AGPM Info économie n°550

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Géométrie variable ? Quand la jeune Greta vient porter son message auprès de nos parlementaires, on peut bien évidemment s’interroger sur la place qui lui est donnée par le pouvoir politique et les médias. Mais au-delà du symbole, de la mise en scène, il y a un message, simple, sur le changement climatique : « écoutez les scientifiques ». Alors, Chiche ! Écoutons les scientifiques, mais sur tous les sujets ! En l’agriculture reparlons de ceux qui fâchent sans dogmatisme. A commencer par le changement climatique lui-même et l’urgence à stocker l’eau !

MARCHÉ

VOLATILITÉ EN PERSPECTIVE

Les marchés des grains connaissent une période charnière pour la tendance des prix des prochains mois, entre la moisson des céréales et le développement des cultures de maïs chez les principaux acteurs mondiaux. Les éléments baissiers et haussiers se confrontent depuis plusieurs semaines, avec à la clé une volatilité présagée pendant l’été.

Incertitudes américaines et météo européenne

C’est tout d’abord, sur les incertitudes qui pèsent sur la campagne américaine en cours que les opérateurs semblent se pencher. La question de la surface en maïs devrait continuer à influencer les débats avec un rapport USDA du mois d’août très attendu. La surface emblavée affichée est jugée surestimée par de nombreux opérateurs au regard des conditions météo des mois de mai et juin sur la Corn Belt. À cela, se sont ajoutées des craintes sur les conditions météo de l’été. En effet, les retards de semis ont décalé d’autant la période de floraison (pic sur la 2ème moitié du mois de juillet) cruciale dans l’élaboration du rendement. Pour le mois de juillet, le risque de sécheresse semble écarté grâce aux pluies et à la fraîcheur amenées par la tempête tropicale Barry sur la Corn Belt. Toutefois, la météo du mois d’août sera surveillée avec attention en cas de nouvelles vagues de chaleur ou de sécheresse.

Ensuite, c’est la météo ouest-européenne, et française en particulier, qui agite le Matif. Si l’épisode caniculaire de la fin du mois de juin ne semble pas avoir trop handicapé des maïs semés majoritairement plus tardivement que la moyenne, le manque de précipitation qui l’a suivi et qui se poursuit est plus préoccupant. De plus, le nouvel épisode caniculaire de la fin du mois de juillet intervient en plein pic de floraison des maïs français et pourrait affecter les rendements. La pluviométrie du mois d’août sera primordiale pour la récolte française.

De très bonnes disponibilités en maïs et en céréales à pailles

Si les éléments haussiers semblent, pour l’instant, dominer les débats sur les cours internationaux, une série d’éléments baissiers pourraient troubler la tendance au cours de l’été.

Les principaux exportateurs de maïs, en dehors des États-Unis, connaissent des récoltes records (Brésil, Argentine) ou d’excellentes prévisions (Ukraine). Ainsi, les récoltes sud-américaines devraient atteindre, selon l’USDA, 151 millions de tonnes contre 114 millions pour la campagne précédente. L’Ukraine ne devrait pas réitérer son record de 2018/2019 (35,8 Mt), mais elle disposera tout de même d’une production de 34 Mt pour la campagne 2019/2020 selon l’USDA. Au sein de l’Union Européenne, ce sont les Balkans et la Roumanie qui semblent bénéficier de conditions favorables. Nonobstant quelques difficultés logistiques, les disponibilités de ces pays devraient être au rendez-vous. On peut d’ores et déjà noter un recul des exportations américaines face à la compétitivité des maïs sud-américains.

À cela s’ajoute une importante production de céréales à pailles, tant dans l’Union Européenne qu’en Mer Noire. Après une campagne 2018/2019 en retrait, on attend cette année 151 millions de tonnes de blé en Europe et 104 millions de tonnes en Mer Noire, d’après l’USDA. La très bonne disponibilité des céréales à pailles augure d’une pression sur les cours du maïs et d’une plus grande incorporation dans l’alimentation animale. À moins que la seconde partie de la récolte russe ne nous réserve quelques surprises…

Ainsi, à date et selon Stratégie Grains, les prévisions d’importations de maïs au niveau européen se situent à 16,6 Mt pour l’année 2019/2020  après  un  record  de  23,6  Mt en 2018/2019.

MERCOSUR

STOP AUX INCOHÉRENCES !

C’est dans la précipitation et un climat politique incertain que la Commission européenne a choisi d’acter un accord commercial avec le Mercosur. En plein flottement sur la future gouvernance de l’UE, cette signature démontre l’obstination de la Commission pour concrétiser cet accord, il est vrai défendu par de nombreux Etats-membres. Une fois de plus, l’agriculture aura servi de monnaie d’échange lors des arbitrages finaux.

Un manque de transparence

Si la Commission a donné quelques détails sur le contenu global de l’accord dans un document de 17 pages le 1er juillet, le volet agricole est apparu incomplet en particulier pour le secteur du maïs. En effet, après avoir interrogé directement la Commission européenne, celle-ci a confirmé à la CEPM (Confédération Européenne de la Production de Maïs) que l’accord contenait bien un contingent de 1 million de tonnes de maïs et de sorgho à droit zéro  !  Pour  l’heure, ce contingent ne figure dans aucune communication de la Commission… De même, le contingent sur  le  maïs  doux (1 000 tonnes net à droit zéro) ne concerne que le maïs doux en conserve, le mais doux surgelé étant totalement libéralisé.

De lourdes conséquences

Les conséquences de ses concessions pour les producteurs de maïs européens et français pourraient être lourdes à double titre. Directement d’abord, avec la mise en place du contingent d’un million de tonnes. Rappelons que les droits de douane appliqués à l’entrée de l’UE sont « flottants » et dépendent des cours internationaux. La formule de calcul concédée dans les accords du Gatt fait que le droit est actuellement nul, les cours américains étant trop élevés. Les conséquences de ce contingent se mesureront ainsi lors d’un éventuel retour des droits de douane, c’est-à- dire dans une période d’effondrement des prix internationaux. N’est-ce pas dans cette situation de marché catastrophique que les producteurs ont le plus besoin de soutien ? Manifestement non aux yeux de la Commission ! Indirectement ensuite, car les contingents accordés sur l’éthanol et la volaille notamment pèseront inévitablement sur l’équilibre du marché européen et les cours des céréales.

Phyto, OGM… : pas de débats ?

Enfin, ce nouvel accord met une nouvelle fois l’Union Européenne et les États membres face à leurs contradictions. Comment le vieux contient peut-il accepter d’importer des produits certes conformes aux normes européennes, mais ne répondant pas aux règles imposées aux producteurs européens ? Les producteurs sud-américains continueront de disposer de solutions interdites dans l’Union Européenne (néonicotinoïdes, thirame, atrazine, acétochlore, OGM) et largement utilisées outre-Atlantique. Et ce dans l’indifférence générale. Il est grand temps que l’Union Européenne arrête cette grande braderie et retrouve un peu de cohérence dans sa stratégie agricole et alimentaire, et ce au service de l’économie, des consommateurs et de l’environnement.

Audition de l’AGPM au Sénat

C’est pour sensibiliser les parlementaires à ces incohérences et à l’impact de cet accord que l’AGPM a été auditionnée par la Commission économique du Sénat le 17 juillet dernier et a demandé par voix de communiqué de presse que l’État français refuse les concessions faites sur le maïs lors du processus de validation de l’accord.

http://videos.senat.fr/video.1269742_5d2eacb28 587e.groupe-de-travail-agriculture-et-alimentation

CERTIFICATION MAÏS

UNE DÉMARCHE RECONNUE

Négociée par l’AGPM dès la première année de mise en œuvre de l’actuelle PAC, le dispositif de certification maïs permet aux producteurs spécialisés en maïs de remplir les exigences du verdissement tout en conservant une forte proportion de maïs dans leur assolement. Le schéma entre désormais dans sa 5ème campagne et l’AGPM reste fortement mobilisée sur ce dossier en accompagnant au mieux les producteurs dans leur démarche. Des actions sont également en cours auprès de la Commission Européenne et du ministère de l’Agriculture pour apporter des amendements en 2020.

Des résultats salués

L’AGPM a rencontré l’unité en charge du verdissement et de la conditionnalité à la DG Agriculture ainsi que la DG Environnement à Bruxelles en juin dernier. L’AGPM a pu y présenter le bilan des 4 premières années d’engagements, tant d’un point de vue du nombre d’inscrits et de surfaces concernées que des changements de pratiques. Si la DG Envi n’est pas un grand supporter du dossier, il en ressort globalement un bilan positif partagé entre l’AGPM et la DG Agri, même si des points du cahier des charges et des procédures d’audit méritent d’être améliorées pour les représentants des producteurs. La DG Agri a souligné le réel impact de la mesure sur le changement de pratique des producteurs et l’engagement collectif de la profession (agriculteurs, AGPM, instituts, OS…) sur les territoires concernés. En 2019, les engagements seront par ailleurs en hausse avec plus de 1 700 exploitations dans le schéma contre 1 460 en 2018.

Des améliorations à apporter

Au-delà du résultat globalement positif, l’AGPM a rappelé la nécessité d’apporter des évolutions dans la procédure d’audit. Les sanctions n’intégrant aucune proportionnalité (la moindre non-conformité sur une parcelle entraîne le retrait du certificat), certains agriculteurs ont été lourdement sanctionnés pour des non-conformités parfois infimes. C’est en ce sens que l’AGPM a proposé d’apporter un amendement au référentiel. Ce travail est en cours avec les services de l’État seuls habilités à notifier des modifications au référentiel à la Commission Européenne.

Alors que les débats sur la prochaine PAC reprendront à la rentrée au niveau européen, et que le ministère de l’Agriculture travaille d’ores et déjà à la construction de son futur plan stratégique national, l’AGPM entend bien capitaliser sur cette expérience positive et sa reconnaissance par la DG Agri en vue de la définition des futures mesures de l’architecture.

L’AGPM s’oppose notamment à l’intégration de la rotation des cultures dans la conditionnalité et préconise une reconnaissance des pratiques alternatives aux effets concrètement favorables aux sols.