AGPM Info économie 593

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Et si on parlait compétitivité ? Après maints échanges, redimensionnés par la crise agricole, le projet de loi d’orientation agricole annoncé depuis près de 2 ans est enfin arrivé en discussion à l’Assemblée nationale. Malgré les divergences politiciennes, le Gouvernement assure d’un vote rapide, préalable indispensable au changement de logiciel que nous attendons tous ! Souveraineté, transition, installation… sont au menu. Mais nous avons besoin d’aller plus loin : parlons production, ambition et surtout… compétitivité !

Le chiffre du mois : +10% c’est l’augmentation de surfaces de maïs en 2024 estimée par Arvalis.

MARCHÉ

LES COURS DU MAÏS PROGRESSENT

Après un début d’année 2024 très négatif pour les prix, dans la lignée de 2023, les cours se sont redressés à partir de la fin février du fait notamment de perspectives de surfaces en baisse chez les principaux exportateurs de maïs mondiaux. Les cours des céréales sont également tirés fin avril par les inquiétudes sur la production de blé, ce qui permet au maïs de renouer avec le niveau des 200 €/t sur Euronext. Les prix du maïs ont commencé leur remontée en février après une baisse de plus de 40 % en un an due à lourdeur du bilan mondial, liée à des récoltes records au Brésil et aux États-Unis en 2023 et à la pression exercée par le maïs ukrainien et le blé russe sur le marché européen. Cette hausse a été provoquée par un début de couverture de leurs positions vendeuses par les fonds spéculatifs sur le marché américain. En effet, au fil des mois, ceux-ci avaient atteint une position nette vendeuse record à Chicago. Or ces records sont rarement durables car synonymes d’importants risques financiers en cas de retournement de tendance. Le printemps débutant, ce sont les perspectives de baisses de surfaces chez les grands exportateurs de maïs qui ont lancé le signal de couverture de position et ainsi fait rebondir les prix. Le début d’année avait déjà été marqué par une importante baisse des surfaces de maïs au Brésil, 1er exportateur mondial de maïs en 2022/2023, du fait du ciseau de prix rencontré par les producteurs. D’abord estimée plus importante, cette baisse de surfaces a été ajustée à -8,5 % (-1,9 Mha) par rapport à 2023 du fait de conditions de semis favorables. Cependant, ce sont surtout les perspectives de baisse de surfaces aux États-Unis qui ont lancé ce rebond des prix.

Baisses de surfaces attendues chez les grands exportateurs
En effet, après des surfaces proches des records en 2023, les producteurs américains devraient, selon l’USDA, réduire fortement les surfaces de maïs en 2024 avec des intentions de semis envisagées à 36,4 Mha (-1,9 Mha). Il faudra cependant rester vigilant, l’ensemble des surfaces, toutes cultures confondues, étant estimée en baisse de 2,5 Mha sur un an, les surfaces de maïs pourraient finalement être revues en hausse par rapport à cette estimation dans le rapport de l’USDA de la fin juin. Enfin en Ukraine, les surfaces de maïs sont également attendues en légère baisse, entre 3,7 et 3,9 Mha, au profit de cultures plus rentables dans une économie toujours dominée par la guerre. Malgré ces baisses de surfaces chez les grands exportateurs mondiaux et la perspective d’une reprise de la demande mondiale en maïs, le bilan du maïs devrait rester lourd en 2024/2025, du fait notamment d’importants stocks américains, ce qui a limité le mouvement de hausse de prix. Cependant celui-ci reprend, fin avril, à la faveur d’inquiétudes sur la production mondiale de blé.

Le blé inquiète les marchés
A l’inverse du bilan mondial du maïs, celui du blé reste très tendu du fait d’aléas climatiques liés au phénomène El Niño, touchant les principaux exportateurs mondiaux et de stocks mondiaux au
plus bas depuis près de 10 ans. Cela est d’abord dû aux aléas climatiques ayant affecté les grands producteurs de l’hémisphère sud, sécheresse en Argentine et en Australie, pays qui a été également touché par d’importantes inondations lors de la récolte fin 2023. Par ailleurs, en Inde, 2nd producteur et consommateur mondial de blé, la mousson a été insuffisante ce qui pourrait empêcher la récolte record attendue et conduire le pays à importer alors que ses stocks publics sont bas. Ce sont cependant les inquiétudes concernant les exportateurs de l’hémisphère nord qui agitent désormais les marchés et poussent les fonds spéculatifs à reprendre le mouvement de couverture de leurs positions vendeuses en cette fin avril, occasionnant un nouveau mouvement de hausse des prix sur les marchés céréaliers. Si les alertes sur la production mondiale de blé sont le moteur de cette nouvelle hausse des prix, le maïs ne doit pas être pour autant oublié. Les perspectives de production jusqu’ici relativement favorables en Amérique du Sud se sont dégradées ces dernières semaines. C’est notamment le cas en Argentine où les attaques de cicadelle, transmettant la bactérie spiroplasma, nuisent fortement au rendement du maïs. C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, au Brésil où une météo chaude et sèche a pénalisé les maïs au Paraná, 2nd État producteur. Tous ces éléments concourent à faire passer le maïs au-delà des 200 €/t sur Euronext, un niveau qu’il n’avait plus connu pour la récolte 2024 depuis la mi-janvier.

UKRAINE

ACCORD COMMERCIAL DE SOUTIEN EN COURS DE RENOUVELLEMENT

l’Ukraine
L’Union Européenne a décidé de prolonger pour un an les mesures de libéralisation commerciale avec l’Ukraine. Si le récent compromis introduit une nouvelle mesure de sauvegarde automatique pour certains produits sensibles, dont le maïs, cela reste insuffisant. L’AGPM fait de l’obtention d’un cadre protecteur une priorité pour la prochaine mandature européenne.

Le maïs reconnu comme un produit sensible
Depuis 2022, afin de soutenir l’effort de guerre ukrainien, l’UE a accordé une libéralisation totale de son marché par la suspension des droits à l’importation et des contingents sur les exportations ukrainiennes vers l’UE. Cette mesure a été reconduite en juin 2023 et le sera à nouveau en juin 2024.
Si le soutien à l’Ukraine est essentiel, il ne doit pas se faire au détriment des producteurs de l’UE. L’AGPM s’est donc mobilisée avec les producteurs de maïs européens de la Confédération Européenne de la Production de Maïs (CEPM) et d’autres organisations agricoles européennes. Objectif : assortir la reconduction de cet accord d’une mesure permettant de limiter l’impact sur
le marché du maïs des importations en provenance d’Ukraine.
Ce travail a conduit la Commission Européenne à proposer une clause de sauvegarde concernant le sucre, la volaille et les oeufs, déclenchée si les volumes importés dépassent la moyenne des importations de 2022 et 2023. Grâce au travail sans relâche de l’AGPM et de la CEPM, le maïs a été ajouté à la liste des produits et la période de référence élargie au deuxième semestre 2021.
L’effet de cette clause de sauvegarde restera cependant limité : elle n’inclut pas le blé et l’orge et fait référence à des droits de douane devenus obsolètes et inopérants pour le maïs. Toutefois, la reconnaissance du maïs comme produit sensible est une première étape qui devrait permettre d’avancer dans l’obtention d’un cadre plus protecteur pour notre filière.

Un cadre protecteur pour les producteurs de maïs
L’AGPM agit pour obtenir l’activation d’une clause de sauvegarde spécifique sur les importations de semence de maïs ukrainiennes. Depuis 2020, l’équivalence de certification des semences de céréales, dénoncée à l’époque par l’AGPM, facilite leur entrée sur le marché européen. Résultat : les importations de semences de maïs en provenance d’Ukraine ont été multipliées par 63 au niveau européen et plus de 1 000 en France ! L’AGPM s’active également avec la CEPM pour retrouver un cadre douanier efficace pour le maïs grain. C’est un travail prioritaire en vue de la prochaine mandature européenne !

PACTE ET LOI D’ORIENTATION ET D’AVENIR AGRICOLES (PLOAA)

LE COMBAT CONTINUE POUR L’AVENIR DE NOTRE AGRICULTURE

L’agriculture, un secteur d’intérêt général majeur
Au cours de sa prise de parole en février dernier, le Premier Ministre a annoncé la reconnaissance de l’agriculture dans les intérêts fondamentaux de la Nation, d’ailleurs au même titre que la Sécurité ou la Défense. Une annonce qui restait à traduire dans la proposition de loi. Si le texte affirme le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, garant de la souveraineté alimentaire de la Nation contribuant à la défense de ses intérêts fondamentaux, il restreint cette ambition au seul périmètre des politiques publiques. Or, cette question est bien plus large et vient interroger sur la juste place qui doit être accordée à l’activité agricole. Sa protection, sa valorisation et son déploiement doivent être une priorité ! La France reste une grande nation agricole, à laquelle la production de maïs contribue pleinement, et elle doit le rester. Il est nécessaire de l’accompagner face aux inévitables changements économiques, sociaux, climatiques tout en préservant ses capacités de production. C’est pourquoi, l’AGPM demande un renforcement juridique de l’intérêt général majeur de l’agriculture, pour affirmer cette ambition et faire de la protection de l’agriculture une priorité au même titre que l’environnement. Protéger l’agriculture française, c’est capitaliser l’avenir de l’alimentation de nos concitoyens.

Des nécessaires réformes structurantes en matière d’eau
Sur la thématique de l’eau, les annonces gouvernementales se sont restreintes au seul aspect des conflits juridiques, en proposant de réduire les délais de traitement des contentieux contre des projets d’ouvrages hydraulique agricole ou des prélèvements. L’objectif principal étant d’améliorer la protection juridique des porteurs de projets en leur indiquant plus rapidement si le projet peut être autorisé ou s’il doit subir des modifications. Une mesure certes importante à l’heure où de multiples affaires sont portées devant les tribunaux, pénalisant lourdement les projets de stockage. Mais la question de l’accès à l’eau n’en reste pas moins essentielle. Si l’agriculture est reconnue d’intérêt général majeur, alors il est primordial qu’elle retrouve la place qui lui correspond dans les multiples documents d’orientation et de planification en matière de gestion de l’eau existants à l’échelle des bassins versants. L’AGPM pousse donc pour des mesures complémentaires lors des débats parlementaires afin de pouvoir restructurer le droit de l’eau. Il s’agit en particulier d’améliorer la prise en compte de l’agriculture en sécurisant juridiquement son accès à l’eau et le stockage. Au delà de ce dossier emblématique de l’eau, il faut noter un grand absent du projet de loi : le dossier des phytos, même si le gouvernement promet rapidement
une loi dédiée dont le périmètre reste à cerner. L’AGPM restera donc très mobilisée tout au long du processus de ce PLOAA, mais aussi au delà, pour que les enjeux de production et de compétitivité restent au cœur des débats et des avancées attendues.