AGPM Info économie 579

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Démonstration par l’absurde ! L’eau manque : il est urgent de couper les vannes, car s’il n’a pas plu, c’est à cause de l’irrigation.
La preuve irréfutable ; dans les régions où il y a du stockage d’eau et de l’agriculture irriguée, il fait plus sec ! Et si l’agriculteur travaille non-stop en pleine chaleur pour gérer son irrigation et qu’il y investit des milliers d’euros, c’est qu’il n’a vraiment rien compris. Car il suffit
de choisir d’autres cultures et de les regarder pousser… Vous trouvez ça absurde ? C’est pourtant la pensée dominante de bien des médias en cette période de sécheresse où le maïs était déjà pointé du doigt avant-même d’être sorti de terre. Le travail de pédagogie est immense mais indispensable. Car notre souveraineté ne passera pas par le dogmatisme médiatique.

Le chiffre du mois :  85 000 ha c’est la surface du plan de production français en maïs semence. Un niveau stable et élevé en France : premier producteur européen et premier exportateur mondial de semences de maïs.

MARCHÉ

Les cours du maïs restent élevés du fait d’un contexte très tendu sur les fondamentaux, cela devrait persister dans les prochains mois. Cependant, le contexte macroéconomique est incertain et accentue le risque de volatilité.

FONDAMENTAUX EN TENSION

Alors que la campagne 2022/2023 va débuter dans quelques semaines, les fondamentaux restent très tendus au niveau mondial. En Ukraine, la guerre se poursuit. Si les producteurs ukrainiens ont réussi l’exploit de semer environ 4,4 Mha, bien au-delà des attentes, l’assolement reste réduit (- 15 % par rapport à 2021). La suite de la campagne sera difficile du fait des combats, des infrastructures endommagées et du manque d’intrants. La question du stockage se pose également du fait des stocks de la récolte de céréales de 2021 (22 Mt) difficiles à exporter. Une initiative internationale demande la levée du blocus sur les ports ukrainiens afin de réduire la tension sur les prix mondiaux, mais elle reste sans suite jusqu’à présent. Aux États-Unis, après une baisse attendue des surfaces de 1,6 Mha par rapport à
2021 au profit du soja, c’est désormais le retard des semis dû à la pluie qui inquiète : ce sont les plus lents depuis 25 ans. Cela n’a pas encore d’incidence sur le rendement mais ça limite la possibilité de voir des surfaces plus importantes, liées à l’attractivité des prix.
Enfin, au Brésil la sécheresse continue de sévir au Mato Grosso. Les analystes réduisent leur projection de production à 100 Mt, contre 115-120 Mt attendues en début de campagne. Le potentiel à l’export est mécaniquement réduit, alors même que le Brésil devrait compter à moyen terme la Chine parmi ses clients, suite à un récent accord commercial.

INCERTITUDES MACROÉCONOMIQUES

Les nombreuses incertitudes macroéconomiques augmentent le risque de volatilité. C’est tout d’abord le cas sur le fret dont les prix restent très élevés notamment en raison de la politique « 0 Covid » très stricte à Shangaï, première zone portuaire mondiale. Des milliers de navires attendent sur les côtes chinoises. Cette situation rend moins compétitives les importations de maïs dans l’UE mais renchérit également le prix des intrants importés. Les craintes d’un ralentissement de l’économie mondiale pèsent également sur le prix des matières premières dont le maïs. La guerre en Ukraine a renforcé la crise énergétique mondiale, la Russie étant le 1er exportateur mondial de gaz et de pétrole. Elle a coupé ses exportations de gaz vers certains pays européens tandis qu’un embargo progressif a été déclaré par les pays de l’UE sur leurs importations de pétrole. Cela entretient le niveau de prix élevé et renchérit le coût des intrants (engrais, GNR…). Enfin, dans un contexte inflationniste mondial, les banques centrales, tentent de retrouver des marges de manoeuvre en programmant des hausses de taux directeurs. La Fed aux États-Unis a débuté ses hausses de taux et la BCE devrait le faire cet été. Face à cela, les fonds spéculatifs réduisent leurs positions acheteuses sur les matières premières, dont le maïs, ce qui rend les cours plus volatiles.

L’ACCÈS À L’EAU : UN ENJEU CRUCIAL

SUITES DU VARENNE

Lors des conclusions du Varenne agricole de l’eau, le 1er février 2022, les propos du Premier Ministre Jean Castex ont été limpides : « L’eau, si elle doit être protégée, n’en reste pas moins nécessaire pour beaucoup d’utilisations, et parmi ces utilisations il y a l’usage agricole, ce qui est une façon de dire et de rappeler ici fortement que dans l’intention politique de notre pays, il ne sera jamais possible de faire de l’agriculture sans eau. Il faut le rappeler. Ce sont parfois des évidences mais vous savez bien que les évidences, parfois, méritent d’être rappelées. ». Le Varenne a ainsi rappelé que la problématique de l’eau doit s’articuler autour de sa protection et de sa nécessité pour l’agriculture, au nom de la sécurité alimentaire et dans un contexte de changement climatique. L’agriculture n’est pas un usage anthropique comme les autres, c’est l’accès à l’alimentation.

NOMINATION D’UN DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL DE L’EAU

Ainsi la question de l’eau est trop importante pour n’être gérée que par un unique ministère : celui de l’Ecologie régnait seul à l’écriture de la réglementation sur l’eau. AGPM et Irrigants de France, dans le cadre du CAF eau, avaient demandé davantage de concertation avec les acteurs agricoles et un suivi interministériel concernant l’écriture des futurs textes règlementaires relatifs à l’eau agricole. Nous avons été entendus avec la nomination d’un délégué interministériel de l’eau. Une première rencontre entre le CAF Eau et Frédéric Veau, nommé à ce poste, a eu lieu le 16 mai. Ce rendez-vous, auquel a participé Eric Frétillère, Président d’Irrigants de France, nous a permis d’exprimer nos attentes prioritaires sur les suites des travaux du Varenne. Un déplacement sur le terrain est prévu début juillet et des rencontres seront régulièrement organisées entre Monsieur Veau et les élus agricoles du CAF Eau.

GESTION DE LA SÉCHERESSE DE PLUS EN PLUS TENDUE

En 2021, les pouvoirs publics ont mis en œuvre un nouveau dispositif pour anticiper la sécheresse. Son objectif est de mieux anticiper les mesures de restriction à prendre en cas de sécheresse. Or le discours qui s’impose est que le risque sécheresse est désormais permanent. Cette pensée dominante génère de fortes tensions au sein des comités « Ressources en eau ». Irrigants de France s’est mobilisé dès le printemps 2021 pour défendre les intérêts de la profession lors des premiers échanges avec le ministère de l’Ecologie sur ce nouveau dispositif. Si certains points ont pu être modifiés, la structuration du processus demeure. C’est pourquoi Irrigants de France a mis en place
en février une formation sur les leviers d’actions à la disposition des irrigants pour agir et préserver l’usage agricole en limitant les conséquences des mesures de restrictions temporaires.

L’UE, VERS LA NEUTRALITÉ CARBONE

Depuis décembre 2019, l’Union Européenne s’est dotée d’un objectif de neutralité carbone en 2050. Cela l’oblige à accélérer ses efforts de décarbonation et notamment d’augmenter à 55 % son objectif de réduction de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 (au lieu de 40 % établis dans le précédant paquet climat en 2018). L’UE révise donc en urgence l’ensemble de ses textes Énergie et climat dans le cadre du « paquet 55 % » présenté en juillet 2021. Tous les secteurs sont concernés, notamment l’agriculture et les biocarburants.

TRANSFORMER L’AGRICULTURE EN PUITS DE CARBONE

Atteindre la neutralité carbone, c’est faire en sorte que les émissions de GES ne dépassent juillet pas les puits de carbone. Il faut donc drastiquement réduire les émissions et augmenter les puits. Le rôle du paquet 55 est de définir les mesures pour y arriver.
L’ensemble des flux de gaz à effet de serre (GES) est regroupé en 3 paquets :
– le système d’échange de quotas CO2 (ETS) qui rassemble les grands opérateurs émetteurs,
– le règlement sur le partage de l’effort (ESR) des « petites » sources sectorielles diffuses (agriculture, forêt, déchets),
– le secteur des terres/forêts (LULUCF).
L’agriculture est répartie entre l’ESR, pour les émissions liées aux itinéraires culturaux, et le LULUCF, pour celles liées aux changements d’usage des terres. Dans le cadre de la co-décision, la Commission ENVI du Parlement est leader sur les textes relatifs à ces paquets et ses rapports doivent être adoptés en plénière en juin 2022. Elle demande notamment une séparation entre les objectifs de réduction de GES et ceux de stockage. L’enjeu est de mettre la pression sur les GES agricoles, avec des effets importants sur la réduction des intrants azotés. Mais elle souhaite aussi augmenter le puits agricole européen de 50 millions de tonnes de CO2 d’ici 2030. L’AGPM estime que ces objectifs de décarbonation ne doivent pas se faire au détriment de la souveraineté alimentaire et par la décroissance. Elle suivra donc attentivement les trilogues qui vont démarrer.

DÉCARBONATION DES TRANSPORTS, UNE PIÈCE MAITRESSE

La directive Énergie renouvelable est mise à contribution avec une hausse à 40 % de la part d’EnR en 2030 contre 32 % dans le texte actuel. Néanmoins, il n’est pas prévu de faire plus appel aux biocarburants G1 malgré leurs atouts et leur disponibilité. Au contraire, d’autres textes sur la fiscalité des énergies ou sur l’interdiction de la vente de voitures à moteur thermique en 2035, concourent à leur disparition à moyen long terme. Avec la guerre en Ukraine, certains soutiennent même une baisse du plafond de G1, comme la Com ENVI du Parlement Européen qui demande de fixer ce plafond à la moitié du niveau d’incorporation de 2020. L’AGPM défend une approche globale qui s’appuie sur l’accroissement du potentiel de production pour répondre aux risques de pénurie et sur l’amélioration des souverainetés alimentaire, protéique et énergétique. En effet, pour chaque kg de bioéthanol produit, il est produit simultanément 1 kg de drèches riches en protéines au bénéfice de nos élevages et sans déforestation importée. Les biocarburants sont nécessaires pour la résilience des filières agricoles. L’AGPM défend ainsi le maintien d’un plafond G1 de 7 %, mutualisé au niveau européen, pour permettre aux pays ayant un potentiel agricole de faire plus s’ils le souhaitent.