CEPM Newsletter 30

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Editorial : Si l’agriculture est réellement une priorité de l’Europe, il va falloir le démontrer !

Green deal, taxonomie, réforme de la PAC… autant de sujets d’inquiétude sur la façon dont l’agriculture est réellement considérée à haut niveau dans l’Union Européenne. L’idéologie de la décroissance ne peut pas être un guide, quand on voit les enjeux qui se sont fait jour avec la crise sanitaire, ou quand on constate combien le malheur dans le reste du monde fait de notre continent un Eden, que certains sont prêts à tout pour rejoindre. la première des libertés c’est de manger, à sa faim. En Europe, nous avons la chance de pouvoir produire, beaucoup, si on ne nous en empêche pas. Et même bien mieux, si on nous en donne les moyens. Et en étant efficaces vis-à-vis de l’enjeu climatique… Alors qu’attendons-nous ? Les marchés sont hauts pour les productions végétales, reflet d’une économie qui redémarre après la crise, des tensions géopolitiques toujours plus fortes et des incertitudes climatiques qui pèsent, partout dans le monde, sur la matière première agricole. L’énergie flambe, et son coût fait peser des inconnues encore plus grandes sur la production agricole… L’Europe ne peut pas rester en retrait sur ces sujets. Elle se doit d’être ambitieuse, de contribuer aux grands équilibres du monde. Elle doit donc supporter son agriculture, mais aussi la défendre voire la protéger des à-coups auxquels elle doit faire face, qu’ils soient économiques ou climatiques. La CEPM demande depuis longtemps des marchés plus protecteurs, un accès à l’innovation et une ambition de production, basée sur une croissance « heureuse ». Il est plus que temps.

LES MAÏSICULTEURS ACTEURS CLEFS DU RETABLISSEMENT DES CYCLES DE CARBONE DURABLE
La Commission a publié une communication concernant son plan d’action pour rétablir des cycles de carbone durables en développant des solutions technologiques et naturelles. Ce plan d’action débouchera fin 2022 sur une proposition d’un cadre réglementaire de certification et de contrôle de l’absorption de carbone.

Les absorptions de carbone grâce aux forêts, aux pratiques agricoles ou aux solutions techniques joueront un rôle crucial pour parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050 puisqu’elles permettront de compenser les émissions de l’agriculture, de l’aviat ion ou d’industries spécifiques qui sont les plus difficiles à éliminer. Dans ce contexte, les grandes cultures et en particulier le maïs font partie des outils dont dispose l’UE pour capturer naturellement le CO2 dans l’atmosphère et ainsi atteindre ses objectifs de décarbonisation. La Communication de la Commission doit donc souligner le rôle majeur que peut jouer la bioéconomie agricole et sa complémentarité entre les usages alimentaires, la substitution du carbone fossile et la séquestration du carbone dans le sol (et les matériaux). Ce serait l’occasion parfaite de redonner à la bioéconomie agricole la place qu’elle mérite dans le Green deal et le paquet Fit for 55, cette place étant aujourd’hui minimale car limitée à sa partie économie circulaire.

En outre, l’agriculture carbone doit s’appuyer sur un cadre rigoureux, solide et scientifique pour la génération de crédits carbone. Le label « bas carbone » créé en France et la méthode des grandes cultures récemment adoptée sont un exemple de mécanisme solide d’agriculture carbone. En revanche, le modèle économique du label bas carbone doit encore être amélioré. Les crédits carbone doivent effectivement être valorisés sur les marchés volontaires du carbone ou bénéficier d’incitations complémentaires à la PAC ou aux aides publiques. La Communication pourrait donc évaluer les conditions d’accès aux marchés réglementés, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire potentielle pour valoriser les crédits, ainsi que leur transférabilité entre opérateurs pour apport et plus
de valeur. Les coûts de production des crédits carbone en France et dans l’UE sont en effet élevés, ce qui doit être pris en compte dans le développement de tout marché volontaire européen du
carbone pour éviter une concurrence déloyale, de l’extérieur ou via d’autres méthodologies internationales concurrentes.

ÉVOLUTION RÉCENTE DE LA STRATÉGIE DE L’UE POUR LES SOLS

La Commission européenne a adopté, dans le cadre de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, une nouvelle stratégie de l’UE en faveur des sols le 17 novembre 2021, comprenant des actions non législatives et législatives. La stratégie est préparatoire à une proposition législative sur la santé des sols que la Commission présentera d’ici 2023, permettant d’atteindre les objectifs de la stratégie et de parvenir à une bonne santé des sols dans l’ensemble de l’UE d’ici 2050, ainsi que la proposition à venir de la Commission pour une loi sur la santé des sols qui vise à traiter les impacts transfrontaliers de la dégradation des sols et à assurer la cohérence des politiques au niveau de l’UE et au niveau national. La stratégie souligne également l’objectif de créer un « passeport pédologique » pour les sols excavés et envisage l’introduction d’un certificat de santé des sols pour les transactions foncières. la Commission européenne a annoncé une stratégie inédite pour la protection des sols européens. En ce qui concerne le calendrier de la loi sur la santé des sols, la Commission a déclaré qu’elle espère lancer l’appel à contribution au premier trimestre 2022, suivi de la consultation publique au deuxième trimestre 2022. Des efforts supplémentaires pour s’engager avec les parties prenantes et les législateurs européens sont à prévoir pour s’assurer que les voix du secteur du maïs sont suffisamment prises en compte.

Les sols sains étant essentiels pour atteindre les objectifs en matière de climat et de biodiversité, la stratégie traduit concrètement certains des objectifs du Green Deal européen et s’intègre à une série de stratégies et de politiques déjà décidées par la Commission européenne : de la ferme à la fourchette au plan d’action pour une pollution zéro, de la stratégie pour la biodiversité à la nouvelle PAC. À cet égard, la séance plénière du Parlement européen du 23 novembre 2021 a adopté le nouveau règlement relatif à la politique agricole commune (PAC) (2023-2027). La Commission continuera à diffuser les solutions réussies de gestion durable des sols et des nutriments dans le cadre de la PAC et en étroite collaboration avec les États membres, notamment par l’intermédiaire des réseaux ruraux nationaux du programme de développement rural, des services de conseil agricole et des AKIS, ainsi que du Partenariat européen d’innovation pour la productivité et la durabilité de l’agriculture (PEI-AGRI).

DISTORSIONS DE CONCURRENCE QUE FAI T L’UE ?

L’année 2022 devrait être riche en activités législatives au niveau européen. En effet, la Commission Européenne doit commencer à décliner en textes règlementaires les grands objectifs de son Pacte Vert de 2019, avec l’objectif pour l’UE d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. L e volet agricole, la stratégie « de la Ferme à la Table » prévoit de nombreux objectifs en matière de réduction d’usage des intrants, engrais et phytosanitaires, à l’horizon 2030. Si la Commission Européenne a longuement occulté l’étude d’impact du JRC, son propre centre de recherche, en prétextant divers écueils méthodologiques, les études réalisées révèlent une mise en danger de la souveraineté alimentaire de l’UE, une hausse des prix pour les consommateurs, une baisse de revenus des agriculteurs et ce, s ans même parvenir aux objectifs environnementaux recherchés ! En effet, les éventuels bénéfices climatiques seraient altérés par la hausse des importations en provenance de pays tiers, moins disant en matière environnementale. Ainsi, ces études prévoient u ne baisse de la production de maïs allant jusqu’à 20 % alors que l’UE est déjà l’un des 1ers importateurs mondiaux de maïs avec en moyenne 18 Mt de maïs importées par campagne depuis 2016, pour l’essentiel en provenance du Brésil et d’Ukraine. La Commission Européenne a promis une mise en cohérence de sa politique commerciale avec ses nouvelles ambitions environnementales. Force est de constater que celle ci se fait toujours attendre alors que la pandémie de Covid a pourtant souligné l’importance d’une agriculture européenne forte pour la résilience de l’approvisionnement des populations ! En effet, les concessions commerciales sur le maïs pourraient continuer à se renforcer. En 2020, l’Ukraine, premier fournisseur de maïs de l’Union Européenne, a activé sa clause de révision de l’accord d’association conclu en 2015 avec l’UE. Cet accord confère déjà à l’Ukraine un quota de maïs libre de droits de douane de 650 Kt. A cette première concession s’étaient rajoutées en 201 7 des concessions unilatérales de l’Union Européenne portant sur 625 Kt de maïs. Ces mesures unilatérales étant arrivées à expiration en 2021, l’Ukraine soutiendra certainement leur intégration définitive dans le cadre de l’accord d’association ave c l’UE,
portant ainsi son quota libre de droits d e douane à plus de 1 Mt. Ces concessions commerciales, toujours plus nombreuses, rendent inefficace le système de droits de douane européens sur le
maïs, dernier filet protecteur des producteurs européens depuis le démantèlement des instruments de gestion de marché. Ce n’est pas tenable Les exigences vis à vis des maïsiculteurs européens, pourtant déjà vertueux, ne peuvent pas s’accompagner d’une poursuite de la libéralisation des échanges avec des pays qui ne respectent pas nos normes de production, conduisant à des distorsions de concurrence toujours plus fortes. La présidence française de l’UE qui débute en janvier 2022 et qui compte mettre le thème des « clauses miroirs » à l’honneur sera un moment clé pour les producteurs de maïs européens.

PRIX D ES FERTILISANTS L UNION EUROPEENE SOUS DÉPENDANCE

Depuis quelques mois, les prix des fertilisants ont explosé en étant multiplié s par plus de 4 par rapport à début 2020, en particulier en ce qui concerne les engrais azotés. Cette situation est extrêmement inquiétante pour les producteurs européens qui subissent de plein fouet cette hausse de leurs coûts de production sans garantit que les prix du maïs se maintiendront à des niveaux élevés pour la récolte 2022. Cette situation s’explique avant tout par une forte demande mondiale pour les engrais azotés, notamment en Amérique du Sud et en Inde, dans un contexte, du fait de la pandémie en cours, de prix élevés du fret et de perturbations des chaînes de production. A cette tension initiale du marché des engrais, s’est ajoutée depuis la mi 2021 une hausse massive des prix du gaz qui constitue 80% des coûts de production des engrais azotés. De ce fait, le prix des engrais, et en particulier de l’azote, a explosé.

Cette crise révèle également la dépendance de l’UE. En effet, selon Fertilizer Europe, l’Union Européenne importe près de 30% de ses besoins en engrais azotés, un chiffre bien supérieur pour certaines formes d’engrais peu ou pas produites au sein de l’UE (urée, polution azotée). Or le marché européen de l’azote est doublement protég é : par des droits de douane et, selon l’origine, par des droits anti dumping qui renchérissent fortement le coût de l’azote pour les producteurs. Sur certains engrais, le poids de ces droits monte jusqu’à 30% de leur coût. Cela renforce les distorsions de concurrence avec les pays tiers qui peuvent s’approvisionner au prix du marché mondial et aggrave la situation dans le cas des crises de marché telle que celle que nous vivons aujourd’hui.
C’est pourquoi la CEPM s’est jointe à la campagne du COPA COGECA l ancée en septembre dernier. Intitulée #DumpTheAntiDumping, celle ci demande une suspension temporaire des droits pesant sur les engrais azotés de manière à réduire l’importante hausse des coûts auxquels les producteurs risquent de devoir faire face en 2022 . Elle a remporté un 1er succès fin 2021 avec l’ouverture d’une enquête par la Commission Européenne, préalable à une levée des droits. Souhaitons désormais que celle ci arrive rapidement à son terme afin de réduire la pression sur le marché européen des engrais.

AGRICULTURE ET PROGRÈS : RÉTROSPECTIVE DES ACTIVITÉS DE LA PLATEFORME EN 2021 ET PROJETS CLÉS POUR 2022

La plateforme Agriculture & Progrès réunit des producteurs de betteraves sucrières, des fabricants de sucre et des producteurs de maïs afin de promouvoir une production agricole durable. La mission de la plateforme est de fournir aux décideurs des éléments de compréhension sur les problématiques agricoles notamment sur les enjeux de la production et le rôle important de l’innovation pour elle. Depuis que la CEPM a rejoint la Plateforme Agriculture & Progrès en tant que membre fondateur aux côtés de CIBE et du CEFS en 2019, la Plateforme a mis en place différentes actions d’influence pour se faire connaître et relayer ses propositions. En 2021, la plateforme s’est positionnée sur plusieurs questions clés pour le secteur du maïs, notamment sur les nouvelles techniques de sélection, la taxonomie pour les activités durables, la stratégie de l’UE pour les sols et l’utilisation durable des pesticides. En outre, l’identité de la plateforme sur les médias sociaux (Twitter, LinkedIn, site Web) a été largement développée avec diverses campagnes d’engagement sur les réseaux sociaux documentant le quotidien des cultivateurs. Dans les circonstances de la pandémie mondiale et des restrictions qui en ont découlé, la plate-forme s’est adaptée et a mis en ligne sa série de conférences, en présentant des webinaires sur des thèmes divers (sols…) parrainés par des membres du Parlement Européen. La CEPM a participé activement à ces événements et a fait entendre la voix des producteurs de maïs sur des sujets tels que les techniques de sélection innovantes (avec la présence du Député européen Paolo de Castro) et les sols (avec la participation Nathalie Sauze-Vandevyver, directrice de la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne). Pour la nouvelle année, la plateforme, dirigée par la CEPM, continuera à se positionner sur les questions clés pour le secteur du maïs, et a déjà une nouvelle série de webinaires intéressants sont en préparation.