Editorial : De la souveraineté européenne
Les crises ont pour seul avantage de poser les vrais problèmes pour y apporter de vraies solutions. C’est bien le cas avec le COVID-19 qui démontre l’importance d’être maître chez soi. La terre, la production agricole, la diversité alimentaire, la ruralité, … sont autant de biens indispensables. L’objectif n’est pas de les protéger, mais de les valoriser. C’est en ce sens que l’on peut critiquer l’ambiguïté du Green Deal. L’objectif pour l’Union européenne d’atteindre la neutralité carbone en 2050 repose une écologie de décroissance basée sur une régression des facteurs de production et sur un rejet de l’innovation à rebours des nécessités de l’Union. Cette même approche punitive vaut aussi pour une sorte de standardisation de l’alimentation en pure contradiction avec la diversité des territoires et la promotion des productions locales. Mais le Green Deal très (trop ?) ambitieux dans ses objectifs globaux fait montre d’une grande timidité en refusant de s’attaquer aux vrais problèmes au premier rang desquels les importations à droit nul de produits de substitution des céréales et les distorsions de concurrence avec nos compétiteurs. Les éventuelles taxes carbone restent dans un virtuel inquiétant qu’il s’agisse des taxes à la frontière de l’UE ou de la reconnaissance d’un crédit carbone pour l’agriculture. Quant aux budgets 2021-2027, les chiffres sont pharaoniques, mais là aussi plutôt en décroissance et très conservateurs car déconnectés des réformes de fond qu’exige depuis des décennies l’agriculture européenne.
GREEN DEAL : LA COMMISSION FAIT FAUSSE ROUTE !
Le 20 mai 2020, après un retard de 2 mois lié au COVID-19, la Commission a officiellement publié ses communications sur deux piliers du Green Deal, la Stratégie Biodiversité 2030, et la Stratégie « De la Ferme à la Table ».
Réunis dans le cadre de son Conseil d’Administration mardi 26 mai, la CEPM a analysé ces deux stratégies, susceptibles d’orienter la réforme de la PAC. Climat, alimentation, santé, énergie, alors que ces défis sont immenses et que nos concitoyens attendent des réponses allant vers davantage de souveraineté et de protection de leurs valeurs, la Commission oriente l’agriculture de l’UE sur la voie de la décroissance sans tenir compte des enseignements de la pandémie du coronavirus.
Une maïsiculture engagée au service de l’UE…
Profondément européens les producteurs de maïs réunis au sein de la CEPM, s’investissent année après année pour changer leurs pratiques, progresser, rassurer et satisfaire les aspirations de leurs concitoyens. Pleinement investis dans les défis de souveraineté alimentaire et énergétique, ils souhaitent aller plus loin et faire preuve de responsabilité en participant aux équilibres de la 1ère production mondiale, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique. Au-delà de l’extraordinaire potentiel de production, par son aptitude à stocker du carbone dans le sol et sa capacité à fournir des énergies propres (biocarburants, biogaz), le maïs apporte des solutions que l’UE ne peut ignorer.
… mais pas sur la voie de la décroissance
Pourtant les stratégies déployées dans le Green Deal, visent à se dessaisir de cet atout en poursuivant des objectifs chiffrés insensés : 10 % de la surface agricole non productive, réduction des phytos de 50 % et des engrais de 20 %, développement de l’agriculture biologique à hauteur de 25 % et qu’importe si le marché n’est pas là ! La Commission a-t-elle seulement mesuré l’impact de ces chiffres ? Ce sont d’énormes pertes de productions à l’échelle européenne et des importations massives de produits obtenus avec des méthodes qui y sont interdites !
Changer de cap
Les producteurs de maïs européens dénoncent un cadre qui ne permet pas à la maïsiculture de répondre aux impératifs actuels et avenir. Bien loin de refuser toute évolution de pratiques, ils demandent en premier lieu une protection de l’agriculture européenne qui, année après année, est de plus en plus fragilisée par d’insupportables distorsions de concurrence. Ils demandent également de pouvoir participer aux défis mondiaux en développant une production vertueuse pour tous les marchés et grâce à toutes les innovations, en particulier biotechnologiques. A l’heure où l’UE s’interroge sur la règlementation sur les biotechnologies, la CEPM rappelle la nécessité d’assurer l’accès aux producteurs et consommateurs européens aux produits qui en sont issus.
Pour Daniel Peyraube, Président de la CEPM : « Faisant fi des enseignements de la crise du covid qui ont remis en lumière la nécessité d’une alimentation abondante, locale, de qualité, et de la capacité de l’agriculture à répondre à l’urgence climatique, ce Green Deal a aujourd’hui tout d’un Black Deal. Nous disons oui à la poursuite de l’évolution de nos pratiques mais réellement aux services de nos concitoyens. Nous refusons de sacrifier notre maïsiculture au profit d’importations aux modes de production bannis de nos territoires. L’UE ne doit pas s’entêter sur le chemin de la décroissance mais redonner à l’agriculture européenne la capacité d’exploiter son potentiel. Les maïsiculteurs européens y sont prêts ».
NEW GENOMIC TECHNIQUES : LA BATAILLE CONTINUE
Dans le cadre de l’étude d’impact lancée par la Commission européenne en mars dernier et dont les résultats seront rendus publics en avril 2021, la CEPM est engagée en tant qu’organisation représentative à l’échelon européen.
Ainsi l’étude en cours examine le potentiel des nouvelles techniques génomiques à contribuer à l’amélioration de la durabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Ces développements sont ancrés notamment dans la stratégie de la Fourche à la Fourchette, publiée le 20 mai dernier, et se fondent sur la nécessité de trouver des nouvelles techniques innovantes permettant notamment d’accélérer le processus de réduction de la dépendance aux pesticides. Différents éléments seront étudiés :
• Un état des lieux de la mise en œuvre et de l’application de la législation sur les OGM ;
• Informations sur l’état et l’utilisation des NGT dans les plantes, les animaux et les micro-organismes ;
• Un aperçu de l’évaluation des risques des plantes développées par les NGTs, préparé par l’EFSA ;
• Un aperçu des développements scientifiques et technologiques actuels/futurs ainsi que des nouveaux produits qui sont, ou devraient être commercialisés par la DG Centre commun de recherche.
L’étude tiendra également compte d’une analyse des implications éthiques et sociétales de l’édition de gènes. Suite à une première réunion des parties prenantes le 10 février dernier, la Commission a recueilli à travers un questionnaire les différents témoignages. Dans ce contexte, la CEPM a exprimé le point de vue de la filière au niveau européen en mai en soulignant la nécessité que ces techniques soient pleinement accessibles au secteur agricole, car elles permettront d’envisager une sélection adaptée à différents problèmes et de répondre à plusieurs défis tels que les conséquences du changement climatique (tolérance au stress abiotique, températures extrêmes, sécheresse, excès d’eau, etc.), l’apparition de nouveaux ravageurs ou le maintien d’une haute qualité technologique et sanitaire. Les variétés dérivées des NGT pourraient ainsi offrir de multiples avantages à la société si les conditions règlementaires le permettent. En effet, il est nécessaire de disposer d’un cadre réglementaire approprié qui permettra la mise en œuvre pratique des NGT en Europe, à la fois en ce qui concerne la recherche mais également le contexte des variétés dérivées de plantes NGT mises sur le marché. L’application de la directive OGM ne semble pas conduire à ce résultat. Le cadre réglementaire régissant les cultures NGT devrait donc être orienté vers l’évaluation de solutions, et donc de variétés adaptées aux besoins des agriculteurs, du marché et des citoyens européens, plutôt qu’aux techniques elles-mêmes, qui sont en constante évolution.
IMPORTER NOS SEMENCES D’UKRAINE, MAIS QUELLE IDÉE !
La crise du COVID-19 a démontré la nécessité de garder sous contrôle de l’UE les productions stratégiques. Les semences en font partie. Mais voici que la Commission – à l’initiative de la DG SANTE – publie le 7 avril une proposition dite d’équivalence permettant aux semences de maïs produites en Ukraine d’être certifiées et ainsi vendues sur le marché européen alors même qu’elles ne sont pas astreintes aux mêmes contraintes phyto-sanitaires que les producteurs de l’UE. Pour la Commission, il s’agit d’une simple mesure technique dont les conséquences économiques, environnementales et sociales n’ont pas à être prises en compte. Aucune étude d’impact n’a été réalisée ni prévue. Une consultation publique est certes organisée du 7 avril au 2 juin, mais on peut considérer que sauf miracle la proposition de la Commission sera adoptée par les co-législateurs sans autre forme de débats. Le qualificatif de « mesure technique » a conduit le COREPER 1 à adopter de facto le 20 mai apparemment sans discussion la proposition de la Commission. Le Parlement au niveau de la Conférence des Présidents a de son côté considéré que la nature « technique » de la proposition justifiait une procédure simplifiée excluant toute discussion et tout amendement ! Informés au dernier moment, c’est-à-dire quand la Commission a publié sa proposition, les producteurs de maïs se raccrochent à un faible espoir : l’avis que doit rendre le Comité Économique et Social et une nouvelle positive intervenue au niveau du Parlement qui a décidé de revenir à la procédure d’adoption parlementaire classique. Des amendements seront donc possible. Il est assez effrayant de constater l’absence de transparence sur de tels sujets à l’opposé des engagements éthiques et de bonne gouvernance de la Commission von der Leyen. Et très désagréable aussi de voir combien les contraintes sanitaires du COVID-19 rendent la bureaucratie européenne encore plus impénétrable et dominante. Et ce alors même que l’importation de semences ukrainiennes de maïs en UE pourrait durement déstabiliser le revenu des multiplicateurs européens.
MARCHÉ DU MAÏS : DIFFICULTÉS EN PERSPECTIVES POUR LES MAÏSICULTEURS EUROPÉENS
Après la pandémie, la prochaine campagne s’annonce difficile pour les maïsiculteurs européens
La pandémie de coronavirus n’a pas autant influé sur les prix du maïs européen que sur les prix outre-Atlantique, notamment du fait d’une moindre importance du débouché de l’éthanol. Cependant la campagne 2020/21 qui va bientôt débuter s’annonce difficile pour les maïsiculteurs européens. En effet, si l’on peut se réjouir de la hausse des surfaces de maïs au niveau européen, elles devraient atteindre près de 9 millions d’hectares (une hausse de 2,5% par rapport à la campagne précédente), celle-ci est conjoncturelle et principalement due aux problèmes rencontrés lors des semis des céréales à paille et de colza à l’automne. Par ailleurs, la plupart des principales zones de production mondiale vont également voir leurs surfaces augmenter pour la future campagne, notamment chez les principaux exportateurs mondiaux de maïs (États-Unis, Brésil, Argentine, Ukraine). Ainsi, les surfaces américaines de maïs devraient atteindre un record historique avec un peu plus de 36 millions d’hectares, soit une hausse de près de 10% par rapport à la campagne 2019/20. Avec un retour aux rendements tendanciels, cela pourrait conduire à un niveau historique de production avec un peu plus de 400 Mt. Malgré la projection d’une utilisation plus importante du maïs, les stocks américains augmenteraient de plus de 50% pour se situer à 83 Mt soit leur plus haut niveau depuis la campagne 1987/88. De ce fait, et malgré un ratio stock/utilisation stable au niveau mondial, les cours du maïs seront sous pression lors de la prochaine campagne. C’est d’autant plus le cas en Europe qu’avec des surfaces en hausse de près de 8%, à 5,4 millions d’hectares, la production ukrainienne de maïs pourrait battre un nouveau record et atteindre 40 Mt.
L’Union Européenne restera le premier importateur mondial de maïs en 2019/20
Pour la campagne 2019/20, avec 19,4 Mt d’importations projetées (18,7 Mt réalisées au 07/06), l’UE resterait le premier importateur mondial de maïs pour la 3e campagne consécutive. Le repli en volume par rapport à la campagne précédente (24,1 Mt importées) s’explique essentiellement par une meilleure disponibilité en céréales à paille lors de la campagne actuelle. Par ailleurs, avec près des deux tiers de l’approvisionnement européen, l’Ukraine reste le premier fournisseur de l’Union Européenne. L’UE reste donc un importateur structurel de maïs et cette situation devrait se répéter en 2020/21, la Commission Européenne prévoyant à l’heure actuelle 16,4 Mt d’importations. De plus, les droits de douane, dernier filet de protection des producteurs européens en cas de crise importante, sont inefficaces. Ainsi, depuis le 27/04, du fait de la chute des prix du maïs américain (crise du secteur de l’éthanol), des droits de douane ont été déclenchés. Ceux-ci sont de 10,4 €/t depuis le 5 mai. Cependant, la multiplication des concessions commerciales, et notamment des contingents à droit nul pour l’Ukraine, affaiblit leur portée. Ainsi, les quotas ukrainiens (1,225 Mt en 2020) ont été entièrement mobilisés dès le mois d’avril dans la prévision du déclenchement de cette protection tarifaire. Ceci se constate dans les chiffres des importations européennes avec 63% des volumes issus d’Ukraine sur la campagne en cours ! A l’heure où la crise du coronavirus souligne l’importance de la souveraineté alimentaire et où le Green Deal pourrait accroître les distorsions de concurrence avec des pays ne produisant pas selon nos normes sociales et environnementales, il est urgent de remédier à cette situation.
CLASSIFICATION DES BIOCARBURANTS AVANCÉS SOUS LA RED2
La Directive 2018/2001 sur les Énergies Renouvelables (RED2) opère une distinction entre les biocarburants de « 1ère génération » (issus de cultures adaptées pour l’alimentation humaine ou animale), les biocarburants « avancés » issus de matières premières spécifiquement listées dans l’Annexe IX-A, les biocarburants issus de graisses animales ou de cuisson (Annexe IX-B) et les « autres biocarburants ». A travers des actes délégués, la Commission peut modifier la liste des matières premières qui figurent dans l’Annexe IX et ainsi affecter la classification des biocarburants qui en sont issus. Dans le cadre du travail préparatoire pour son acte délégué modifiant la liste en Annexe IX, la Commission a recruté un consortium de consultants, qui a organisé jusqu’au 24 mai une consultation publique des parties prenantes sur la question. L’objectif de ce travail, plus spécifiquement, est d’évaluer les matières premières listées dans l’Annexe au vu des critères de l’article 28.6 de la RED2 (durabilité, économie circulaire, distorsion du marché, impact sur l’environnement / la biodiversité et la demande de sol), ainsi que d’évaluer le risque de fraude et les options de mitigation. La CEPM est donc concernée par cette étude, qui pourrait aboutir à la classification de biocarburant ou biogaz issus de cultures intermédiaires ou endommagées comme biocarburants « avancés » dans l’Annexe IX et non plus « de 1ère génération ». Cela aurait une influence importante sur la comptabilisation des objectifs d’incorporation du biocarburant par les États Membres de l’UE sous la Directive RED2. La CEPM et ses membres se sont ainsi prononcés en faveur de l’inclusion dans l’Annexe IX :
• des cultures endommagées, à condition qu’elles l’aient été par des causes non-anthropiques et documentées comme telles (afin d’éviter la fraude). Cela permettrait de redonner de la valeur à des cultures qui n’ont plus la qualité nécessaire pour servir d’alimentation humaine ou animale.
• Des cultures intermédiaires, qui sont notamment intéressantes pour le biogaz. La classification des cultures intermédiaires dans l’Annexe IX comme biocarburants/biogaz avancés serait conditionnée au choix précis de cultures afin de garantir la différenciation par rapport aux biocarburants de 1ère génération.
Groupes de Dialogue Civil
Plusieurs réunions des Groupes de Dialogue Civil ont été annulées suite à l’épidémie de COVID-19. Le calendrier provisionnel des réunions de GDC est régulièrement mis à jour.
04-06-2020 (Vidéoconférence): Bilan des Groupes de Dialogue Civil – discussions entre les participants
09-06-2020 (Vidéoconférence): Webinar sur la stratégie « Farm to Fork » avec le Commissaire WOJCIECHOWSKI
17-06-2020 (Vidéoconférence): Cultures arables – oléo protéagineux
02-07-2020: Cultures arables – riz
08-07-2020: Cultures arables – oléo protéagineux, lin et chanvre
08-09-2020: Cultures arables – oléo protéagineux
11-09-2020: Paiements directs et verdissement
14-09-2020: PAC