Nouvelle ère ? La crise sanitaire puis économique fait toucher du doigt l’essentiel à nos concitoyens et à nos politiques. Dans ce contexte, l’agriculture reprend ses galons d’activité stratégique. Il ne s’agit pas de se reposer sur des lauriers déjà comptés, mais plutôt de continuer à démontrer que l’agriculture est en mouvement, et a besoin d’être accompagnée en ce sens. C’est la teneur du dialogue entre le Ministre de l’agriculture et le Président de l’AGPM en assemblée générale : les maïsiculteurs sont engagés, prêts à tous les progrès et toutes les transitions, pour peu que l’État soit à leurs côtés. Le plan de relance, l’engagement sur l’eau et les facteurs de production, sont autant de réponses du ministre qui vont dans le bon sens. Enfin…
Le chiffre du mois : 86 % de l’objectif, c’est le résultat technique obtenu en production de maïs semence cette année. Un résultat historiquement bas dû aux mauvaises conditions climatiques.
MARCHÉ
Les prix actuels du maïs sont au plus haut depuis 2013 et devraient se maintenir au moins jusqu’au printemps. Cependant, les cours sont soumis à une volatilité importante.
UN BILAN MONDIAL TENDU
La dynamique de hausse des cours s’est poursuivie ces dernières semaines. Les cours à Chicago se situent à environ 165 $/t (échéance mars) et ceux sur Euronext à environ 190 m/t (échéance janvier). Les cotations physiques ne sont pas en reste. En France, les cotations du maïs FOB, Bordeaux et Rhin, dépassent les 200 m/t ces dernières semaines, au plus haut niveau depuis 7 ans !
Cette situation s’explique par la tension du bilan mondial. En Mer Noire, les productions ont été fortement impactées par la sécheresse estivale. Ainsi, la production ukrainienne est projetée à 28,5 Mt (36,5 Mt en 2019-2020). Aux États-Unis, 1er producteur et exportateur mondial, la production pour la campagne 2020/21 a été revue en baisse par l’USDA de près de 40 Mt depuis mai dernier (368,5 Mt en novembre). Les stocks de report ont suivi la même évolution (43 Mt en novembre) et devraient être à leur plus bas niveau depuis 7 ans. En cause : des aléas climatiques dans la Corn Belt (sécheresse, tempête)
et une demande chinoise qui ne se dément pas avec 7,8 Mt de maïs importé depuis janvier 2020. La Chine devrait importer 20 Mt de maïs, essentiellement américain, sur la campagne 2020/21, contre 5 Mt
en moyenne, afin de reconstituer ses stocks et de nourrir son cheptel porcin qui se développe.
VOLATILITÉ DES COURS
Si les perspectives au niveau des fondamentaux et des échanges mondiaux laissent présager le maintien des prix dans les prochains mois, la volatilité reste importante. En effet, les marchés réagissent fortement aux différentes annonces à propos du Covid-19, tant à la baisse (2e vague…), qu’à la hausse (arrivée des vaccins). Par ailleurs, à Chicago, les fonds spéculatifs ont une position nette acheteuse conséquente. Leurs prises de profits occasionnent d’importants mouvements des cours. Enfin, les opérateurs suivent avec attention l’évolution de la situation sud-américaine. Le Brésil et l’Argentine souffre d’un déficit hydrique important dû au phénomène climatique « la Niña ». Alors que les exportations de ces pays sont attendues à partir des récoltes au printemps, une importante baisse de production pourrait réduire leurs disponibilités et faire perdurer la tension sur le bilan mondial pour quelques mois supplémentaires.
PAC POST 2020
LA NOUVELLE ARCHITECTURE VERTE MENACE LES MAÏSICULTEURS
Alors que discussions en trilogues sur la réforme de la PAC ont débuté, les débats sur la nouvelle architecture verte pourraient menacer les maïsiculteurs. En effet, dans le cadre de la prochaine conditionnalité, le Parlement Européen souhaite mettre en place une obligation de rotation à la parcelle. Il est appuyé en ce sens par la Commission Européenne qui a quitté son rôle traditionnel d’arbitre entre le Parlement et le Conseil. Ce dernier cherche à faire valoir des mesures alternatives à la rotation comme la diversité des assolements. Dans le cadre d’une obligation de rotation de 3 cultures en 4 ans sur une parcelle (hypothèse plausible), tous les départements français seraient touchés et près de 500 000 hectares de maïs seraient perdus, soit 30 % des surfaces française ! Près de 2 Mt de maïs grain, 2,5 Mt de matière sèche (maïs fourrage), 110 Kt de maïs doux et 80 Kt de maïs semence ne seraient plus produites. Cela occasionnerait une perte de chiffres d’affaires de plus de 500 millions d’m pour les producteurs ! Tous les outils économiques seraient impactés de même que les territoires et les filières, en particulier l’élevage, qui dépendent de la production de maïs.
L’AGPM s’oppose à une obligation de rotation à la parcelle
L’AGPM s’oppose à une obligation de rotation à la parcelle comme de diversité d’assolement renforcée dans la prochaine PAC. Elle préconise des mesures concrètement favorables aux sols et demande que le principe d’équivalence soit reconnu au niveau de la conditionnalité comme de l’éco-schème, afin de pérenniser la certification maïs. A cet effet, l’AGPM mobilise les acteurs de la filière maïs (OS, industries, partenaires européens…) pour que ces propositions soient reconnues aux niveaux européens et français. Le Ministre de l’Agriculture a confirmé dans son message, lors de l’AG de l’AGPM, avoir entendu l’inquiétude pour les systèmes spécialisés maïs et être prêt à regarder la certification maïs. Dans les prochains mois, l’AGPM poursuivra donc sans relâche ce travail auprès des pouvoirs publics afin de garantir la pérennité de la filière maïs française et la compétitivité de ses producteurs.
AMBITIONS MAÏS 2025
ALLIER SOUVERAINETÉ ET RESPONSABILITÉ
Crise sanitaire oblige, l’AGPM a tenu son Assemblée Générale annuelle en visio-conférence le 26 novembre dernier. Le Président Daniel Peyraube a affiché sa détermination à poursuivre les actions engagées dans le cadre de la stratégie Ambition maïs 2025 annoncée lors du Congrès de Toulouse en 2019, tout en rappelant le contexte de cette année inédite. En effet, en dépit d’une incontestable résilience, les rendements 2020 du maïs français sont inférieurs à la moyenne quinquennale en grain et inférieurs aux objectifs en maïs semences et doux. Mais les difficultés n’entament pas l’ambition de l’AGPM. L’UE est structurellement importatrice de maïs alors que le consommateur privilégie une production « locale » et que la France affirme vouloir préserver notre souveraineté alimentaire. Ce contexte démontre la nécessité d’une maïsiculture nationale performante.
L’enjeu de la PAC
Dans le cadre des négociations de la PAC, l’AGPM, s’implique aux niveaux français et européen (via la CEPM) pour sécuriser le revenu des producteurs, à travers un premier pilier fort et un deuxième pilier en faveur de l’assurance et de l’investissement, en particulier dans le stockage de l’eau. L’AGPM se mobilise également pour que les exploitations spécialisées maïs puissent accéder aux futurs éco-schèmes, grâce à des mesures éprouvées pour préserver les sols et l’environnement (couvert hivernal, mulching).
Une maïsiculture engagée, mais protégée
Mise en place des ZNT, sortie du glyphosate, inquiétudes vis-à-vis des néonicotinoïdes, plan pollinisateurs,… ces dossiers montrent bien l’inquiétude suscitée par le recours aux produits phytosanitaires et les actions du gouvernement pour y répondre. L’AGPM en est pleinement consciente et agit avec responsabilité en la matière, tout en dénonçant les impasses techniques et les distorsions de concurrence. Car une production de qualité est protégée des ravageurs et le consommateur plébiscite la production française que nous nous devons donc de sécuriser en quantité, comme en qualité.
Une stratégie qui se construit
Depuis un an, nous œuvrons à la poursuite de nos objectifs exprimés dans le cadre de notre plan stratégique « Ambition maïs 2025 » : 10 000 exploitations maïsicoles certifiées HVE et de 1 million de tonnes de carbone stocké sous crédits label bas carbone en 2025. Ces engagements ambitieux étaient soumis à des conditions. D’une part en travaillant sur le cahier des charges HVE, pour le rendre mieux adapté à la maïsiculture : ce travail devrait porter ses fruits en 2021. D’autre part, nous avons lancé la mise en place d’une méthode grandes cultures avec l’AGPB, la CGB et la FOP, déposée auprès du Ministère de l’Écologie. Nous espérons une validation en fin d’année pour voir les premiers projets générateurs de crédits Carbone dans les exploitations maïsicoles, dès l’année prochaine.
Nécessaire soutien de l’État
Le succès passera aussi par le soutien de l’État, à commencer par celui du Ministère de l’Agriculture. Lors de son intervention vidéo, le Ministre Julien Denormandie a assuré les maïsiculteurs de ce soutien, affichant la volonté de développer le stockage de l’eau, notamment grâce à un suivi et un accompagnement des différents projets. Saluant la responsabilité de l’AGPM dans le cadre des récents débats sur les néonicotinoïdes, le Ministre a assuré de son aide pour éviter les impasses techniques, en particulier dans le cadre de la lutte contre le taupin. Il a rappelé le rôle du plan de relance et invité la filière à s’en saisir pleinement. Le Ministre a présenté la PAC comme un outil pour répondre aux défis, et en particulier celui de la gestion des risques, sujet examiné par ses services. Conscient de l’importance de la certification maïs, il examinera les possibilités de son maintien ou de son évolution dans la prochaine PAC, dans le cadre du plan stratégique national. Reconnaissant les grandes difficultés des producteurs de maïs en 2020, il a salué la filière, acteur clé de la souveraineté alimentaire. Le Président Daniel Peyraube a salué ces propos en affirmant l’urgence à agir : « Les producteurs de maïs sont volontaires mais sont menacés : que ce soit par les caprices du climat, par un contexte réglementaire instable, des impasses techniques ou des distorsions de concurrence. Nous en appelons à un cap clair, une vision partagée pour que le maïs français puisse continuer à nourrir, mais aussi à relever le défi du réchauffement climatique, de la maîtrise de nos énergies, du renouvellement de nos matériaux… Car les ressources du maïs sont immenses, de même que celles des femmes et des hommes qui constituent nos filières. »