Panne d’énergie ! La situation est kafkaïenne : la France, pays du nucléaire, permettant la production d’une électricité fiable, décarbonée et bon marché, se retrouve quasi paralysée par un coût de l’électron basé sur le gaz, le fioul et le charbon, énergies honnies pour leurs effets sur le climat. Ça en serait presque risible si les conséquences n’étaient pas si dramatiques pour notre économie. Et que dire quand la problématique de l’électricité rencontre celle de l’eau… Naturellement, ça fait des étincelles ! Les coûts de l’irrigation sont tels que certains s’interrogent légitimement sur leurs assolements ; quand d’autres, cyniques opposants, se frottent allègrement les mains. Pendant ce temps, l’État à coup de grandes annonces démontre son incapacité à mettre en œuvre un vrai dispositif d’aides, menaçant tout à la fois la souveraineté
alimentaire, énergétique et industrielle de la 6ème puissance mondiale. La réalité c’est qu’à force de prôner la décroissance, on va finir par décroître, privés d’énergies pour faire tourner le pays !
Le chiffre du mois : 300 millions d’euros, c’est le surcoût 2022 estimé pour la facture d’électricité des producteurs
MARCHE
2023 : UNE CONJONCTURE DÉLICATE
Les prix français sont sous pression en ce début 2023 alors que le prix des intrants décroit lentement, le bilan mondial reste serré du fait des aléas climatiques et de la guerre en Ukraine. Les prix français sous pression en début d’année Les prix français, pour la commercialisation de la récolte 2022 ou pour la contractualisation de la récolte 2023, sont sous pression en ce début d’année 2023. Depuis la récolte début novembre, les prix du maïs rendu Bordeaux ou FOB Rhin pour la récolte 2022 ont ainsi perdu plus de 60 m/t pour s’établir fin janvier à environ 275 m/t tandis que le contrat novembre 2023 d’Euronext pour la prochaine récolte a cédé sur la même période 50 m/t pour s’établir à 260 m/t. Au-delà de la traditionnelle pression de la récolte sur les prix, le maïs français reste sous pression des importations en provenance du Brésil et d’Ukraine, le corridor maritime ukrainien ayant été renouvelé à la mi-novembre.
L’UE connaît actuellement un rythme d’importations inédit et devrait battre son précédent record de 2017 en dépassant les 24 Mt de maïs importé sur la campagne 2022/23. Par ailleurs, la baisse du prix du blé fait également pression sur les prix du maïs français ces dernières semaines. Le blé doit faire face à une perte de compétitivité à l’export du fait de la remontée de l’euro face au dollar et à la concurrence des origines Mer Noire. Les prix de l’énergie ont décru ces derniers mois du fait d’un hiver doux et des réductions de consommation, cela permet une baisse des prix spot des engrais. L’urée s’affiche ainsi à la fin janvier à environ 500 m/t contre parfois plus de 1 000 m/t en 2022. Après une longue campagne du COPA-COGECA soutenue par l’AGPM, les institutions européennes ont finalement accepté à la mi-décembre une levée pour 6 mois des droits de douane sur l’urée et l’ammoniaque mais cela sera sans doute trop tardif pour avoir un effet important sur la campagne d’approvisionnement 2023. De même, sur l’électricité, les différents dispositifs annoncés par le gouvernement restent pour le moment hors de portée de nombreux irrigants qui voient leurs factures multipliées par 3 ou 4, voire 10 dans certains cas, en 2023. L’AGPM reste mobilisée pour obtenir des avancées concrètes. Dans ce contexte délicat, bien calculer ses coûts de production reste primordial pour assurer au mieux sa stratégie de commercialisation et éviter l’effet de ciseau.
Aléas climatique, guerre en Ukraine : le bilan mondial reste serré
Si la conjoncture reste délicate, le bilan mondial du maïs reste tendu pour la fin de campagne 2022/23 et pourrait le rester pour la campagne 2023/24, un facteur de soutien aux prix.
Pour la campagne en cours, l’USDA a revu une nouvelle fois en baisse les surfaces américaines de maïs de 660 Kha. Celles-ci
sont désormais estimées à 32 Mha, 2,5 Mha de moins qu’en 2021, les plus basses depuis 15 ans ! Cela renforce la tension sur les stocks du 1er exportateur mondial, estimés à 32 Mt. En Argentine, la situation est très dégradée du fait du déficit hydrique et des vagues de chaleur qui ont durement touché les maïs précoces. Si les maïs tardifs récemment semés bénéficient du retour des précipitations, la production est désormais estimée entre 40 et 45 Mt contre plus de 50 Mt en début de campagne. A l’heure où les semis de maïs safrinha débutent à peine, le marché mondial compte sur la récolte brésilienne qui doit suppléer aux manques de production américains, argentins et ukrainiens alors que la demande internationale rebondit, notamment en Chine du fait de la levée de nombreuses contraintes sanitaires. Un aléa climatique au Brésil dans les prochains mois aurait donc un fort impact sur les prix. Dans ce contexte tendu, les opérateurs resteront très attentifs dans les prochaines semaines à la météo au Brésil mais également aux premières estimations des surfaces américaines de maïs et à l’ampleur de la baisse des surfaces ukrainiennes pour 2023. Cela conditionnera le profil de la campagne 2023/24.
ACCORDS COMMERCIAUX : DÉNI DE DÉMOCRATIE ?
Début décembre 2022, la Commission a annoncé que l’Union Européenne avait trouvé un accord de principe concernant la modernisation de la partie commerciale de l’accord d’association UE-Chili datant de 2002. Si cet accord ne pose pas de problème à la filière maïs, le Chili n’étant pas un grand acteur mondial, les méthodes de la Commission interrogent. En effet, la Commission Européenne a également annoncé que l’accord sera divisé en deux parties : d’une part, un accord-cadre avancé comportant l’ensemble de l’accord et devant être ratifié par la totalité des États-membres, et, d’autre part, un accord de libre-échange « intérimaire » couvrant uniquement les sujets commerciaux relevant de la compétence exclusive de l’UE et pouvant se contenter de la ratification par une majorité qualifiée des États-membres… L’accord « intérimaire » expirera à l’entrée en vigueur de l’accord-cadre…mais il ne sera pas pour autant remis en cause si l’accord-cadre devait ne pas être validé par l’ensemble des États-Membres ! Cette savante architecture juridique permet ainsi à la Commission d’outrepasser l’éventuelle opposition des États-membres,
et le cas échéant de leurs Parlements nationaux, à ses propositions d’accords commerciaux. Ces méthodes, qui interrogent du point de vue démocratique, sont très inquiétantes à l’heure où la mise en cohérence de la politique commerciale de l’Union et de sa politique agricole est plus que jamais nécessaire.
Craintes sur le Mercosur
On peut craindre qu’un tel montage soit de nouveau utilisé pour mettre en œuvre de manière « intérimaire » un accord commercial avec le Mercosur par exemple, beaucoup plus dommageable pour l’ensemble de la filière maïs par la multiplication d’importants quotas libres de droits de douane sur le grain comme sur les produits transformés (amidon, maïs doux, bioéthanol…) et ce,
sans contrepartie réelle du Brésil et de l’Argentine sur les aspects phytosanitaires ou climatiques… L’AGPM se mobilise sur le dossier de l’accord Mercosur et au travers de sa fédération européen, la CEPM, elle attend que les États-membres et le Parlement Européen s’opposent à de telles manœuvres de la Commission afin de faire vivre un réel débat démocratique européen sur le sujet des
accords commerciaux. Sans quoi, le risque est réel de continuer à sacrifier l’agriculture européenne sur l’autel du libre-échange.
PAC 2023-2027
ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE RÉFORME
Le 1er janvier 2023 marque l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC 2023-2027 dans l’ensemble des Etats membres, avec son lot de grandes nouveautés : une conditionnalité renforcée et un nouveau paiement « Écorégime » qui remplacera le paiement vert. À la suite de la validation du Plan Stratégique National français par la Commission Européenne, le ministère de l’Agriculture
a apporté un certain nombre de précisions quant aux modalités d’application des nouvelles dispositions mais certaines sont encore attendues. Concernant la BCAE7 relative à la rotation,
les règles ont été précisées concernant l’implantation du couvert hivernal qui sera reconnu dans le cadre de la rotation. Il doit être implanté après la culture principale (ou semé sous couvert de la culture principale), avec une présence a minima sur la période entre le 15 novembre de l’année de la demande et le 15 février suivant. Aucune liste n’a été publiée sur les cultures secondaires autorisées mais l’objectif est qu’elle soit suffisamment large pour l’agriculteur et en cohérence avec les autres règles de la conditionnalité à respecter. Les intrants seront autorisés au titre de la BCAE7. L’AGPM a rencontré l’administration pour échanger sur les difficultés posées par la date de début de semis du 15/11 pour l’implantation des couverts en cas de récolte tardive et la nécessité de communiquer au plus vite la cartographie pour les exploitations situées en plaine d’Alsace qui pourront appliquer la diversification. Concernant le nouveau dispositif « Écorégime
», la liste officielle des cultures a été publiée le 4 janvier 2023 par le ministère de l’Agriculture permettant ainsi de répondre aux questions concernant la catégorisation des cultures (terres arables,
cultures permanentes…). Ainsi, le maïs disposera de deux codes PAC à partir de cette année : MIS (maïs grain, semence, popcorn, waxy, ensilage) et MID (maïs doux). Les maïs regroupés dans le 1er code appartiennent à la catégorie « céréales de printemps » de l’éco-régime et le maïs doux appartient à la catégorie « autres cultures de diversification ». Des éléments ont été précisés sur la CE2+, autre voie d’accès qui permettra aux exploitations spécialisées de bénéficier de l’éco-régime. Le cahier des charges professionnel a été validé mi-décembre par le ministère de l’Agriculture et doit désormais faire l’objet d’un arrêté de reconnaissance pour être communiqué. L’AGPM insiste sur une publication au plus vite de ces informations pour permettre aux agriculteurs de faire leur
choix pour 2023.
GESTION DES RISQUES : ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉFORME !
Ce début d’année est marqué par l’entrée en vigueur de la réforme des outils de gestion des risques. L’AGPM, qui s’est fortement mobilisée avec les partenaires des AS Grandes Cultures et la FNSEA, a obtenu la réintroduction dans le cadre subventionnable des pertes de qualité liées à la germination des grains sur pied et à la réduction de la faculté germinative des semences. L’actualisation du barème des prix assurés est encore une bataille à conduire puisqu’à ce stade les prix n’ont pas été revus. De même, la règle européenne de limiter l’indemnisation totale à 80 % de la perte fait partie des sujets sur lesquels l’AGPM continue à se mobiliser pour lever toutes les ambiguïtés quant à son application. L’équilibre général de la réforme ne saurait être remis en cause par des ajouts de dernière minute ! S’assurer de la bonne application de l’esprit global de la réforme par les assureurs fait également partie des priorités de l’AGPM. Des échanges avec les principaux assureurs sont prévus dans les prochaines semaines.