Mycotoxines : un cadre réglementaire en évolution
Dans un contexte de durcissement global de la politique de sécurité du consommateur qui va conduire à plus de contaminants réglementés et à certains seuils revus à la baisse, la connaissance des relations entre conditions climatiques, pratiques agricoles, nature des souches fongiques et contamination permet de mettre en évidence les pratiques à promouvoir, et ainsi limiter le développement des mycotoxines. Par ailleurs, l’AGPM et l’interprofession sont mobilisées pour identifier les occurrences, et négocier des seuils limitant les impacts sur les filières maïs, tout en préservant la santé du consommateur.
Le chiffre du mois 4. C’est le nombre de mycotoxines soumise à un réglementation pour l’alimentation humaine : Deoxynivalenol (DON) – Zearalenone – Fumonisines – Aflatoxines. Seule l’Aflatoxine B1 est soumise à réglementation pour l’alimentation animale.
PRÉVENIR LES RISQUES MYCOTOXINE DANS LES MAÏS
Le complexe fongique susceptible de se développer sur maïs grain compte des espèces toxinogènes. Lorsque qu’elles sont jugées dangereuses, certaines toxines font ainsi l’objet d’une réglementation ou d’une recommandation. Mieux comprendre les mécanismes d’apparition de ces toxines permet d’anticiper et de mettre en œuvre les leviers les plus pertinents pour limiter les risques de contamination.
LA RÉGLEMENTATION, GARANT DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE DES CONSOMMATEURS
Les études toxicologiques menées sur les contaminants ont pour objectifs d’identifier le danger induit et d’analyser le risque lié à l’exposition des consommateurs, dans le but de définir les quantités de substance ingérables sans effet toxique pour les populations. En Europe, c’est l’European Food Safety Authority (EFSA) qui a pour mission de collecter et d’analyser les données de recherche existantes pour formuler des avis, Ce sont ensuite les gestionnaires des risques (Commission Européenne, autorités des États membres, Parlement Européen) qui prennent la responsabilité de définir des seuils réglementaires ou des recommandations pour les contaminants dont la présence est susceptible de présenter un risque pour la santé humaine ou animale.
Certaines toxines font ainsi l’objet d’une réglementation ou d’une recommandation depuis une dizaine d’années ou plus. L’accès aux marchés de l’alimentation humaine et animale est conditionné par le respect des teneurs maximales réglementaires. Cette réglementation est appelée à évoluer en fonction des dernières données de toxicologie et d’exposition disponibles.
DES CHAMPIGNONS AUX TOXINES
Le complexe fongique susceptible de se développer sur maïs grain compte des espèces toxinogènes du genre Fusarium communes sous nos latitudes, mais également du genre Aspergillus dont la présence est plus sporadique. Il est courant de détecter sur un même grain de maïs la présence simultanée de différents pathogènes. Cette présence ne laisse en rien présager de la qualité sanitaire des récoltes, elle est à dissocier de l’intensité des contaminations observées, liées essentiellement aux quantités de pathogènes présents sur les grains. La contamination du maïs par les mycotoxines peut se résumer
en 4 étapes :
• Production de l’inoculum (environnement)
• Installation du champignon dans le grain ou la plante (période du cycle, blessures, …)
• Croissance du champignon (caractérisitiques de l’organe infecté)
• Production de toxines (souche)
Une espèce de Fusarium peut produire plusieurs mycotoxines et une mycotoxine peut être synthétisée par différentes espèces !
La diversité des toxines de Fusarium présentes en routine sur un même échantillon est donc le reflet de la co-occurrence ou de la présence successive sur les grains des espèces pathogènes responsables de leur synthèse. Les conditions météorologiques, vont conditionner le profil de mycotoxines susceptible d’être retrouvé dans le maïs.
Comment prévenir le risque mycotoxines dans la production de maïs ?
La prévention au champ est le premier levier à mettre en oeuvre pour réduire le risque mycotoxines. Les plans de surveillance, une bonne gestion de la collecte (traçabilité, nettoyage…) vont ensuite permettre de compléter le dispositif visant à répondre aux cahiers des charges commerciaux et à la règlementation en vigueur. Au champ, le risque de contamination en mycotoxines est multifactoriel : Pour limiter la présence du pathogène, la première étape est la gestion des résidus de récolte en précédent à risque (céréales à paille, maïs grain), en prévoyant un broyage et un enfouissement des résidus aussitôt après la récolte. En précédent maïs, cela permettra également de réduire le risque foreurs, facteur d’aggravation de la qualité sanitaire des maïs. Les blessures qu’ils occasionnent au niveau des épis sont autant de portes d’entrée pour les Fusarium. L’impact des foreurs est prépondérant sur le niveau de Fumonisines (Fusarium verticilloïdes), avec une augmentation de 50 % des teneurs moyennes, et de 30 % en moyenne des concentrations de Deoxynivalénol (source : ARVALIS, enquêtes au champ maïs grain 2003-2018).
Autre facteur de prévention au champ, le choix d’une variété adaptée. L’objectif est d’exclure ligneles variétés très sensibles à F. graminearum (pas de caractérisation de la sensibilité à
F. verticillioïdes). Il faut au préalable, veiller à choisir une variété adaptée à l’offre climatique du territoire et à optimiser ses plages de semis. La précocité variétale a un rôle direct sur le risque mycotoxines en lien avec la durée de cycle qui va jouer sur l’accumulation en DON comme en Fumonisines. Le couple « précocité variétale x date de semis » doit permettre d’éviter le risque d’une récolte tardive qui est un facteur de dégradation de la qualité sanitaire à travers une augmentation de taux de DON (pas d’effet significatif sur FUMO). Pour le maïs grain, en cas de récoltes tardives, le taux de DON augmente de 30 % en moyenne (source : ARVALIS, enquêtes au champ maïs grain 2003-2018). Lorsqu’on regarde des résultats pluriannuels, cet effet n’est toutefois pas systématique. L’effet du climat et la coïncidence avec des phases de développement du maïs restent prépondérants. Les derniers travaux d’ARVALIS ont permis d’identifier les séquences climatiques impliquées dans les contaminations. Sur la période estivale, l’humidité est le facteur prépondérant pour DON, alors que c’est la température qui joue pour les Fumonisines. En fin de cycle, les températures chaudes ont un impact variable, favorable pour les Fumonisines, défavorable pour DON. Concernant le niveau de DON, les températures du mois de mars ont également un poids significatif sur le taux de contamination, qui est sans doute à relier à un effet sur l’évolution de l’inoculum au niveau des résidus de culture. En résumé, la maîtrise de la présence de mycotoxines passe par la mise en place de bonnes pratiques en culture, mais aussi après la récolte (gestion des résidus). En maïs grain, notons aussi l’importance de la durée de préstockage après la récolte. Au-delà de 2 jours pour un maïs à 35 %, 4 jours pour un maïs à 25 % d’humidité, il y a un risque d’augmentation des teneurs en mycotoxines.
Les bonnes pratiques
En maïs fourrage :
• Cibler le bon stade de récolte
(32-33 % MS), éviter les récoltes tardives
• Nettoyage du silo avant la récolte
• Tassage suffisant pour limiter la porosité du silo
• Bâchage rapide et hermétique
du silo pour favoriser le démarrage
de la fermentation
• Laisser au moins 3 semaines de fermentation avant le début d’utilisation
Au dessilage :
• Désiler au jour le jour, maintenir propre
le silo en cours d’exploitation
• Vitesse d’avancement du front d’attaque suffisante (minimum 20 cm/jour sur
la période estivale)
• Ne pas découvrir le silo au-delà du
front d’attaque, limiter les entrées
d’air sous la bâche
• Ne pas distribuer les parties douteuses