CEPM Newsletter 36

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Editorial : études d’impact pas de sciences sans conscience… « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » disait Rabelais voici 5 siècles, signifiant par-là que la science doit être soumise à la moralité et à l’objectivité. Une étude d’impact inobjective est une étude d’impact déloyale, qui délibérément trompe, fausse le résultat, déséquilibre le raisonnement. Elle peut alors induire une mauvaise gouvernance voire entamer la confiance entre les différents maillons du processus législatif. A maintes reprises nous avons eu l’occasion de nous plaindre des études d’impact. Et depuis très longtemps. Le meilleur exemple étant ici celui des bio-carburants qui depuis 35 ans font l’objet d’études d’impact dont les conclusions nous semblent toujours décidées d’avance. Ce qui ne nous empêche pas de nous inquiéter lorsque la Commission évite tout simplement l’étude d’impact ! On pense ici au dispositif « Farm to Fork », au Green Deal ou à l’interdiction en 2035 des moteurs thermiques pour les voitures. Avec la règlementation sur les pesticides (SUR), la Commission inaugure une nouvelle stratégie d’évitement. Confrontée à une demande pressante des Etats membres de retravailler son étude d’impact, de la préciser, la Commission en maugréant contre cette demande légitime, a pris son temps pour représenter une étude d’impact révisée … identique à la précédente au motif que la Commission n’aurait pu obtenir les données souhaitées par le Conseil des Ministres ! Un fois de plus on ne peut que déplorer une rupture de l’équilibre institutionnel entre l’exécutif et le législatif. Idéologie et législation ne font pas bon ménage. Soutien au MERCOSUR, taxonomie, sols, restauration de la nature … pierre après pierre on a l’impression que la Commission attaque l’édifice agricole européen – seule politique commune intégrée. Puissent les premiers sursauts du Parlement européen contre le Pacte vert (voir page 2) sonner la révolte et le retour à la raison sur le sujet agricole et notre indispensable besoin de souveraineté et d’indépendance en Europe.

Céline Duroc
Permanent Delegate CEPM, General Director AGPM

DES DÉPUTÉS EUROPÉENS S’OPPOSENT AU GREEN DEAL EUROPÉEN

Le 27 juin, la commission de l’environnement du Parlement européen (ENVI) a rejeté une version amendée de la loi sur la restauration de la nature. Après une longue série d’amendements, le texte a reçu 44 voix pour et 44 voix contre, ce qui signifie qu’il n’a pas obtenu la majorité nécessaire pour être adopté. Suite à ce vote, la commission ENVI a envoyé le projet législatif en plénière dans sa forme originale, telle que
rédigée par la Commission européenne, avec une recommandation de la rejeter. Historiquement, c’est la première fois que la commission
ENVI a rejeté un élément du Green Deal européen. Avant ce vote, les commissions AGRI et PECH avaient déjà rejeté le texte. Mais l’impact symbolique de ces votes était de de toute évidence moins fort. De l’autre côté du spectre, les pays de l’UE membres du Conseil ont voté en faveur de la loi, mais la majorité était mince. La Belgique, l’Irlande, les Pays-Bas, le Danemark, l’Autriche, la Roumanie et la Pologne ont été parmi les plus critiques à l’égard du texte. Le Premier ministre belge Alexander De Croo a suggéré d’appuyer sur le bouton « pause » de la législation. Tous les regards étaient tournés vers la session plénière  du Parlement européen du 12 juillet, au cours de laquelle tous les députés européens devaient exprimer leur opinion finale sur le texte. Un accord a finalement été trouvé, mais à une très faible majorité. C’est le début d’un combat contre la Commission qui se poursuivra au cours des Trilogues. Ce dossier sera suivi de près par la CEPM.

EU-MERCOSUR : LA COMMISSION FAIT PRESSION POUR APPROUVER L’ACCORD

Ce n’est un secret pour personne que de nombreux hauts fonctionnaires à Bruxelles souhaitent que l’accord de libre-échange UE-MERCOSUR soit signé le plus rapidement possible. Avec l’élection du président Lula au Brésil et la perspective d’une « approbation facile » par la présidence espagnole du Conseil, les négociateurs des deux parties redoublent d’efforts pour conclure l’accord. Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez et le chancelier allemand Olaf Scholz sont les principaux défenseurs de l’accord au niveau des États membres. Les
deux pays investissent massivement en Amérique du Sud et Lula entretient de bonnes relations avec les deux hommes politiques européens de gauche. Malgré ce climat positif, cela ne signifie pas que l’accord sera facilement approuvé. Des deux côtés de l’Atlantique, l’opposition est forte. Lula s’oppose à l’annexe supplémentaire sur le développement durable présentée par la Commission au début de l’année, affirmant que les relations entre les deux blocs devraient être basées sur la confiance plutôt que sur des compromis juridiquement contraignants. En Europe, les parlements français, néerlandais et autrichien ont déjà fixé des conditions restrictives pour la ratification de l’accord. Une chose est sûre, le bloc sud-américain tarde à définir une réponse commune à la dernière proposition de la Commission, ce qui pourrait  compromettre les perspectives de signature de l’accord avant 2024. En tout état de cause, le parti de Lula n’a pas la réputation d’être
un promoteur du libre-échange. S’opposer à la signature du MERCOSUR est une nécessité tant ses effets seraient dévastateurs pour l’agriculture européenne dans sa globalité, grandes cultures, filières de transformation et productions animales confondues.
Si le débat des clauses miroirs mérite d’être posé, il s’agit ici de s’opposer frontalement au projet. CEPM agira en ce sens, tant vis-à-vis des institutions européennes, dont le Parlement Européen qui aura à rendre un avis, que des Etats membres de ses adhérents.

CARBON FARMING: VERS UN NOUVEAU CADRE POUR LA CERTIFICATION DU CARBONE

En novembre 2022, la Commission européenne a proposé un cadre pour la certification des absorptions permanentes de carbone (CFCR) dans le cadre des objectifs plus larges des cycles de carbone durables. La proposition établit notamment des règles pour la vérification indépendante des absorptions de carbone, ainsi que des règles pour reconnaître les systèmes de certification qui peuvent être utilisés pour démontrer la conformité avec le cadre de l’UE, afin de garantir la transparence et la crédibilité du processus de certification. Pour être certifiée, l’absorption de carbone doit être vérifiée par un organisme de certification indépendant et répondre à tous les critères énoncés dans la proposition. La proposition de la Commission est actuellement examinée par les deux colégislateurs. Au Parlement, la
commission ENVI dirige les travaux, le rapporteur Lidia Pereira (PPE, PT) suggérant des mécanismes supplémentaires de contrôle, d’expiration et de responsabilité pour traiter les cas d’inversion, et préconisant des conditions et des exigences plus strictes pour le stockage non permanent (comme l’agriculture du carbone et le stockage dans les produits). Si la proposition de la Commission n’est pas modifiée,
seuls les projets axés sur la restauration de la nature, l’extension des forêts et des prairies pourraient prétendre à la certification. Cette approche ne répond pas aux attentes de la CEPM pour la création d’une opportunité de revenu basée sur des solutions agricoles
et de maïs. Pour y remédier, la proposition devrait, entre autres :
· Faciliter le développement d’actions respectueuses du climat en certifiant les actions de stockage et de réduction des GES dans les exploitations agricoles de l’UE.
· Offrir aux producteurs de maïs des choix de projets appropriés en mesurant le bilan carbone net des projets de réduction et de stockage des émissions.
· Éviter de créer de nouvelles exigences en matière de durabilité en dehors de la PAC en reconnaissant les exploitations conformes à la PAC comme durables dans le cadre de la CFCR.
La CEPM continuera à suivre l’évolution du dossier au fur et à mesure du déroulement du processus législatif.

LA COMMISSION PRESENTE SON PAQUET SUR L’ALIMENTATION ET LA BIODIVERSITE

Le 5 juillet, la Commission européenne a adopté son paquet « alimentation et biodiversité », qui comprend des mesures pour l’utilisation durable des principales ressources naturelles afin de garantir la résilience des systèmes alimentaires de l’UE. Ce paquet, attendu depuis
longtemps, comprend les propositions relatives à la surveillance des sols, aux nouvelles techniques génomiques et au matériel de reproduction des végétaux (semences). En ce qui concerne les sols, la proposition opte pour une définition harmonisée de la santé des sols, la mise en place d’un cadre de surveillance spécifique et l’introduction de dispositions permettant d’identifier et d’assainir les sites contaminés. Pour les NGT, la proposition crée deux catégories de NGT : celles qui pourraient être obtenues par sélection conventionnelle et d’autres qui feraient l’objet de modifications plus complexes. Les premiers ne nécessiteraient pas de procédure de notification, d’évaluation des risques, de traçabilité ou d’étiquetage en tant qu’OGM. Pour les semences, la proposition vise à simplifier les règles qui sont devenues obsolètes en raison de l’évolution rapide de la science dans ce domaine. En outre, la proposition unifie les dix textes législatifs précédents sur la question. La CEPM considère ce paquet comme extrêmement  important pour les agriculteurs de l’UE, compte tenu de l’épuisement alarmant de la boîte à outils actuelle. En examinant les propositions, les États membres et le Parlement européen devraient trouver un équilibre entre ambition et réalisme en adoptant des cadres flexibles comme preuve de confiance dans la capacité des agriculteurs à gérer leur production de manière durable.

PAC : LA COMMISSION DÉPLOIE LE FONDS DE RÉSERVE AGRICOLE

Le fonds de réserve agricole est une enveloppe annuelle de 450 millions d’euros déployée, en dernier recours, pour atténuer les crises et les impacts sur les marchés agricoles de l’UE. Pour être activé, la Commission européenne a besoin de l’autorisation du Conseil et du
Parlement européen. Bien qu’il existe depuis 2013, le fonds n’a été utilisé pour la première fois qu’en avril 2022. Au cours de l’année
2023, la Commission a proposé d’utiliser le fonds à trois reprises et, en juin, l’intégralité de son budget avait déjà été dépensée.
Les deux premiers lots étaient destinés aux pays limitrophes de l’Ukraine, qui ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’augmentation des importations de céréales et d’oléagineux ukrainiens sur les marchés locaux. Au total, 156 millions d’euros ont été déployés en Pologne, en Bulgarie, en Roumanie, en Slovaquie et en Hongrie en échange de la levée des barrières commerciales unilatérales imposées aux produits
ukrainiens. La CEPM est solidaire de ses organisations membres qui ont subi trop largement l’effet du conflit. Enfin, le 30 mai, le commissaire Wojciechowski a promis d’utiliser le reste du fonds de cette année pour soutenir les pays frappés par la sécheresse et les inondations, à savoir le Portugal, l’Italie, la France et l’Espagne. En plus de l’argent, de nombreux pays exigent désormais des dérogations aux règles de durabilité de la PAC afin d’atténuer les pressions croissantes qui s’exercent sur leur secteur agricole. Si le fonds de réserve n’est pas à négliger, il ne constitue qu’une simple mesure d’accompagnement limité dans son périmètre et dans ses effets. Des mesures plus larges
doivent être envisagées pour anticiper et s’adapter aux problématiques posées.