Améliorer la rétention d’eau dans le sol ? Dans un contexte de recherche de leviers d’adaptation à des périodes de stress hydrique de plus en plus prononcé, il devient primordial de bien identifier les systèmes permettant d’améliorer la disponibilité de l’eau dans le sol, tout en maintenant, voire en améliorant, les performances techniques et économiques. Les essais menés par Arvalis montrent que chaque situation agronomique est spécifique, et qu’il faut rester prudent afin de ne pas extrapoler trop rapidement les résultats obtenus.
Le chiffre du mois 5 à 55% : c’est la fraction liquide que peut contenir un sol, c’est ce qu’on appelle la « solution du sol ».
TENEUR EN EAUX DES SOLS, QUELS EST L’EFFET DES COUVERTS D’INTER-CULTURE
Dans un souci d’économie d’eau d’irrigation, un essai de trois ans au Magneraud (17) a été mis en place par Arvalis. Il évaluait l’impact d’un couvert d’interculture et de son mode de destruction sur la quantité d’eau disponible dans le sol pour le maïs grain suivant.
Le développement des couverts végétaux à l’interculture incite à optimiser les bénéfices agronomiques attendus pour la culture de printemps suivante. Si certains services attendus comme la fertilisation azotée sont bien connus, les effets sur la réserve en eau du sol sont bien moins référencés. La présence physique d’un mulch (paillis) obtenu à partir d’un couvert détruit et roulé au
moment du semis de la culture de printemps pourrait, en théorie, diminuer l’évaporation de l’eau du sol avant que la culture ne recouvre le sol. Cependant, un couvert développant une biomasse significative au début du printemps va indéniablement puiser dans la réserve en eau du sol, ce qui pourrait pénaliser la culture suivante. Comment économiser l’eau d’irrigation ? Vaut-il mieux laisser le sol nu jusqu’au semis de la culture de printemps, semer en direct dans un couvert développé ou couvrir le sol artificiellement de paille ? Quel mulch préserve le mieux l’humidité du
sol dans la culture suivante ?
TROIS COUVERTURES DU SOL, PLUS OU MOINS CONSOMMATRICES D’EAU
Un essai a été mis en place par Arvalis de 2017 à 2019 afin d’étudier l’impact de deux facteurs sur l’utilisation de l’eau : le type de mulch (paille épaisse, couvert détruit au semis du maïs ou roulé trois semaines avant le semis afin qu’il cesse de consommer l’eau du sol plus tôt) comparé à un sol nu, et le régime hydrique (irrigation limitante ou pas d’irrigation). Pour chaque modalité, des mesures tensiométriques dans le sol ont été effectuées afin de suivre l’évolution de la teneur en eau du sol. Plus le sol se dessèche, plus la tension augmente.
TENEUR EN EAU DU SOL : UN LÉGER AVANTAGE POUR LA PAILLE, QUI NE PRÉLÈVE PAS D’EAU
Ces trois années d’essai n’ont pas été des années à forte demande climatique : en 2018 et 2019, le maïs a eu moins besoin d’eau en début de cycle – une situation observée seulement deux années sur dix sur la période 2001-2020 ; en 2017, si le début de cycle a été classique, la demande en eau estivale a été très faible. Néanmoins, la dose d’eau reçue par le maïs grain dans la modalité
irriguée stressée (125 mm) au cours de ces trois années a toujours été bien inférieure à la dose nécessaire pour l’irriguer sans stress.
L’EAU EST, EN TENDANCE, PLUS DISPONIBLE SOUS LES MULCHS
En raison du retard de levée du maïs dans les modalités avec sol couvert par rapport au sol nu, les dates des mesures tensiométriques ont été recalculées en sommes de température maïs (base 6°C-30°C) afin de comparer les tensions aux mêmes stades du maïs pour chaque modalité (figure 1). Plus la tension est élevée, plus la teneur en eau du sol est faible. Le stade du maïs est évalué en faisant la somme des températures depuis sa levée. En raison des retards de levée du maïs induits par les mulchs, le stade « 10 feuilles » a été atteint le 12/06 en sol nu, le 15/06 pour le couvert détruit 3 semaines avant le semis et le 20/06 pour le couvert détruit au semis. Au démarrage de la culture, la tension légèrement plus élevée à 30 cm de profondeur pour la modalité « couvert détruit au semis » montre qu’en se développant plus longtemps, le couvert a puisé plus d’eau. Toutefois cette différence se lisse très rapidement au fil du cycle du maïs.
Sur l’ensemble de la campagne, on constate que les tensions sous les mulchs de paille sont inférieures en tendance aux autres modalités : le paillage épais garderait le sol plus humide en surface que les mulchs de couvert, eux-mêmes plus protecteurs qu’un sol nul mais consommant de l’eau. Cependant, cette tendance ne se retrouve pas en 2017. Il est difficile de conclure de ces essais à une possible économie d’eau d’irrigation lorsque le sol est couvert. Il est, en effet, complexe d’appréhender ce qui relève de l’effet du couvert de ce qui relève des autres variations d’itinéraire technique. De plus, étant donné la diversité des facteurs qui entrent en jeu dans les services attendus du couvert (climat, sol, type de couvert…), il est difficile d’extrapoler à d’autres situations à partir de ces essais où tous les paramètres étaient identiques hormis la couverture du sol et le régime hydrique. D’autant plus que, lorsque les agriculteurs mettent en place un couvert présent au semis, l’ensemble de l’itinéraire technique est adapté (date de semis, variété, intrants…). Pour espérer une économie d’eau sans nuire aux performances du maïs, il faut parvenir à un compromis entre le développement d’une biomasse suffisante du couvert – sans qu’elle soit excessive en cas de printemps sec – et une technique d’implantation permettant une levée du maïs et un début de cycle optimal. C’est pourquoi un essai adapté est mis en place en 2021, où des lignes sont travaillées au strip-till au sein du couvert trois semaines avant le semis du maïs et où la conduite irriguée est différenciée pour chaque modalité. Cette technique devrait assurer une levée optimale du maïs à une date de semis plus précoce, tout en maximisant le développement et donc le bénéfice du couvert sur l’inter-rang du maïs.
EFFET SUR LA PRODUCTIVITÉ DU MAÏS : LES MULCHS RETARDENT LA DESSICATION DU GRAIN
Comme il n’était pas possible d’adapter la dose d’irrigation a la modalité de couvert, il a été décidé de comparer le rendement et l’humidité du grain à la récolte d’un mais conduit en pluvial ou irrigué avec un volume d’eau limite. Cette contrainte ne permettait toutefois pas de distinguer l’effet, sur le rendement, de la couverture du sol de l’effet du manque d’eau. Les rendements entre les modalités de couverture, pour un même régime hydrique, sont statistiquement différents en 2017, au profit du sol nu et de la paille épaisse par rapport au mulch de couvert détruit au semis. En 2018 en revanche, les rendements de toutes les modalités sont statistiquement équivalents. Et en 2019, c’est la modalité « couvert détruit 3 semaines avant semis » qui obtient le meilleur rendement en irrigué, tandis que le sol nu est pénalisé en conduite pluviale. Difficile donc de conclure que’un mulch de couvert broyé, maintenu au semis, est plus favorable au rendement du mais qu’un sol nu ou recouvert de paille. Concernant l’humidité du grain à la récolte, on ne constate pas de différences entre modalités en 2019 ; mais en 2017 et 2018, les mais grains semés en sols recouverts par un couvert roulé ou une paille épaisse, ont une humidité à la récolte supérieure à celle obtenue en sol nu. C’est l’effet du retard de levée du maïs, observé pour ces modalités, qui a décalé l’intégralité du cycle de la culture.
Le rendement du maïs grain (à 15 % d’humidité du grain) ainsi que le taux d’humidité du grain à la récolte ont été également mesurés.