Objectif 0 datura – Le datura stramoine est une espèce annuelle de la famille des Solanacées, qui se caractérise par des levées échelonnées du printemps à la fin de l’été. Cette adventice initialement plus présente dans le sud de la France a pris de l’ampleur ces dernières années au niveau national. Elle est régulièrement observée dans les cultures d’été (maïs, tournesol, soja, légumes…) mais aussi en interculture sur chaumes de céréales et dans les jeunes prairies. Le datura exerce une forte nuisibilité directe due au développement important de l’adventice ; et pose aussi des problèmes de toxicité en raison de la présence d’alcaloïdes tropaniques dans les graines et dans tout l’appareil végétatif. La durée de vie de ses graines, qui atteint plusieurs dizaines d’années dans le sol, complique sa gestion.
Le chiffre du mois : l’équivalent d’ 1 graine de datura dans 2 kg de maïs suffit à dépasser le seuil règlementaire d’alcaloïdes pour les maïs destinés à l’alimentation humaine.
LE DATURA : UNE CIBLE PRIORITAIRE DANS LA LUTTE CONTRE LES ADVENTICES
Bien reconnaître le Datura au stade plantule :
Au stade plantule, les cotylédons sont très étroits et allongés et les 2-3 premières feuilles sont ovales avec des bords entiers. Les limbes sont dentés à partir de la 4ème feuille. On observe des poils sur la tige et les pétioles. Une fois adulte, cette plante annuelle peut mesurer de 40 cm à 4 m de hauteur grâce au développement d’une tige puissante et ramifiée. Ses grandes feuilles présentent
des dents inégales et ses fleurs sont longues, blanches et en forme d’entonnoir. Les fruits sont en forme de capsules ovales et épineuse, ils renferment de nombreuses graines noires. Une capsule de datura peut produire jusqu’à 500 graines, et un pied jusqu’à 5 000 graines. De plus, une graine peut survivre plus de 80 ans dans le sol. Le datura se reconnaît également par une odeur forte et désagréable au toucher (veillez à utiliser des gants pour toucher la plante). Originaire du Mexique et du sud-ouest des États-Unis, le datura contient des alcaloïdes tropaniques (atropine et
scopolamine) qui peuvent entraîner des effets sanitaires graves voir mortels. Ces alcaloïdes sont des antagonistes de l’acétylcholine, un neurotransmetteur qui joue entre autres un rôle dans l’activité musculaire et les fonctions végétatives (respiration, rythme cardiaque, salivation, etc.). En cas d’ingestion de datura, on observe une augmentation du diamètre de la pupille (mydriase), mais également hallucinations, troubles cardiaques (tachycardie jusqu’à arrêt cardiaque), confusion mentale. Au niveau du système nerveux central, l’atropine à dose forte est un excitant (agitation, hallucination et insomnie). De très faibles quantités suffisent et toutes les parties de la plante en contiennent (fleur, feuille, graine, sève). Intégrant le risque élevé que présente le
datura pour la santé humaine, de nouvelles limites réglementaires ont été mises en place depuis le 1er septembre 2022. Elles varient selon les céréales concernées entre 5 et 15 μg par kg de grains récoltés mis sur le marché ; excepté le maïs destiné à la transformation par voie humide (Règlement CE 2023/915). Pour l’alimentation animale, la limite réglementaire concerne la quantité de
graines de datura : elle est fixée à 1g/kg dans toutes les matières premières ou aliments pour animaux (Directive Européenne 2002/32) mais des discussions sont en cours pour une limite abaissée à 0.5g/kg avec une possible application au 1er juillet 2025.
1 PLANTE CONTAMINE 10 TONNES DE MAÏS
L’ensemble de la plante de datura (graines et parties végétatives) contient des alcaloïdes tropaniques dont la teneur dans les récoltes est réglementée. En maïs grain, le seuil réglementaire est dépassé dès lors qu’on retrouve une graine dans 2 kg de grains. Sachant qu’une plante de datura peut produire 5000 graines, une plante suffit à contaminer 10 tonnes de maïs et déclasser la remorque entière.
Gérer le datura dans ses parcelles
Sur maïs, l’efficacité des herbicides homologués est satisfaisante. Cependant, la réussite du programme de désherbage peut être remise en cause par les levées échelonnées du datura qui se poursuivent tant que la culture ne recouvre pas complètement le sol. De plus, la persistance de l’effet des programmes herbicides sur la durée du cycle du datura est insuffisante. On constate
des re-salissements tardifs dus à de nouvelles levées. C’est particulièrement le cas dans les zones où la canopée est moins développée (faible pouvoir concurrentiel de la culture), voire absente (dégâts d’animaux, passages d’enrouleurs…), le datura profitant de chaque percée lumineuse. En maïs, il est donc recommandé de prévoir une base d’herbicides de prélevée avec un spectre large pour cibler le datura. Ainsi, en postlevée, les levées sont généralement plus groupées et sont mieux contrôlées par la suite avec une intervention positionnée sur des jeunes daturas aux stades « 2-4 feuilles » associant des herbicides systémiques (sulfonylurées, tricétones) éventuellement complétés d’un produit de contact lorsque le datura est plus développé (pyridate, bentazone).
Ce programme se révèle parfois insuffisant ; une troisième intervention aux stades « 8-9 feuilles » est alors possible pour une meilleure gestion des levées tardives. A des stades avancés de la culture, la pulvérisation doit être réalisée « en dirigé » ciblant le jet de pulvérisation sur l’inter-rang pour une question de sélectivité.
Positionner ses interventions pour mieux lutter contre le datura :
• La stratégie de double passage reste la plus sécuritaire avec une pré-levée (ou post levée précoce) relayée.
• La stratégie de double post présente une bonne efficacité dans les essais, mais sa réussite est plus aléatoire (difficultés de positionnement en cas de printemps pluvieux, moindre efficacité des interventions en cas de printemps sec).
• En passage unique, l’efficacité finale est illusoire.
Ne pas oublier les abords de parcelle, les zones « claires » dans la lutte contre le datura
Objectif : supprimer les plantes avant la présence de bogues développées.
Dans le contrôle du datura, l’entretien des abords de parcelles, des passages d’enrouleurs ou toute zone où le peuplement fait défaut est à cibler. Le datura aime la lumière et se développe dans toutes les zones libres. L’arrachage manuel sur zones ciblées en début d’infestation (en se protégeant et en sortant les plantes de la parcelle), broyage et/ou traitement en dirigé sont des solutions pour limiter l’envahissement des parcelles au niveau des tournières, passages d’enrouleur ou toute zone claire où le datura profite du passage de la lumière pour se développer…
Autres points de vigilance : interculture, récolte
• Surtout ne pas laisser monter à graine les daturas pendant l’interculture.
• Ne pas minimiser le risque de contamination d’une parcelle à l’autre par le matériel de récolte. Le nettoyage du matériel est fortement recommandé après un passage dans une parcelle contaminée. A minima, commencer si possible les récoltes par les parcelles les moins infestées.
ET LE DÉSHERBAGE MÉCANIQUE ?
L’emploi des outils de désherbage mécanique est délicat. Les passages de bineuse ont tendance à stimuler de nouvelles levées. Il faut donc avoir un système de dents bien adaptées pour scalper l’adventice sans remuer le sol en profondeur. Attention au nettoyage du rang qui est souvent insuffisant. Le nombre de passages doit être important (4 à 5), ce qui n’est pas toujours possible dans certains contextes pédoclimatiques. Le dernier passage devra être réalisé au stade limite de passage du tracteur, peu avant la fermeture du rang.