Une gestion complexe pour une préoccupation majeure
Pour contrôler Datura et Ambroisie au champ, le seul levier curatif passe par le désherbage chimique, faute d’une efficacité suffisante du contrôle mécanique, et l’efficacité du désherbage restera toujours limitée en l’absence de gestion préventive. De plus, l’évolution des pratiques agricoles, notamment pour répondre aux multiples enjeux réglementaires et sociétaux, doit attirer l’attention. Dans le cas du datura, la difficulté de gestion des bords de champ et des couverts végétaux contaminés en est une illustration. Il faudra à terme bien considérer le ratio bénéfices / risques afin de proposer aux producteurs des outils de gestion efficaces.
Le chiffre du mois : 35%, c’est le pourcentage de cumul de température supplémentaire en avril et mai 2020, comparé à la normale observée en France, plaçant ainsi ce début de campagne sur une dynamique exceptionnelle.
ADVENTICES : ZOOM SUR LE DATURA ET L’AMBROISIE
Le Datura est une adventice qui présente des risques sanitaires sérieux pour la population. L’Ambroisie émet, quant à elle, un pollen allergisant et peut provoquer divers symptômes chez
les personnes sensibilisées. Leur contrôle en culture doit être une priorité.
L’AMBROISIE : UNE PLANTE PIONNIÈRE
Ambrosia artemisiifolia L. est une plante annuelle de la famille des composées (astéracées). Ses graines germent en avril-mai. Elle fleurit principalement en août-septembre et arrive à maturité en septembre-octobre. L’ambroisie est une plante pionnière, qui colonise préférentiellement les terrains remaniés : sols nus, lits de rivières, chantiers, bords de routes… Sensible à la concurrence,
elle est pratiquement absente des milieux fermés (prairies, forêts…). En milieu agricole, elle se développe surtout dans les systèmes de cultures annuelles, et plus particulièrement dans les cultures de printemps et les chaumes d’été.
Évaluer le risque sur les parcelles :
Les niveaux d’infestations peuvent être très différents d’une parcelle à l’autre. Avant la récolte, les plantes restées jusqu’alors sous le couvert de la culture sont en état de vie ralentie. Avec le passage de la moissonneuse batteuse, les plantes les plus grandes vont être coupées mais toutes, grandes et petites, vont aussitôt bénéficier d’une mise à la lumière, en l’absence de toute concurrence. Celles qui sont coupées vont produire de nouvelles tiges et toutes vont croître rapidement. La présence d’ambroisie à la récolte peut avoir plusieurs origines :
• Levée en culture d’hiver dès mars-avril, elle reste à l’état latent sous la végétation.
• Un faible peuplement de la culture, laisse de l’espace à l’ambroisie et permet sa levée et sa croissance.
Profiter de l’interculture pour gérer l’ambroisie
Le déchaumage permet de détruire l’ambroisie et de gérer le stock semencier en faisant lever les graines d’adventices ou de la culture (pertes à la récolte) pour les détruire par la suite. Attention, dans la pratique, les déchaumages n’ont pas toujours l’efficacité attendue pour diverses raisons :
• Travail trop profond ne laissant pas les plantes arrachées en surface. Ces ambroisies se repiquent et repartent en végétation s’il pleut par la suite.
• Travail avec des outils non adaptés : écartement trop important entre dents provoquant des «alignements d’ambroisies», passages de roues sur-creusés, non travaillés.
• Travail trop grossier, peu favorable à la levée des adventices.
• Interventions trop tardives sur plantes trop développées difficiles à détruire.
Pour un déchaumage efficace, il est donc conseillé de :
• Reprendre préalablement les passages de roues de façons spécifiques avec un outil à dents.
• Sur le reste de la parcelle, travailler superficiellement (à environ 5 cm de profondeur) la totalité de la surface de façon homogène, ce qui peut nécessiter deux passages et des équipements adaptés : dents rigides combinées à des disques de nivellement, socs larges avec ailettes, disques plus serrés à angles d’entrures plus élevés.
• Faciliter les levées d’adventices en combinant l’outil de déchaumage avec un rouleau pour un meilleur rappuyage.
• Intervenir juste après la récolte afin de profiter de l’humidité résiduelle du sol. En cas de récolte de la paille, intervenir après des pluies, sinon au plus tard avant la floraison de l’ambroisie en faisant plusieurs passages ou en désherbant.
Le choix du déchaumage seul suppose qu’il n’y ait pas de vivaces sur la parcelle car son action conduirait à les multiplier par bouturage.
Pour choisir entre l’une ou l’autre technique ou les deux, les principaux critères sont :
1- Présence ou absence d’ambroisie à la récolte de la culture en début d’été : la présence nécessite une intervention précoce.
2- Présence de vivaces sur la parcelle : à contrôler par un désherbant systémique.
3- Projet de semis d’un couvert : pour le réussir, il est nécessaire de travailler le sol pour créer un lit de semences et semer sur un sol propre, indemne d’ambroisie.
LE DATURA : UNE ADVENTICE TOXIQUE À MAÎTRISER
Le datura contient des alcaloïdes tropaniques toxiques : l’atropine et la scopolamine, dans toutes les parties de la plante, des racines (0.04 %de la matière sèche) aux graines (0.44% MS), en passant par les tiges (0.18% MS) et les feuilles (0.26% MS). La toxicité de ces alcaloïdes est très forte : 1 seule graine est déjà 20 fois plus toxique pour un homme de 80 kg que ce qu’il ne peut supporter sans risque pour sa santé. Le datura stramoine (Solanacées) est une adventice annuelle, qui se caractérise par des levées échelonnées du printemps à la fin de l’été. Elle a pris de l’ampleur ces dernières années et est régulièrement observée dans les cultures d’été (maïs, tournesol…) mais aussi en interculture sur chaumes de céréales et dans les jeunes prairies. Le datura pose problème pour plusieurs raisons :
• sa nuisibilité due à son fort développement avec une compétition vis-à-vis de la lumière, des nutriments et de l’eau pour les cultures d’été,
• sa toxicité due à la présence d’alcaloïdes tropaniques dans les graines mais aussi dans tout l’appareil végétatif.
Une bogue (fruit) peut produire jusqu’à 40-60 graines et celles-ci ont une durée de vie d’environ 80 ans ce qui, combiné à un taux annuel de décroissance de l’ordre de 30% en fait une plante dont le stock semencier est plutôt persistant. Les enjeux sont forts tant pour les éleveurs (risque d’intoxications aiguës et mortelles de bovins via l’ensilage de maïs par exemple) que pour tous les producteurs avec la mise en place d’une nouvelle réglementation et en parallèle des conditions culturales et climatiques très favorables au développement du datura. Des problèmes de
commercialisation se sont parfois posés ces dernières années. La réglementation est en train d’évoluer : les seuils vont probablement être fixés permettant d’assurer la qualité sanitaire des différents débouchés des céréales, en alimentation humaine. A ce jour, rien n’est établi mais il semblerait que ces seuils pourraient être d’1 graine de Datura pour 2 à 6 kg de graines de céréales selon les espèces (maïs, millet, sorgho, sarrasin). Ces seuils sont très faibles et nécessiteront un véritable contrôle du datura en culture.
CADRE RÉGLEMENTAIRE
Pour l’alimentation animale : Limite maximale fixée pour les graines de datura, à 1 gramme de graines/kg de céréales dans toutes les matières premières ou aliments pour animaux (Directive Européenne 2002/32). Pour l’alimentation humaine : Limite maximale réglementaire fixée à 1 μg/ kg pour l’atropine comme pour la scopolamine, pour les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas âge contenant du millet, du sorgho, du sarrasin ou leurs dérivés (Règlement Européen 2016/239). Cette règlementation va très certainement s’élargir à d’autres filières et des
discussions sont actuellement en cours. Ces seuils sont très faibles et sont généralement atteints avec la production d’une seule plante. L’objectif est donc de n’avoir aucun pied de datura dans
toutes les parcelles de l’exploitation.
QUELLES SOLUTIONS DE LUTTE DANS LA CULTURE DU MAÏS ?
La lutte n’est pas un problème d’impasse technique en soi mais de positionnements lié aux relevées permanentes du datura. Aux stades jeunes, de nombreuses solutions herbicides sont efficaces (avec des bases de tricétone, de sulfonylurées anti-dicotes, bromoxynil, …). La complexité réside du fait des levées échelonnées soit pour des raisons techniques (matériel de pulvérisation peu adapté aux applications très tardives) et/ou réglementaire (stade limite d’utilisation des produits). Dans les situations où la présence de datura est régulière, la stratégie de double passage reste la plus sécuritaire avec une pré-levée (ou post levée précoce) suivie d’un rattrapage. La pré-levée permet de grouper les levées (plus efficace si infestation récente) puis un rattrapage en post doit être positionné sur de jeunes daturas (2 à 4 feuilles) au stade 2-4 feuilles du maïs. Si des relevées tardives de datura sont observées, un rattrapage le plus tard possible vers 8-9 feuilles peut être appliqué, juste avant la couverture du rang. La stratégie de double post présente une bonne efficacité dans les essais, mais sa réussite est plus aléatoire avec des difficultés de positionnement en cas de printemps pluvieux et des problèmes d’efficacité des interventions en cas de printemps sec. En passage unique, l’efficacité finale est illusoire. A noter que les techniques de désherbage
mécanique peuvent être difficiles à mettre en œuvre compte tenu du fort pouvoir de relevées et de repiquage du datura. Toute action mécanique sur le sol (localisation d’engrais, binage…) provoque levées et repiquage si le binage est effectué sur une adventice trop développée.
Des méthodes de lutte préventives :
L’arrachage manuel sur zones ciblées en début d’infestation (en se protégeant et en sortant les plantes de la parcelle pour les laisser se dessécher), le broyage et/ou le traitement en dirigé sont des solutions pour limiter l’envahissement des parcelles au niveau des tournières, passages d’enrouleur ou toute zone claire où le datura profite du passage de la lumière pour se développer… Sans oublier de surveiller les bords des parcelles Il est également important de veiller à la propreté des parcelles à l’interculture dans les parcelles non cultivées en été : les moissons précoces laissent tout l’été au datura pour se développer. Les matériels de récolte et de travail du sol sont des vecteurs importants de contamination des nouvelles parcelles. Dans la mesure du possible, il est conseillé de nettoyer le matériel entre les chantiers et commencer les récoltes sur les parcelles les moins infestées.