ! Redouté depuis de nombreux mois un conflit militaire éclate en Ukraine, envahie par la Russie. Les répercussions seront énormes dans l’Union Européenne et dans le monde, qu’elles soient économiques, énergétique, agricole ou alimentaires. Difficile d’oublier que l’UE est dépendante de l’Ukraine pour son approvisionnement en maïs, et de la Russie pour son approvisionnement en gaz, à la source de nos engrais. Après l’intensification des aléas climatiques et la crise sanitaire, la guerre s’impose sur l’échiquier géopolitique, rappelant avec force, ce que nos dirigeants européens avaient oublié : l’impérieuse nécessité d’assurer durablement nos besoins les plus vitaux : se nourrir et se chauffer ! De quoi replacer la souveraineté au cœur du pacte vert européen.
Le chiffre du mois 95 % des Français estiment que l’alimentation est une composante essentielle du mode de vie à la française, c’est ce que révèle le sondage Opinionway du mois de février. Raison de plus de choyer les agriculteurs, à l’origine du bien manger, et crédités de 90 % d’opinion positive dans ce même sondage.
MARCHÉ
GÉOPOLITIQUE SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE
L’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février confirme que la géopolitique est sur devant de la scène en ce qui concerne les marchés agricoles. Depuis des semaines les opérateurs s’inquiètent de la montée des tensions en Mer Noire et de la crise ukrainienne en cours. En effet, près de 20 % des exportations mondiales de maïs sont réalisées par l’Ukraine et la Russie, dont 16 % pour la seule Ukraine, l’un des 4 grands exportateurs mondiaux de maïs. Elle est également 5ème exportateur mondial de blé. Par ailleurs, la Russie est le 1er exportateur mondial de blé, le principal fournisseur de l’UE en gaz naturel et un exportateur majeur d’engrais. L’Ukraine et la Russie sont également les 1ers exportateurs mondiaux d’huile de tournesol. De nombreux marchés agricoles risquent d’être affectés par un conflit ouvert, et la plupart des intrants, par une crise énergétique !
L’invasion russe a confirmé ces craintes. Fin février, l’Ukraine devait encore exporter 12 Mt de maïs soit 6 % des exportations mondiales de la campagne 2021/22 et plus d’un tiers de son disponible exportable. Du fait des opérations militaires, les exportations sont suspendues et même en cas d’accalmie, elles resteront perturbées par un coût logistique élevé (assurances). Par ailleurs, les sanctions internationales qui vont toucher la Russie, vont déstabiliser les marchés du blé et de l’énergie. Les prix des céréales et du gaz sont ainsi en très forte hausse à la fin février.
Cela incite les opérateurs européens à réorienter leurs achats de maïs – plus de la moitié des importations européennes de maïs viennent d’Ukraine – au profit d’origines UE (France, Roumanie, Pologne…) et d’autres pays tiers (USA, Amérique du Sud…) ou d’autres céréales comme le blé. Les utilisateurs de maïs vont également souffrir des hausses de coût ce qui va renforcer le ciseau de prix actuel dans certains secteurs et notamment pour les productions animales.
Enfin, cela souligne l’inconséquence du Pacte Vert européen qui conduirait en effet à une réduction de la production de maïs, estimée entre -7 % et 20 % selon les études, aggravant la sensibilité de l’Union Européenne à de tels chocs géopolitiques et mettant en danger sa souveraineté alimentaire.
Incertitudes sur les fondamentaux. Si la géopolitique est évidemment primordiale ces derniers temps, les fondamentaux ne sont pas tout à fait délaissés par les opérateurs. La météo sud-américaine est suivie avec attention. Si les semis de maïs safrinha (75 % de la production brésilienne) se déroulent à un bon rythme, notamment dans le Centre Ouest, l’inquiétude demeure dans le sud du Brésil en raison d’un déficit hydrique susceptible d’affecter la suite du cycle de culture. De même, en Argentine, la situation est correcte pour les maïs tardifs en floraison mais les producteurs craignent un retour de sécheresse qui a déjà fortement affecté les maïs précoces en janvier. Le potentiel d’exportations des deux pays reste, à l’heure actuelle, conséquent mais le mois de mars sera déterminant. Enfin, aux États-Unis, l’incertitude demeure sur les surfaces de maïs semées au printemps. La hausse de prix des engrais pourrait inciter les farmers de la Corn Belt à privilégier le soja dans leurs assolements. En amont du forum « Outlook » de l’USDA, le 1er évènement à donner les tendances de semis aux États-Unis, les opérateurs s’attendent à une baisse des surfaces de maïs d’environ 650 000 ha par rapport à 2021 où 37,8 Mha de maïs avaient été semés.
GESTION DES RISQUES
PREMIÈRE ÉTAPE FINALISÉE
Depuis le début de l’année, les débats parlementaires se sont activés sur le dossier de la gestion des risques afin d’obtenir l’adoption d’un cadre rénové. L’AGPM s’est fortement mobilisée sur l’ensemble des étapes de discussions en étant force de propositions aux côtés des autres associations spécialisées Grandes Cultures. Si le texte a subi de nombreux remaniements lors de sa lecture au Sénat, un compromis entre l’Assemblée et la Chambre Haute a été trouvé le 18 février dernier. La loi, qui est désormais devenue une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle, avec 4 objectifs clairs :
– assurer une répartition équilibrée de la prise en charge entre les acteurs,
– développer des dispositifs de protection adaptés à toutes les cultures,
– créer des produits d’assurance et des mécanismes d’indemnisation efficaces et complémentaires, en accompagnement des stratégies d’adaptation des filières et des bassins de production,
– appliquer le principe de solidarité nationale, en cas d’aléas climatiques exceptionnels.
L’ultime version grave désormais dans le marbre la traduction de la Réglementation Omnibus, à savoir : la mise en œuvre d’un seuil de déclenchement à 20 % et une subvention des primes d’assurance à 70 %. Une demande portée de longue date par la profession, et qui devra être retranscrite dans les actes réglementaires. Les contrats d’assurance devront respecter des cahiers des charges qui seront définis par voie réglementaire, après avis du Comité d’Orientation et de Développement de l’Assurance Récolte (CODAR). Cette instance sera aussi chargée de formuler des recommandations au Gouvernement, notamment sur les taux des seuils de franchise, les taux d’intervention de l’État et les taux d’indemnisation. Ces orientations seront pluriannuelles et assorties d’une évaluation d’impacts. Malgré l’opposition du Gouvernement, les Sénateurs ont souhaité figer dans le temps les différents seuils, en fonction de la nature des productions et du type de contrat d’assurance. La durée de 3 ans est le fruit d’un compromis entre les deux chambres. Enfin, parmi les nouveautés introduites par le Sénat, des objectifs sont fixés à l’État en matière de surfaces agricoles assurées à horizon 2030. Pour les céréales, le taux cible est porté à 60 %. Concernant le fonds pour risques exceptionnels, une concertation devra être mise en place au sein du CODAR. Elle devra définir des scénarios visant à différencier les seuils de pertes de récoltes déclenchant l’intervention de l’État avec un seuil fixé 30 % pour les cultures pour lesquelles les offres assurantielles sont peu développées et de 50 % pour les autres cultures (le maïs par exemple). Attachée à un dispositif reposant sur la solidarité nationale, l’AGPM avait demandé de l’équité entre productions. Les discussions sur les textes d’application sont à présent engagées, pour la mise en musique de la réforme et une entrée en vigueur au 1er janvier 2023.
CARBONE
GRANDES CULTURES AU CŒUR DU LABEL
Contributrice, victime, l’agriculture est assurément une solution pour lutter contre le réchauffement climatique. En effet, juillet de nombreux leviers de réduction des émissions agricoles de gaz à effet de serre (GES) existent, et par la captation de CO2 via la photosynthèse, les grandes cultures stockent du carbone dans les sols et sont susceptibles d’en capter davantage. Or tout l’enjeu de la stratégie nationale bas carbone est d’arriver à la neutralité carbone en 2050 en équilibrant les émissions résiduelles de GES par des puits «de carbone agricoles, forestiers, miniers, ou dans des productions. Dans ce contexte, les producteurs se sont engagés en décembre 2019, avec leurs instituts techniques, à faire reconnaitre le rôle des grandes cultures dans la lutte contre le changement climatique par le stockage du carbone dans le sol et la réduction des émissions de GES. La méthode grandes cultures a ainsi été rédigée à la demande de la profession par les Instituts de grandes cultures (Arvalis, Terres Inovia, ITB et ARTB), en collaboration avec Agrosolutions, filiale d’InVivo. Sa labellisation bas-carbone, accordée en août 2021 par le ministère de la transition écologique, valide cette ambition, et lance l’utilisation de la méthode dans le dispositif « bon diagnostic carbone » et le montage de projets.
Une gouvernance inclusive et structurée avec un comité scientifique (INRAE, ADEME, I4CE), un comité d’experts (INRAE, porteurs de méthodes, …) et un comité des usagers (futurs utilisateurs et acteurs intéressés), a permis aux parties prenantes de contribuer à l’élaboration de la méthode grandes cultures. Elle s’appuie sur des références reconnues par la communauté scientifique et couvre l’ensemble des leviers de réduction des émissions GES mis en oeuvre par les agriculteurs sur leur ferme ainsi que les pratiques visant à stocker davantage de carbone ou maintenir ce stock dans le sol. La méthode donne un guide robuste pour permettre aux producteurs de grandes cultures de produire des crédits Carbone et de disposer ainsi d’une nouvelle perspective de valorisation de leurs efforts. Pour accélérer le lancement des projets ainsi que les modalités de valorisation des crédits Carbone et de gestion de l’offre agricole, l’AGPM est associée au lancement, lors du SIA, d’un outil agricole unique de labellisation de projets et de vente de crédits. Par cette action, l’AGPM souhaite que la valeur des crédits Carbone bénéficie au maximum aux agriculteurs.
Par ailleurs, l’AGPM défend la valorisation carbone « grandes cultures » au niveau européen. En effet, la Commission a lancé fin 2021 une communication sur les cycles carbone durable, dont la contribution du stockage de carbone dans le sol via le « carbon farming ». L’AGPM souhaite que la méthode Grandes cultures française serve de référence pour l’UE, avec son approche solide, scientifique, basée sur des systèmes de culture de l’exploitation agricole, et qui couvre à la fois les émissions et le stockage de carbone.